Sept problèmes de fond posés par l’interruption d’Arrêt sur images

par Keravel
lundi 9 juillet 2007

Les sept problèmes de fond posés par l’interruption de l’émission télévisée « Arrêt sur images »

 

L’arrêt de l’émission Arrêt sur images a suscité de vives réactions, émanant pour la plupart de ses fidèles téléspectateurs, transformés soudain en ardent défenseur du pluralisme, du droit de critiques et d’une certaine conception du service public. Cette affaire, assez symptomatique de l’arrogance des médias en France, pose sept problèmes de fond.

 

1°) la maladresse de la direction de France Télévisions. Celle-ci révoque ad nutum son présentateur, met fin sans préavis à l’émission, sans même avertir les téléspectateurs. Il s’agit sans nul doute d’une attitude d’un autre âge, en aucun cas respectueuse d’un public qui contribue tout de même à 100 % de son financement !

 

2°) la non-prise en compte (que d’autres qualifieraient de mépris) de la vague d’indignation que la fin du programme a provoqué. Une pétition a réunie de multiples signataires spontanés. Celle-ci n’a suscité qu’indifférence de la part de France Télévisions, des députés de l’Assemblée nationale qui ont leur mot à dire dans le vote du budget pharaonique consenti aux chaînes publiques, de certains ténors de la politique dont on aurait pu espérer une réaction. Il est vrai que les élections sont passées...

 

3°) l’auto-victimisation du présentateur et producteur de l’émission, M. Daniel Schneidermann. Celui-ci tend à oublier qu’il n’est pas propriétaire de la grille des programmes ni du créneau horaire qui lui a été consenti ni du concept de l’émission dont il avait la charge. En plus, toutes les émissions finissent un jour, en général dans un psychodrame que seuls les acteurs des médias savent orchestrer, tant leurs egos surdimensionnés les éloignent des règles basiques de la simplicité et de la bienséance.

 

 

4°) la demande d’asile médiatique de l’animateur-producteur à la Confédération suisse. On doit lui reconnaître un vrai sens de l’exagération alliée celui de la communication personnelle. En revanche, il est des termes à manier avec une prudence. Celui de « droit d’asile » s’applique lorsque la vie d’un individu est menacée par un régime en général de nature dictatoriale. Il me semble que nous sommes (fort heureusement) loin du compte ! L’emploi d’une certaine forme de démagogie en guise de tapage médiatique peut ne pas apparaître comme de très bon aloi...

5°) l’atmosphère de suspicion qui a accompagné la mise à l’écart d’Arrêt sur images. Puisque son « éviction » du paysage a été silencieuse, il ne pourrait s’agir que d’une volonté de reprendre en main l’appareil télévisuel en le vassalisant aux directives du pouvoir sarkosiste ! Or, et jusqu’à preuve du contraire, les velléités dictatoriales de notre nouveau président de la République restent à prouver. Les faits élémentaires démontrent qu’il a été élu démocratiquement, qu’il a proposé une ouverture politique inédite à ce jour. Ceci dit, restons vigilant et conservons à l’esprit le contrôle des médias par les groupes Publicis, Bouygues et Lagardère (pour se limiter à ceux-là), l’usage qu’ils en font et... les liens semble-t-il acquis entre ces derniers et notre bouillonnant président.

 

6°) l’émission tendait à s’essouffler. Au bout d’une décennie, il devenait difficile de trouver des thèmes novateurs. Certains contenus pouvaient donner une impression de réchauffé, de bouche-trou, tandis que d’autres (soit par les choix du thème central ou la façon de l’exposer ou le commenter) s’avéraient tout à fait contestables. Ils avaient certes le grand mérite d’exister et d’ouvrir un débat provisoirement clos...

7°) Une émission de remplacement est paraît-il prévue pour la rentrée médiatique prochaine. France Télévisions assurerait ainsi sa mission d’autocritiques des médias audiovisuels. Nous l’attendons avec impatience. Nous jaugerons ces ingrédients comme (sans être exhaustif) l’ouverture des thèmes et critiques à toutes émissions quel que soit son diffuseur, l’invitation de représentants de ces programmes quelles que que soient leur couleur politique ou leur affinité avec tel ou tel autoproclamé gourou des médias, la liberté de tons et de critiques, la distance par rapport à toute forme de pouvoirs, la qualité des interventions et des arguments déployés, la mise en place d’un système d’autocritiques de l’émission elle-même, son ouverture aux téléspectateurs et la possibilité laissées à ceux-ci d’y intervenir en toute liberté. Bref, un peu quand même (il faut le reconnaître), les ingrédients qui ont fait le succès et la grande qualité d’Arrêt sur images... Rendez-vous est donc pris pour septembre.

 

En France, le sentiment d’une cassure entre la classe dirigeante et le grand public, est largement répandu. La mise à la retraite d’une émission vieillissante aurait pu se faire avec tact et intelligence et illustrer avec éclat la grande rupture avec les archaïsmes du passé tant promise par le nouveau pouvoir. C’est raté ! En attendant, qu’allons-nous faire à l’heure de l’apéritif dominical ?


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