Racisme, antisémitisme, menaces de mort : comment la presse a laissé faire Mehdi Meklat

par Vera Mikhaïlichenko
mardi 21 février 2017

L'affaire Mehdi Meklat est grave. A l'heure où la presse connaît une perte de confiance d'un niveau jamais vu (la situation est qualifiée de "désastreuse" sur Europe 1), et où de rares journalistes responsables en appellent à une auto-critique, l'affaire dont nous allons traiter montre, s'il en était besoin, qu'on n'en prend pas du tout le chemin. Certains journalistes incorrigibles conduisent toute la profession dans le mur. Il ne restera bientôt plus qu'à ramasser les morceaux d'un des piliers de la démocratie. Tant qu'un pouvoir ne rencontre pas de limite, il abuse de son pouvoir. Le pouvoir médiatique n'échappe pas à cette règle. Et semble tout près de toucher le fond.

C'est le scandale médiatique du week-end. Suite à son passage, jeudi dernier, dans l'émission "La Grande Librairie" sur France 5, à l'occasion de la sortie de son roman Minute (dédié à Adama Traoré), le journaliste Mehdi Meklat (ancien du Bondy Blog et ex-chroniqueur de France Inter) a vu remonter à la surface une marée de tweets nauséeux qu'il avait publiés il y a quelques années sous le pseudonyme de Marcelin Deschamps.

Rappelons, pour ceux qui l'ignoreraient encore, que Mehdi Meklat est publié aux éditions du Seuil et faisait il y a deux semaines la "une" des Inrocks avec l'ancienne Garde des Sceaux Christiane Taubira.

Dans son numéro du 1er février, le magazine de la gauche branchée décrivait « Mehdi et Badrou, 24 ans chacun, [qui] ont été chroniqueurs à France Inter [et] journalistes au Bondy Blog », comme « l’avant-garde d’une nouvelle génération venue de banlieue qui compte bien faire entendre sa voix »...

Immondices en séries : au secours, on suffoque !

Les tweets de Mehdi Meklat ont été exhumés par des internautes, à commencer par celle-ci dès le 16 février, et mis en pleine lumière par le dessinateur de presse Joann Sfar deux jours plus tard.

Je découvre tout ça ce matin. Il semble que c'est authentique. Je trouve ça inexcusable quand on se veut représentant de la jeunesse pic.twitter.com/AMreVQHKT6

— Sfar Joann (@joannsfar) 18 février 2017

Petit florilège de ses tweets nauséabonds, qui rappellent les heures les plus sombres de notre histoire...

Mehdi Meklat s'en est pris pêle-mêle à Marine Le Pen (« Je vais t'égorger selon le rite musulman »), la journaliste Caroline Fourest (« grosse race maudite »), l'académicien Alain Finkielkraut (« fallait lui casser les jambes à ce fils de pute » au moment de son expulsion de Nuit Debout) ou encore Charlie Hebdo (« Charb, j'ai juste envie de l'enc**** avec des couteaux Laguiole », ou encore « je vous souhaite la mort », deux mois avant l’attentat de janvier 2015).

Mehdi Meklat s'est fait remarquer pour des propos antisémites (« faites Entrer Hitler pour tuer les juifs ») homophobes ou misogynes (« venez on enfonce un violon dans le c** de madame Valls ») ainsi que par des propos flirtant avec l'apologie du terrorisme (« Je trouve la phrase ‘Moi la mort, je l'aime comme vous vous aimez la vie' de Mohamed Merah, troublante de Beauté », « Ben Laden me manque »).

Lorsqu'on se souvient que Dieudonné avait été jugé coupable d'apologie d'actes de terrorisme pour avoir écrit sur Facebook "Je me sens Charlie Coulibaly", l'impunité dont jouit Mehdi Meklat a de quoi laisser pantois...

Des médias (de gauche) un brin complaisants

La dénonciation des propos de Mehdi Meklat vient d'abord de ce que les médias ont pris coutume d'appeler la "fachosphère", qui, ironie du sort, se retrouve en première ligne pour dénoncer... le racisme. L'administrateur du site Fdesouche ne peut que s'étonner de cette cocasserie :

La Fachosphère qui devient la principale force antiraciste en France... Dans 6 mois on mange du quinoa

— Pierre Sautarel (@FrDesouche) 19 février 2017

D'autres médias dissidents (qui n'ont pas le label "vert" dans le Décodex du Monde) s'engouffrent vite dans la brèche. C'est le cas de RT le 18 février ("Racisme, antisémitisme... Quand les étranges tweets d'un ex-journaliste du Bondy Blog refont surface") et de Valeurs actuelles le 19 février ("Mehdi, le copain antisémite et anti-Français de Christiane Taubira").

