Rester debout ou se coucher

par olivier cabanel
vendredi 14 mai 2010

La presse va mal en France,

Certains journalistes commencent à avoir peur, et les poches de résistance se réduisent comme peau de chagrin.

A tel point qu’il aura fallu attendre près de 2 ans pour apprendre ce qui s’est passé à France Télévision le 30 juin 2008.

 Ce jour là, tout aurait pu basculer lors d’une visite programmée du chef de l’état.

C’est un journaliste, Emmanuel Berretta, (Le Hold-up de Sarkozy/ chez Fayard) qui nous en raconte de bien bonnes sur les rapports entre Sarkozy et les médias. lien

Ce jour là, Sarkozy a rendez vous avec le patron de France télévision, et doit répondre à une interview. lien

L’arrivée du président commence très mal : dans le couloir qu’il traverse pour se rendre dans le studio, il croise trois syndicalistes portant un tee-shirt « plus belle la vie sans Sarkozy ».

Rage du président qui menace de partir, et passe un savon à Patrick de Carolis.

La discussion est houleuse entre les deux hommes, et des démissions sont proposées.

De Carolis obtient que les tee-shirts insolents soient retirés, et le président consent à maintenir l’interview prévue. lien

Mal lui en prend : alors qu’il répond aux questions d’Audrey Pulvar, de Gérard Leclerc et de Véronique Auger, d’autres syndicalistes tentent d’occuper le plateau.

Ils sont repoussés par les vigiles, lesquels bloquent la porte comme ils peuvent.

Les syndicalistes ne s’en laissent pas compter, et à l’aide d’un bélier tentent d’enfoncer la porte.

On imagine l’ambiance dans le studio, où le jeu des questions réponses est quelque peu troublé par les coups de boutoir dans la porte.

Voici une partie de la vidéo de cette émission.

On peut écouter l’interview de Beretta dans l’émissions de Jean Marie Colombani, sur « public sénat » lien

Si l’on fait un flash back de quelques années, on constate que les rapports entre les médias et Sarkozy n’ont jamais été apaisés.

Déjà en 2005, le 25 aout, Alain Genestar, perdait sa place de directeur de Paris Match pour avoir osé montrer Cécilia au bras de son amant, Richard Attias, à New York. lien

Ceux qui se sont montré dérangeants, voire insolents, envers le chef de l’état l’ont payé cher.

Personne n’a oublié le commentaire de PPDA, au sujet de Sarkozy, qu’il comparait à « un petit garçon en train de rentrer dans la cour des grands ». La plaisanterie lui a couté son « 20 h » sur TF1.  lien

Mais pour mieux connaître les rapports de Sarkozy avec les médias, il faut aller en Suisse.

Une émission réputée, « temps présents » en a fait un documentaire.

Sous le titre « Sarkozy, vampire des médias », tout est raconté avec des détails. lien

Sarkozy y traite un journaliste de « crétin » et de « honte de sa profession ».

Ce dernier, pas fier pour un rond, est encore heureux d’avoir échappé à la sanction ultime, la perte d’accréditation.

On y voit une meute de journalistes entassés comme du bétail dans une charrette, tirée par un tracteur, pour pouvoir filmer Sarkozy à cheval déguisé en gardian …

On y apprend que pour éviter les problèmes, les conférences de presse sont organisées en dehors des grands centres urbains de préférence dans des endroits isolés plus facilement sous contrôle.

Tout est fait pour éviter le moindre débordement, et il arrive qu’il soit impossible de poser la moindre question.

On y apprend « les mises à pied, la censure, les menaces et même les insultes » proférées par le petit président contre la presse.

On y entend Jean François Julliard secrétaire général de « reporters sans frontière » évoquer :

« La France détient aujourd’hui le triste record en Europe du nombre de perquisitions dans les rédactions et du nombre de journalistes mis en examen pou placés en garde à vue.

La France fait moins bien aujourd’hui que les nouveaux entrants dans l’union européenne des pays comme la Pologne, la Bulgarie, la Roumanie, ou il y a encore pas longtemps des journalistes pouvaient se faire casser la gueule au coin d’une rue parce qu’ils avaient enquêté sur une affaire sensible ». Vidéo

Car ce qui gêne le plus Sarkozy, c’est que les journalistes soient trop bavards.

Il a menacé de retirer leur accréditation à ceux qui iraient trop loin. lien

Ce qui est sûr, c’est que la plupart des journalistes en ont une peur bleue, dixit Peter Rothenbüler ancien rédacteur en chef du journal suisse « le Matin  » tout surpris d’avoir été le seul à annoncer le départ de Cécilia). Vidéo (curseur à 13 minutes).

