Rififi chez Lagardère Active Medias
par D. Artus
vendredi 2 février 2007
Après un show face aux financiers venus écouter la bonne parole, mais surtout la stratégie future, (le 25 janvier dernier) le titre Lagardère a baissé de 4,5% à la Bourse. Inexplicable ? Non, show raté, c’est en tout cas ce que disent certains des participants.
Pourtant, Didier Quillot, le nouveau PDG venu de chez Orange au prix fort, devait porter la bonne parole de la convergence numérique et de la mutualisation des contenus et des ressources, viatique indispensable à qui veut séduire les marchés. En effet aujourd’hui, la convergence numérique, le bimédia et la mutualisation s’inscrivent en lettres « full hd » au fronton de tous les groupes médias. Tous morts de trouille à l’idée de se faire décrocher sur le terrain du langage stratégique.
Mais quelle est la réalité ? Pour ceux qui s’en souviennent, on a eu droit au même discours en 2000, à l’heure de la première bulle Internet. Tous les groupes qui en avaient les moyens financiers achetaient des start-up Internet à tour de bras, quoi qu’ils en coûtent. Ifrance, racheté par Vivendi par exemple (vente qui a lancé le talentueux Marc Simoncini, patron de Meetic), Vivendi qui fut l’un des acteurs majeurs à gros carnet de chèque de l’époque.
Chez Lagardère, Fabrice Sergent fut l’un des acteurs de cette « webisation » du groupe. Il en fut de même chez Prisma Presse, même si le vieux sage Axel Ganz restait très méfiant. Idem chez Emap France (Mondadori France aujourd’hui), où une équipe fut recrutée très vite pour travailler les marques et la pub sur le Net. Le Monde, Le Figaro, Libération passèrent également la vitesse supérieure, en tout cas de façon visible, sur la forme. Il « fallait » absolument présenter une stratégie Internet. Et quand la bulle explosa, certains ont très vite adopté la stratégie du repli frileux sous la couette des certitudes anciennes.
Quant au fond, qu’en reste-t-il, six ans après ? Voilà une question qu’il faut éviter de poser dans la plupart de ces grands groupes de presse. C’est une question qui fâche, tant les investissements n’ont pas connu beaucoup de retours, ni opérationnels, ni économiques... Et cela explique que le groupe Lagardère repeigne aux couleurs de la modernité de « la convergence numérique » une stratégie déjà exprimée et vendue aux marchés il y a six ans. Est-ce la vraie raison du décrochage du titre en Bourse ? Ou bien les analystes, souvent frileux face aux entreprises traditionnelles, ont-ils frémi à l’annonce de résultats positifs à trois ans ?
Il semble que ces engagements lointains aient été également jugés flous. Le groupe a annoncé le lancement de cent sites Web dans l’année, c’est beaucoup alors que l’équipe chargée des opérations n’est pas encore totalement constituée... Le show organisé sous l’égide du cabinet de consultants Arthur D. Little n’a donc pas séduit. On reproche déjà aux consultants d’avoir ressorti de leurs cartons un projet des années 2000, tant il est vrai que tout cela avait un air déjà connu. Le résultat tangible ? Didier Quillot, à peine arrivé dans son nouveau métier, connaît déjà les affres du doute.