Les grands médias traînent pour réagir, ce qui provoque certaines interrogations, comme celle de l'universitaire Laurent Bouvet...

Cette complaisance de la presse (d'une certaine presse) à l'égard d'un personnage ouvertement antisémite est tout simplement inimaginable ! pic.twitter.com/gPv4HR0AIs

— Laurent Bouvet (@laurentbouvet) 18 février 2017

... ou celle de l'avocat Gilles-William Goldnadel dirigée contre Sophia Aram de France Inter...

Tiens tiens , #SofiaAram se déchaîne contre #Fillon #LePen et #Sarkozy mais nenni sur #Mehdi ...Oubli ou déni ?

— G-William Goldnadel (@GWGoldnadel) 20 février 2017

... ou encore celle de Marion Maréchal-Le Pen :

Éloge de Merah, menaces, homophobie, haine de la France et antisémitisme : pourquoi les médias protègent-t-ils @mehdi_meklat ? pic.twitter.com/4UuQQFrhfb

— Marion Le Pen (@Marion_M_Le_Pen) 19 février 2017

Néanmoins, notons la réaction rapide de François Busnel, l'animateur de l'émission "La Grande Librairie", qui désavoue fermement son invité :

Message de François Busnel pic.twitter.com/vNecf5nFZ4

— La Grande Librairie (@GrandeLibrairie) 19 février 2017

Les éditions du Seuil réagissent à leur tour le 19 février sur Facebook :

Le Figaro réagit le 19 février en fin de journée, les Grandes Gueules de RMC le 20 février, mais aussi LCI, ou encore le Lab d'Europe 1, qui rend compte des interrogations de plusieurs représentants du Front national sur le silence médiatique qui entoure encore, à ce moment-là, cette affaire, mais aussi de la condamnation, toute empreinte de lyrisme, des propos de Mehdi Meklat par Christiane Taubira :

"Ces propos creusent une consternation aussi vertigineuse qu’un cratère atomique. […] Il n’y a qu’une issue : la vérité et le cheminement. Et si c’était un jeu, il est trop pestilentiel et trop dangereux pour ne pas faire l’objet d’un examen rigoureux."

Prenons la ministre au mot, et partons en quête de vérité.

Des excuses peu convaincantes

Face au tollé, Mehdi Meklat a présenté ses excuses, assez peu convaincantes à vrai dire :

2. À travers Marcelin Deschamps, je questionnais la notion d'excès et de provocation. Mais aujourd'hui je tweete sous ma véritable identité.

— Mehdi (@mehdi_meklat) 18 février 2017

4. Je m'excuse si ces tweets ont pu choquer certains d'entre vous : ils sont obsolètes.

— Mehdi (@mehdi_meklat) 18 février 2017

En effet, le jeune homme écrit que ce n'est que « jusqu’en 2015 » qu'il incarnait le personnage de Marcelin Deschamps, « honteux raciste antisémite misogyne homophobe sur Twitter ».

Or, c'est le 16 avril 2016, et le 17 avril, soit bien après qu'ait censé avoir pris fin son rôle odieux, qu'il appelle à passer à tabac Alain Finkielkraut :

.@mehdi_meklat Donc ce tweet de 2016 reflète bien votre pensée ? Merci pour la précision ! pic.twitter.com/jzyYo4Tiih

— David Masson-Weyl (@DMdoubleV) 18 février 2017

La Ligue de défense juive a d'ailleurs le jeune homme dans son colimateur depuis cet épisode, et a enregistré pour la postérité certains de ses tweets.

Mehdi Meklat a effacé près de 50 000 tweets en une seule nuit, semble-t-il, entre samedi et dimanche...

Plus de 53 000 tweets...
Plus que 500 tweets...

... ce qui pourrait signifier, selon le politologue Laurent Bouvet, que l'homme n'était pas très sûr de sa ligne de défense : l'humour de ses tweets est en effet absolument imperceptible, et, franchement, un appel au meurtre n'a jamais été très rigolo pour qui n'a pas le cerveau complètement détraqué...