 Au point que l’informateur, continue de se cacher aujourd’hui sous un pseudo, de crainte de représailles. vidéo

Sarkozy, non content d’avoir pour ami Arnaud Lagardère et Martin Bouygues, est même parfois consulté par certains pour faire le bon choix.

Le « Canard Enchainé » avait révélé en février 2006 que Jean Pierre Elkabbach avait demandé conseil à Nicolas Sarkozy au sujet du recrutement d’un journaliste politique. lien

Lagardère est soupçonné d’avoir bloqué un article du « journal du dimanche » révélant que l’ex épouse de Sarkozy n’était pas allé voter au deuxième tour de l’élection présidentielle. lien

On a commencé à découvrir les basses manœuvres pour se débarrasser de la presse gênante.

La tentative de couler « Marianne », en faisant pression sur un financier qui soutenait le journal a provisoirement échoué. lien (régler le curseur à 1minute)...jusqu’à quand ?

Tout le tort du journal était d’avoir sorti un « Marianne, spécial Sarkozy » en avril 2007. lien

Mais il y a mieux.

Le Président voulait à tout prix mettre l’un de ses protégés au poste de patron de l’AFP, poste clef s’il en est.

L’information donnée était qu’Emmanuel Hoog, (le choix de l’Elysée) avait été élu dès le premier tour au début de ce mois d’avril.

La réalité est ailleurs : Au premier tour, Philippe Micouleau présenté par Le Figaro était écarté, puis au 2ème tour c’était au tour de Louis Dreyfuss de tomber devant Hoog par 7 voix contre 8. lien

Les témoignages des pressions faites à la presse se multiplient. lien

Dans l’émission « n’ayons pas peur de mots » on a pu entendre ceci :

« On se sent très clairement mis en danger par certaines de ses pratiques (…) il menace, il passe (lui ou son équipe) son temps à montrer du doigt certains journalistes : on ne vous oubliera pas, on s’occupera de vous après l’élection, on va virer cette rédaction » lien

L’ambiance conflictuelle avec la presse est permanente, comme on peut le constater sur cette courte vidéo, ou Sarkozy traité de monarque par Laurent Joffrin fait tout pour ridiculiser celui-ci devant ses confrères.

La question posée par Joffrin était pourtant tout à fait recevable : la monarchie est un système de gouvernement dans lequel le pouvoir est exercé par une seule personne.

Or Sarkozy lui a répondu en persiflant : pour lui une monarchie ne peut être qu’héréditaire, et pas élective, et il se trompe.

Heureusement, lorsque des journalistes se couchent, il y a au moins des humoristes qui résistent, tel Stéphane Guillon, inventant une interview présidentielle bidonnée. vidéo

En attendant, le ménage continue, et Guillon, avec d’autres semble bel et bien menacé pour la rentrée prochaine. lien

Comme l’explique très bien Daniel Schneidermann, l’éviction de Guillon sera précédée par celle de jean Paul Cluzel, président de radio France

Vidéo (Curseur à 1 minute)

Certains journalistes se demandent maintenant si Sarkozy est fou ? lien

En tout cas, depuis son élection, Sarkozy est trois fois plus présent dans les médias que ne l’étaient ses prédécesseurs.

Certains pensent que toute la presse lui appartient, alors, pourquoi se gênerait-il ? lien

Alors bien sur, il reste Internet, maintes fois menacé, mais jusqu’à quand ?

A part quelques journaux libres, parce que sans actionnaires, combien sont encore capables aujourd’hui de parler librement ?

Ils ne doivent pas être très nombreux.

Ces jours-ci, on sent comme une « entrée en résistance ».

Dans « le Progrès », Francis Brochet raille « Nicolas Sarkozy, l’austère qui se cache, qui « ne baisse pas les impôts, mais supprime les baisses d’impôts » lien

François Martin, dans le « Midi Libre », « Sarkozy a sorti son habit de funambule, glissant sur le fil tendu entre promesses et attentes ». lien

Dans Libération, François Sergent dénonce « la France et son gouvernement qui joue avec les mots, alors que la rigueur et l’austérité pour tous est au programme européen ».

Et pour enfoncer le clou, Olivier Picard, dans « les dernières nouvelles d’Alsace » dénonce : « les déplacements en avion privé à 116 000 euros le voyage, les gaspillages des campagnes de vaccination ». lien

Car comme disait mon vieil ami africain :

« Quand le chat n’a pas faim, il dit que le derrière de la souris pue ».


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