Supputation n’est pas information
par C’est Nabum
lundi 28 juillet 2014
Les experts de l'hypothèse invérifiable à l'heure où ils s'expriment ...
Les escrocs de l'effroi.
Un accident aérien, une catastrophe ferroviaire, un drame routier plus spectaculaire que les autres et nos médias s'en donnent à cœur joie dans la surenchère et l'occupation d'antenne. Émissions spéciales, débats impromptus, dossiers et tables rondes sont là pour accompagner notre émotion, à moins que ce ne soit pour la susciter, l'amplifier, l'exploiter sans pudeur.
Les chaînes d'information en ont fait leur fonds de commerce. Elles sont, à plus d'un titre, les responsables d'un abrutissement collectif, d'un nivellement de la pensée et sans doute de la montée du Front National. Le citoyen est d'abord un spectateur de la misère du monde, des souffrances de ses pareils, du long cortège des victimes pourvu que celles-ci soient françaises.
Car, c'est là la première indignité de cette information du spectacle : pour que la mayonnaise prenne, il faut qu'il y ait des compatriotes pris aussi dans la tragédie. C'est même la première nouvelle transmise ; nous avons tous un besoin de savoir combien il y a de ressortissants de notre communauté nationale pour nous sentir concernés. Un crash avec des Indonésiens ou des Lituaniens n'aurait sans doute le même impact que s'il y avait autant de Français à bord. Terrible monstruosité que voilà !
En attendant les images : nécessité absolue pour que l'émotion gagne le pays tout entier, il faut occuper le temps d'antenne avec des personnages à la mine grave qui, des heures durant, vont échafauder des hypothèses. Acrobates de la supputation, virtuoses de la supposition, princes de la spéculation, ils vont développer tous les possibles. Cela s'apparenterait à du bavardage de café du commerce si ces propos n'étaient pas tenus par des sommités du monde politique, scientifique, militaire ….
L'information est, ce me semble, l'étude approfondie des faits, étayée par des données, des propos attestés, vérifiés, qui seront éclairés par des analyses longuement réfléchies. Plus rien de tout ça n'est de mise dans ce barnum de l'immédiateté. Il ne faut surtout pas perdre la main et laisser le concurrent en dire plus que soi. Alors, des faces de carême viennent nous débiter l'horreur avec une délectation parfaitement insupportable !
Puis, les premières images arrivent. Elles vont tourner en boucle tandis que les ratiocineurs patentés continueront d'expliquer qu'à l'heure actuelle, ils ne savent rien mais sont en droit d'émettre des scénarios crédibles. Oui, vous avez bien entendu, des scénarios … Le langage du spectacle et de la fiction appliqué à la souffrance humaine. C'est à vomir ou s'étrangler de honte !
Les images se font plus précises, des envoyés spéciaux pointent leurs faces blêmes, ils ont la compassion de circonstance, l'émotion factice et le ton macabre. Ils oublient de dire qu'ils ont réalisé la prouesse d'arriver avant les secours, qu'ils ne sont d'aucune utilité et que les moyens mis pour leur acheminement sur place, seraient bien mieux employés au service des victimes. Mais de morale, il n'est nullement question dans cette surexploitation de l'émotion …
L'enquête aura lieu, la vérité se fera jour. Les caméras et les experts seront partis sur d'autres terrains. Le public ne sera jamais véritablement informé : quelle importance en effet pour les médias du spectacle macabre ? Il ne s'agit que de surfer sur les tragédies, de remuer le sang et de faire pleurer dans les chaumières pour engranger des minutes de publicité. C'est effroyable.... mais ça n'est que ça !
Quelle formation ont bien pu avoir ces pauvres journalistes qui s'apparentent de plus en plus à des mouches tournant autour d'un corps en décomposition. Mon premier réflexe est de couper la télévision quant survient l'annonce de la nouvelle catastrophe qu'ils vont monter en épingle. Ils me donnent la nausée. Pourtant, ils ne sont pas les seuls à se précipiter ainsi pour tirer les dividendes de la mort. Nos ministres ne sont pas loin ; ils doivent se montrer et faire assaut de phrases bien senties. Devenus en quelque sorte les attachés de presse de la camarde, ils ne la quittent pas d'une semelle pour faire monter leur cote.
Décidément cette société aiment les remugles de la bestialité. Plus c'est effroyable, plus c'est terrifiant, plus c'est morbide et mieux ça vaut pour tous ces représentants de commerce de Satan et de ses œuvres. Quant à vous, si vous êtes du nombre des regardeurs, des voyeurs de l'horreur, des midinettes de la boucherie, j'ai l'honneur de vous signifier mon mépris le plus absolu, mon indignation la plus virulente !
Regarder, c'est cautionner, justifier, revendiquer le plus souvent possible sa dose d'hémoglobine pourvu qu'elle ne s'écoule pas de votre précieux corps, douillettement lové au creux du canapé ! Vous vous faites ainsi les complices des terroristes quand, ceux-là, sont les fomentateurs du massacre. À défaut, vous êtes toujours les dindons de cette farce macabre dont se nourrissent les charognards de nos médias.
Supputativement leur.