En une nuit le compte Twitter de @mehdi_meklat est passé de plus de 50000 tweets publiés à 500. C'est parce que c'était juste de l'humour ? pic.twitter.com/95yFXntDJ6

— Laurent Bouvet (@laurentbouvet) 19 février 2017

Même les Inrocks, qui l'avaient mis en couverture, le lâchent. Dans un édito du 20 février, Pierre Siankowski, directeur de la rédaction, écrit :

"N’y allons pas par quatre chemins, ne cherchons pas d’excuse : dans leur lecture pure et dure, et qu’ils aient été publiés sous un autre nom que le sien, ces tweets sont abominables, abjects, et certains pris comme tels sont tout simplement antisémites, racistes et homophobes. Rien à dire là-dessus. C’est extrêmement grave et choquant et on ne peut que condamner ces propos. (...)

Les excuses qu’on attend de Mehdi Meklat à la suite de cette histoire (...) doivent explorer et éclaircir la part d’ombre qui sous-tend ses tweets honteux. Nombreux sont ceux, dont moi, dont ce journal, qui ont accordé leur confiance à Mehdi Meklat. C’est au nom de cette confiance que vient notre envie profonde de le voir se sortir dignement – c’est-à-dire sans nier ses fautes – de cette situation qui l’accable pour le moment. Le pardon existe. Il suffit de le demander, sincèrement."

Même prise de distance de la part du Bondy Blog, pour lequel avait aussi travaillé Mehdi Meklat :

Notre réponse aux accusations contre Mehdi Meklat et visant le Bondy Blog : pic.twitter.com/cEdp00y3js

— Le Bondy Blog (@LeBondyBlog) 18 février 2017

Pour les Inrocks : des tweets à "pleurer de rire" !

Une question se pose néamoins : les médias qui ont employé cet individu avaient-ils connaissance de ses tweets sous le pseudonyme de Marcelin Deschamps, avant que le scandale n'éclate ces derniers jours ?

L'association Le Printemps républicain, collectif de gauche défendant la laïcité, pose d'ailleurs le problème sur le site Causeur :

"De deux choses l’une, soit ces médias (Mediapart, Libération, Télérama, Le Monde, Les InrocksFrance 2, France Inter…) ne savaient pas qui était Mehdi Meklat, et alors leur crédibilité est profondément mise en cause, soit ils le savaient mais ont fait comme si de rien n’était, ce qui pose des questions sur leurs intentions et sur la manière dont ils conçoivent leur rôle dans la restitution de ce qui est à l’oeuvre dans la société française."

Comme nous allons le voir, il y a en effet de sérieuses "questions à se poser sur leurs intentions et sur la manière dont ils conçoivent leur rôle dans la restitution de ce qui est à l’oeuvre dans la société française"... car nous avons la preuve qu'ils savaient bel et bien ce que tweetait leur journaliste.

Commençons par Pierre Siankowski. A l'en croire, il ne savait rien :

"Avais-je, avions-nous, aux Inrockuptibles, connaissance de tout cela avant de donner la parole à Mehdi Meklat  ? Aucun journal, aucun journaliste ne peut éplucher de A à Z les tweets de celui ou ceux sur qui il produit un sujet. Depuis le 17 février, certains – parfois entre deux insultes, et a posteriori – me demandent, comme à beaucoup d’autres directeurs de rédactions, de chaînes de radio ou de télévision qui ont donné la parole à Mehdi, comment j’ai pu tolérer sa présence dans les pages du journal. (...) On s’étonne que ceux qui sont aujourd’hui si sûrs de leur jugement ne se soient pas exprimés avant puisqu’ils “savaient”, semble-t-il.

(...) Nous n’avons à recevoir de leçons de personne, sur les réseaux sociaux comme ailleurs. Les Inrockuptibles ont encore moins à s’excuser, a posteriori, d’avoir publié des textes ou des propos de Mehdi Meklat antérieurs à la polémique qui entoure ses tweets."

Pourtant, Pierre Siankowski a adressé de nombreux tweets à Marcelin Deschamps, comme l'ont relevé Thomas Vampouille, journaliste à Marianne, mais aussi Nassim Seddiki, membre du bureau fédéral du PS de Paris :

Bonsoir @siankowski et @lesinrocks vous êtes sûrs de n'avoir découverts les tweets de @mehdi_meklat que ce we ? #mehdimeklat pic.twitter.com/IWjHFLXGLB

— Nassim Seddiki (@NSeddiki) 20 février 2017

Le 5 mars 2012, il s'adresse dans le même tweet à Marcelin Deschamps et à Pascale Clark, sa marraine à France Inter :

@MarcelinDchmps @PascaleClark tu vas faire ton prochain reportage au trou tu vas voir.

