Redevance sur Internet : inopportune et rétrograde !

par stephane rossard
jeudi 21 septembre 2006

 On échappe très rarement à sa nature. En matière de fiscalité, celle de l’Etat français se résume en un mot : taxer. Dernier exemple en date : l’idée d’étendre la redevance à l’Internet. Une idée inopportune et rétrograde. Au lieu de conduire une réflexion de fond sur la place de l’Etat au sein de ce nouveau paysage multimédia, fruit d’évolutions fulgurantes des nouvelles technologies, le gouvernement raisonne à très court terme : comment renflouer « mes » caisses ?

Il y a des défauts qui ne vous lâchent pas. Preuve en est la volonté sourde du gouvernement, par la voix de Jean-François Copé, ministre délégué au Budget, qui n’a pas exclu que les Français qui regardent la télévision sur leur ordinateur via Internet soient soumis un jour au paiement de la redevance télé, au même titre que les possesseurs d’un poste de télévision. A activité nouvelle, taxe nouvelle ! C’est un des principes inhérents à notre cher Etat et à ses multiples satellites.

A peine le succès de l’Internet haut débit en route, le gouvernement, fidèle à lui-même, pense au mieux à freiner, au pire à stopper cette formidable dynamique. Un travers des plus insupportables. C’est bien une spécificité française.

Bien sûr, on comprend la raison du ministre : garantir l’égalité de tous les citoyens devant une imposition identique, en l’occurrence la redevance. Cependant, derrière cet argument qui sent bon la justice et l’égalité, on soupçonne le désir irrépressible de l’Etat de mettre la main sur cette nouvelle poule aux œufs d’or que représente la télévision sur Internet, avide de nouvelles rentrées d’argent pour alléger le poids de sa dette colossale.

Le gouvernement préfère agir vite, sans craindre l’impopularité, et sacrifier sur l’autel de ses besoins immédiats - renflouer à tout prix les caisses vides - le temps indispensable d’une réflexion à la hauteur des enjeux issus des nouvelles technologies, et donc par là-même sur la redevance classique.

Cette approche, car la décision n’a pas été encore prise, mais c’est tout comme car on voit mal le gouvernement se priver de ces recettes nouvelles à portée de ‘‘clic’’, suggère plusieurs commentaires.


D’abord, il faudrait s’assurer que le fruit de cette nouvelle taxe alimente des investissements en rapport avec la recherche et l’innovation dans le domaine des nouvelles technologies ou des télécommunications. Cependant, impossible à contrôler, en raison du principe de la non-affectation des recettes.

Néanmoins, le gouvernement devrait avoir le souci d’allouer le produit de cette taxe à des activités préparant notre pays aux défis technologiques de demain. Elle contribuerait ainsi à la modernisation ou à son accélération et ainsi permettrait de réussir son entrée dans l’ère numérique. Au-delà, cela ferait probablement mieux passer la pilule.

Sans parler de la qualité de la programmation, qui devrait être une obligation de résultat pour les chaînes publiques. Mais comment évaluer cette dernière ? Selon quels critères ?

Ensuite, le gouvernement saute à pieds joints sur un débat de fond : le rapport coût-efficacité de la redevance. Autrement dit, la rentabilité des services en charge de sa collecte, un service onéreux jusqu’ici. Donc, quand Jean-Francois Copé déclare : ’’Il faudra qu’un jour ou l’autre on ait le débat’’, nous n’avons pas, visiblement, la même idée de débat !

Par ailleurs, on attend une réflexion de fond de la part des autorités publiques sur la place, le rôle et les missions de l’Etat dans ce nouveau paysage audiovisuel qui se met en place. Or, l’Etat en fait l’économie. Par exemple, le maintien de France 2 dans la sphère publique ?

Au regard des évolutions récentes et fulgurantes du marché télévisuel en termes de supports et de formats, la redevance ne serait-elle pas devenue has been ? A propos des supports, pourquoi le PC, et non le téléphone portable ? Concernant les formats issus des technologies nouvelles, il y a désormais mille et une autres options pour les télévisions publiques de recettes nouvelles (programme en ligne notamment, podcast, videocast...).

C’est pourquoi cette idée d’extension de la redevance à l’Internet est à la fois discriminante et inopportune, pour ne pas dire rétrogade, et montre combien, dans ces domaines aux transformations à vitesse grand ‘’V’’, le gouvernement accuse plusieurs trains de retard.

Pourtant, c’est par là que le gouvernement devrait commencer, s’interroger sur cette ère nouvelle, qui n’a strictement plus rien à voir avec le temps de l’ORTF, voire, sans remonter si loin, avec le temps des privatisations des années 1980.

C’est regrettable, donc, de constater que si le monde change, en l’occurrence le paysage audiovisuel, disons même multimédia car les groupes de presse, de radio et de télévision sont désormais des touche-à-tout en termes de contenus et de tuyaux, le gouvernement, déphasé (dépassé ?) continue avec ses vieilles recettes d’antan.


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