Qui bénéficie de la DADVSI ?

par Forest Ent
mardi 18 avril 2006

Une esquisse de la structure des groupes de médias en France, et des intérêts et conflits d’intérêt en jeu derrière la DADVSI.

Plusieurs articles sur ce site ont montré que la loi DADVSI ne favorise ni les créateurs, ni les interprètes, ni les consommateurs, mais uniquement des intermédiaires. On pourrait au moins espérer qu’elle favorise des intermédiaires français. Mais il n’en est rien.

Pour l’édition musicale, il y a quatre sociétés : EMI, Warner, Sony/Bertelsmann et Universal MG, filiale Vivendi. Malheureusement, Vivendi n’est pas français. 90% de son capital est public et appartient en majorité à des fonds d’investissement.

Pour l’édition cinématographique, la majeure partie est réalisée par le groupe Canal+, filiale de Vivendi, et par TPS. TPS appartient à 66% à TF1, qui appartient à 43% à Bouygues SA, le reste étant public. Le groupe Bouygues appartient à 18% à la SCDM de la famille Bouygues, et à 7% à Artemis de la famille Pinault. Elles n’ont à elles deux que 31% des droits de vote. De plus, il y a à l’heure actuelle un projet de fusion CanalSat/TPS dans lequel Vivendi prendrait la majorité de l’ensemble, Lagardère prenant 20% de Canal+. Lagardère n’est pas plus français que Vivendi. La famille Lagardère en détient 7% et 90% sont publics, avec une majorité de fonds d’investissements étrangers. Une fois cette fusion réalisée, la quasi-totalité de la production française sera faite par une société étrangère monopolistique, et il est peu probable qu’elle maintienne longtemps cette activité.

Pour l’édition audiovisuelle, on trouve 17 sociétés dans le groupe Lagardère , 4 dans le groupe Bouygues, 21 dans RTL Group et 3 dans sa filiale M6. RTL Group est une filiale de la société allemande Bertelsmann.

Pour la distribution sur Internet, nous retrouvons les mêmes : Virginmusic et Europe 2 (Lagardère), E-compil (Vivendi), Sonyconnect et M6music (Bertelsmann), E-tf1 (Bouygues), Numéricable (fonds d’investissement anglais Cinven), etc. Les mesures techniques de protection sont fournies par Apple (i-tunes) et Microsoft (virgin...).

Pour la distribution télévisée, nous avons bien sûr les mêmes : TF1 (Bouygues), M6 (Bertelsmann), Canal+ (Vivendi), etc.

Qui va finalement bénéficier de cette loi ? Ce seront des fonds d’investissement, par exemple Fidelity Investment Ltd. Ce fonds est situé aux Bermudes, comme Microsoft. Il appartient à la famille américaine Johnson, 4e fortune mondiale, et gère 1000 milliards US$ de placements. C’est le premier actionnaire d’Omnicom, premier groupe de publicité mondial (CA 9,7 milliards US$), et le deuxième actionnaire de Lagardère (deuxième éditeur de livres mondial, après Bertelsmann), d’IPSOS, 6e groupe d’études marketing mondial au CA de 700 millions d’euros, et de Havas (6e groupe de publicité mondial, ex-Vivendi), et de tant d’autres...

Heureusement, nous pouvons compter sur la presse pour rendre compte clairement de cette situation, par exemple sur :

- Libération (17% Pathé et 40% Rothschild)

- Le Monde (19% Lagardère et bientôt 49%)

- Le Figaro (82% Dassault, actionnaire de Nagra, fabricant des décodeurs canal+)

- Le Parisien (25% Lagardère)

etc.

Le fait que Lagardère ne soit plus français rend d’autant plus ironiques, avec le recul, les fusions Aérospatiale-Matra et Hachette-VivendiPublishing, faites toutes les deux sous le prétexte de conserver une activité sous "pavillon" français. Il ne reste qu’un grand groupe de médias dans ce cas, la Financière Pinault. Mais les médias n’en représentent qu’une petite partie. Les pouvoirs publics ont de manière constante et déterminée favorisé la concentration des médias, jusqu’à ce que ceux-ci leur échappent complètement.

Même en cherchant bien, on ne peut trouver aucune justification à la loi DADVSI. Peut-être est-ce une simple contrainte européenne ? Ses aspects les plus contestables proviennent de la directive "IP enforcement" déposée par la députée Janelly Fourtou, épouse du deuxième président de Vivendi Universal, Jean-René Fourtou. La loi a été déposée par le ministre de la Culture Jean-Jacques Aillagon, qui avait la tutelle du secteur quand M. Fourtou a été nommé patron de Vivendi Universal. M. Aillagon a été ensuite exercer d’autres fonctions dans la holding Artemis, filiale de Financière Pinault et propriétaire de la FNAC.

Bon appétit, messieurs.


Lire l'article complet, et les commentaires