— pierre siankowski (@siankowski) 5 mars 2012

Un tweet de Pierre Siankowski, daté du 16 juin 2012, vient tout particulièrement ruiner son argumentaire ; à l'époque, le directeur de la rédaction des Inrocks, selon ses propres dires, pleurait de rire à la lecture des oeuvres de Marcelin Deschamps :

@MarcelinDchmps je pleure de rire.

— pierre siankowski (@siankowski) 16 juin 2012

Ce tweet commence d'ailleurs à circuler ici ou là sur les réseaux sociaux, et à faire pleurer de rire (à son tour) beaucoup de monde :

Quand @siankowski nous explique qu'il n'avait pas connaissance des tweets de #mehdimeklat je pleure "pleure de rire" aussi. pic.twitter.com/MzagKDEy93

— Maxime Castletbajac (@castletbajac) 20 février 2017

Autre fait accablant pour les Inrocks : un article d'Alexandre Comte, publié le 17 octobre 2012, consacré à Mehdi Meklat et Badroudine Saïd Abdallah, qui entamaient alors leur quatrième année au côté de Pascale Clark sur France Inter. L'article est en accès payant. Voici ce qu'on peut en lire via Google :

Et voici le passage intégral, que l'on doit à Laurent Bouvet :

C'est bon, arrêtez tout. @lesinrocks trouvent le fil Twitter de @mehdi_meklat du @LeBondyBlog "drôle à mourir". pic.twitter.com/C7xy5eKLVj

— Laurent Bouvet (@laurentbouvet) 18 février 2017

Le journaliste Alexandre Comte trouvait alors la plupart des tweets de Mehdi Meklat (à l'unisson avec son patron) "drôle à mourir".

Pour le Bondy Blog : des tweets "hardcore" !

Passons au Bondy Blog. Nous avons la preuve, par des tweets de Widad Ketfi, journaliste pour ce site, que les activités de Mehdi Meklat, sous le pseudo de Marcelin Deschamps, étaient connues et, semble-t-il même, appréciées :

Avec @MarcelinDchmps et @BadrouDean on a interviewé Laurence Rossignol. pic.twitter.com/GRrSopGB0l

— Widad.K (@widadk) 17 avril 2016

Et qu'elle a commencé en citant un des tweets hardcore de @MarcelinDchmps c'était magnifique @BadrouDean

— Widad.K (@widadk) 17 avril 2016

L'interview de Laurence Rossignol dont il est question a été publiée sur le Bondy Blog le 18 avril 2016 (Mehdi Meklat en est l'un des auteurs). Le ton y est très agressif, les jeunes journalistes admettant mal que la ministre ne soit pas très favorable au port du voile islamique. Le comble est qu'il est reproché à la ministre d'avoir été "raciste" et "insultante" en utilisant le mot "nègre". Ainsi, nos journalistes en herbe se montrent-ils très sourcilleux sur l'emploi du moindre mot déplaisant chez ceux qui ne défendent pas leur cause, tout en se permettant (ou en cautionnant) les pires insultes racistes sur Twitter, pour le fun...

Widad Ketfi a encore pris la défense de son collègue le 19 février sur Twitter.

Francer Inter : Pascale Clark carrément fan de Marcelin Deschamps !

Examinons enfin le cas de France Inter. Comme le dit l'intéressé lui-même, dans un message posté le 20 février sur Facebook, tout le monde à Radio France savait le rôle odieux qu'il jouait sur Twitter :

Pascale Clark, en particulier, grande prêtresse de l'info sur France Inter, et qui a donné sa chance aux twittos fou dans une séquence appelée « Les Kids », savait tout des activités de son poulain. Pour preuve, elle a dialogué sur Twitter avec Marcelin Deschamps sans discontinuer, entre le 26 décembre 2011 et le 3 juin 2016 (toutes les copies d'écran sont ici).

Cerise sur le gâteau : le 2 septembre 2012, Pascale Clark nous invitait chaudement à suivre les productions sur Twitter de Marcelin Deschamps !

@MarcelinDchmps Il est urgent de suivre @MarcelinDchmps

— Pascale Clark (@PascaleClark) 2 septembre 2012

Sophia Aram, elle, aimait moins, mais était parfaitement au courant :

Mehdi @MarcelinDchmps je t'ai pas dit, mais j'adore ce que tu fais avec Badrou chez @PascaleClark c'est beaucoup mieux que tes tweets.

