Racolage humanitaire

par Serge LEFORT
jeudi 15 juillet 2010

Le film Sans frontière raconte une histoire édifiante :

Au cours d’une soirée mondaine, organisée sous le prétexte de venir en aide aux Ethiopiens - davantage organisée à des fins politiques qu’humanitaires -, Sarah Jordan (Angelina Jolie) s’amourache de Nick Callahan (Clive Owen), un baroudeur de l’humanitaire. Ce dernier, habitué des coups d’éclats médiatiques, bouleverse la réception en débitant un discours bien rôdé sur le manque de financements et de ressources. Sarah, jeune mariée, est subjuguée et prend alors l’initiative d’aller porter elle-même de la nourriture dans un camp éthiopien.

De retour à Londres, elle s’implique au sein du HCR (Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés) et garde le contact avec Nick. Les années passent, et lorsque Nick lui demande d’user de son influence au sein du HCR pour l’aider au Cambodge où elle le rejoindra.

Elle le rejoindra une dernière fois en Tchétchénie pour mourir... en marchant sur une mine antipersonnelle. Lui quittera son battledress humanitaire et retournera en Angleterre pour voir la fille... qu’ils ont conçue au Cambodge.

CAMPBELL Martin, Sans frontière (Beyond Borders), 2003 [AlloCiné - IMDb - IMDb Video - Wikipédia].

Angelina Jolie incarne parfaitement la petite-bourgeoise, un peu conne mais toujours bien maquillée et propre sur elle (vêtue d’un blanc virginal dans la première partie) à l’image d’une Bécassine moderne, qui s’offre quelques frissons dans les bras de Clive Owen, le médecin-baroudeur de l’humanitaire à l’image de notre Monsieur Sac de riz [1].

Ce film, au-delà des clichés romanesques bien lourdingues, est un éloge complaisant à l’adultère petit-bougeois pour la bonne cause humanitaire. Le scénario est construit sur le modèle des films de recrutement pour l’armée. Si l’humanitaire rime avec militaire, le réalisateur mêle astucieusement les styles Rambo (pour les hommes) et fleur bleue (pour les femmes). Aux hommes il vend l’aventure virile aux quatre coins du monde sous les projecteurs des caméras qui est récompensée par le repos du guerrier ; aux femmes l’aventure sentimentalo-humanitaire qui autorise toutes les transgressions sociales.

Ce film, construit entre sensiblerie putassière et dramatisation de l’action, nous vend en prime l’idéologie humanitaire : néo-colonialiste (les scènes en Ethiopie), anticommuniste (les scènes au Cambodge et en Tchétchénie) et collaborationniste avec les trafiquants de drogue et d’armes.

Serge LEFORT
Citoyen du Monde

Lire aussi :
• 12/05/2010, Les petits soldats de l’humanitaire, Monde en Question.
• 25/01/2010, Le colonialisme humanitaire, Monde en Question.
• Dossier documentaire & Bibliographie Aide humanitaire - Colonialisme humanitaire, Monde en Question.


[1] La Bécassine moderne, mithridatisée par les prescriptions publicitaires des médias, « n’hésite plus à coucher dès le premier rendez-vous et ses accessoires féminins, du talon aiguille à la guêpière en passant par la culotte fendue sont aujourd’hui autant d’étendards fièrement levés à la gloire du féminisme conquérant »... pour la bonne cause humanitaire.
MAILLARD Agnès, Coïtum Triste, Le Monolecte, 06/07/2010.
Lire aussi :
• LEFORT Serge, La haine du poil, Monde en Question, 07/07/2010.
• LEFORT Serge, Monsieur Sac de riz et Chanoine de Latran, Monde en Question, 31/07/2009.


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