— sophiaaram (@Sophia_Aram) 29 mai 2015

"Tous ses amis [journalistes] connaissaient ses tweets"

Notons, au passage, un autre soutien de poids : le journaliste Claude Askolovitch, qui évoque de simples "blagues" de "gamin".

Je pense qu'un gamin qui twittait des BLAGUES nazes pour tester sa provoc est moins immonde que ceux qui utilisent ses conneries passées. https://t.co/Ml4DeDLOU7

— claude askolovitch (@askolovitchC) 18 février 2017

Ne pouvant compter sur des journalistes expérimentés pour le recadrer, on apprend, dans un reportage du Monde daté de septembre 2016, que c'est son ami Mouloud Achour (36 ans) qui l'avait mis en garde : « Arrête ces Tweets ! Tu n'es pas dans une cour de récréation ! Les écrits restent, un jour on te les ressortira. » Mehdi Meklat avait répondu : « Mes Tweets sont des pulsions ! »

Pour enfoncer le clou (dans le cercueil de la déontologie médiatique), notons encore un entretien vidéo donné à Arte, daté de juin 2015, où le jeune journaliste parle ouvertement à Julia Molkhou de ses tweets sous le pseudo de Marcelin Deschamps. On y apprend que France Inter, mais aussi le magazine Elle lui ont fait quelques petites réprimandes quand ça allait trop loin, mais sans que ça n'aille jamais jusqu'à une quelconque sanction. On ne saurait mieux illustrer la crise de l'autorité si caractéristique de notre époque.

Bref, les Inrocks, le Bondy Blog, France Inter, Elle, Arte... tout le petit monde médiatique savait et a laissé faire.

Libération a bien tenté de faire diversion, en mettant en cause ceux qui avaient sorti l'affaire (l'horrible "fachosphère")... Heureusement, tous les journalistes ne sont pas totalement à l'ouest ou malhonnêtes, et savent remettre les choses à leur juste place, à l'instar de Françoise Laborde (Membre du CSA de 2009 à 2015), qui a répondu à Libé :

C'est facile de réduire les réactions à la fachosphere. La stupeur c'est que ts ses "amis" connaissaient ces tweets https://t.co/jLDTukMGtZ

— Francoise Laborde (@frlaborde) 20 février 2017

On peut d'ailleurs illustrer la différence criante de traitement d'un média comme Libération en mettant en parallèle les présentations de l'affaire Meklat (lourde et archi documentée) et la pseudo affaire touchant Lorant Deutsch, où rien pourtant n'a jamais pu être prouvé :

L'hypocrisie médiatique par l'exemple. pic.twitter.com/mO3IqkjRN5

— Hérisson Dissident ن (@Herissident) 20 février 2017

2 poids 2 mesures, ou "La liberté d’expression à la tête du client" 

Revenons, pour terminer, sur l'un des aspects les plus inquiétants de cette affaire : les justifications que parviennent à trouver certains journalistes aux agissements surréalistes de leur confrère Mehdi Meklat.

On a vu que certains d'entre eux étaient morts de rire à la lecture de ses tweets, vraiment fans. C'était notamment le cas d'Alexandre Comte, journaliste aux Inrocks. Or, que nous dit ce journaliste (ancien de Canal+ et de France Inter : même esprit) après que le scandale a éclaté ?

L'outrance des tweets de Marcelin Deschamps / @mehdi_meklat, c'était la résonance de la violence de nos sociétés, qu'il régurgitait.
1/2

— Alexandre Comte (@alexandre_comte) 18 février 2017

Avec rage. Parfois avec une inconséquence immature. Souvent avec humour. Parce qu'il avait du mal à la digérer. Parce qu'il avait 20 ans.

— Alexandre Comte (@alexandre_comte) 18 février 2017

Il nous dit que toute cette violence verbale (antisémite, raciste, homophobe, etc.), dont Meklat nous a dit lui-même qu'elle était de l'ordre de la pulsion, c'est, en somme, la faute de la société. Formidable indulgence.

Ce sont pourtant les mêmes journalistes qui passent leur temps, sans la moindre indulgence, à faire la chasse aux "complotistes" et autres "fachos", dont les propos ne sont pourtant que très exceptionnellement aussi horrifiques que ceux de leur petit protégé. On ne trouve guère dans ces milieux que Jérôme Bourbon et Henry de Lesquen (caricatures sur pattes) qui puissent tenir la comparaison ; et encore, eux n'appellent-ils pas au meurtre ! Eux, bien sûr, sont libres, responsables de leurs "mauvaises pensées", donc coupables, condamnables, et à damner pour l'éternité. Le poids de la société n'est pas une excuse pour eux, ils ont le Mal en eux, et n'auront de ce fait jamais droit à une seconde chance.

A ce propos, le Printemps républicain peut bien faire remarquer "le gouffre béant du deux poids deux mesures de donneurs de leçon professionnels en matière d’antiracisme et de lutte contre les discriminations". Ainsi, comme il le note dans un communiqué :

« Un jeune affilié au FN, qui aurait commis ce genre de tweets aurait été instantanément, et à fort juste titre, cloué au pilori par ces médias, et se serait certainement retrouvé devant la justice »

Le Printemps républicain

Même réflexion chez Gilles-William Goldnadel :

"J’en connais qui vont fouiller les poubelles du père Le Pen, d’autres qui reprochent à un ancien conseiller de Sarkozy d’avoir dirigé Minute il y a 30 ans, mais dans notre cas, certains plaident déjà l’Antiquité. (...) Il y a encore pire que l’absence de liberté d’expression : la liberté d’expression à la tête du client."

Une liberté d'expression à la tête du client que délivre notamment, de son trône haut perché, Pascale Clark, impitoyable avec ses ennemis (réécoutez ce moment d'anthologie avec Jean-Marie Le Pen en 2007), et si compréhensive avec ses amis :

Son personnage odieux, fictif, ne servait qu'à dénoncer

— Pascale Clark (@PascaleClark) 18 février 2017

Goldnadel ne mâche d'ailleurs pas ses mots envers la journaliste : "Pascale Clark n’a aucun problème avec l’antisémitisme de Mehdi Meklat : il est du sérail islamo-gauchiste".

"Double maléfique" : quand L'Obs invoque Dostoïevski pour justifier l'injustifiable

Le summum de la justification est peut-être atteinte avec L'Obs et Rue89 (qui ne forment plus qu'une seule entité), avec l'invocation d'un "double maléfique" de Mehdi Meklat, tel qu'on en trouve la figure dans les nouvelles d'Hoffmann, de Poe et de Dostoïevski.

"Cela touche souvent des personnes fragiles dans la position d’acceptation de ce qu’elles sont, qui ne se pensent pas complètement légitimes", explique Pacôme Thiellement, "spécialiste de la culture pop, qui connaît bien les trolls".

L'expert tente une analyse à chaud du cas de Mehdi Meklat :

"Cela ne veut pas forcément dire qu’on attaque le monde dans lequel on évolue parce qu’on le déteste, au contraire, cela peut être le contentement qu’on ressent qui n’est pas gérable. Comme dans le syndrome Gilles de la Tourette : c’est parfois le rendez-vous amoureux qui déclenche l’énervement.

Il arrive aussi, simplement, qu’on soit tenté de détruire des choses qu’on a tellement désirées.”

Lorsque Mehdi Meklat traite Eric Zemmour de "fils de pute" en le voyant dans le métro le 27 juin 2014, et nous fait part de son envie de le lapider (autrement dit de le tuer à coup de pierres), il voudrait possiblement, si on comprend bien notre expert patenté, manifester un contentement qui n'est pas gérable, ou bien dire à sa manière tout l'amour qu'il a pour le compère télévisuel d'Eric Naulleau ?

Dans un autre tweet, sous son vrai nom cette fois-ci, en date du 5 octobre 2014, il réitère les mêmes insutes à l'endroit d'Eric Zemmour. On en doit la capture au site Europe Israël.

Toujours pas rassasié de justifications, et n'ayant décidément pas peur du ridicule, L'Obs va jusqu'à nous parler du Dibbouk de la mythologie hébraïque, "qui n'est pas un double mais un esprit malin qui se cache à l’intérieur d’un être, [et qui] peut, lui, être emprisonné dans un meuble, une armoire ou un placard. Ce qui est pratique."

A-t-on jamais évoqué le Dibbouk pour expliquer et pardonner les malheureux écarts et autres "dérapages" de tous les ennemis idéologiques du clergé médiatique ?

Bien plus encore qu'à cause de leurs désinformations factuelles (voir à ce propos la récente désinformation du Monde et de tant d'autres titres de la presse sur Trump et le pseudo attentat inventé en Suède), les médias se discréditent avec ce genre d'affaire, qui révèle leur vrai visage, de rouleaux compresseurs idéologiques. Il est temps de militer pour la constitutionnalisation du pouvoir médiatique, aussi utopique que puisse paraître ce projet.


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