Sur France 2, les cadres sup parlent aux cadres sup
par Laurent Herblay
mardi 8 mars 2016
Hier soir, j’ai regardé le journal télévisé de France 2. Une expérience hallucinante, comme la traversée d’un monde imaginaire, complètement déconnecté de la réalité de l’immense majorité de la population. Au menu : grand reportage sur les cartes de fidélité des compagnies aériennes, puis un autre sur les hôtels de luxe qui s’implantent dans le centre de Paris, peinture et défense de la loi El Khomri.
Service… d’un certain public
Mais que passe-t-il dans la tête des journalistes de France Télévisions pour réaliser un tel journal ? Bien sûr, ce n’est pas nouveau, mais la tendance semble s’accentuer avec le temps, comme le Monde, qui s’aligne de plus en plus avec la pensée des cibles publicitaires les plus lucratives, notamment dans les pages cadeaux qui ne semblent s’adresser qu’à une infime minorité. Mais si le quotidien du soir dépend largement de cette publicité qui semble déteindre sur sa ligne éditoriale, France Télévisions devrait veiller à s’adresser à tous les Français, qui la financent, d’une manière, qui plus est, non progressive, ce qui signifie que les citoyens les plus modestes y consacrent une bien plus grande part de leurs revenus. Pourtant, France 2 renvoie jour après jour l’image d’une France très aisée et parisienne.
Hier soir, nous avons donc eu droit à deux longs reportages, pas sur des sujets de fond qui pourraient nous intéresser (comme le débat sur la création de monnaie en Suisse ou en Islande), mais des reportages qui semblent principalement destinées à des consommateurs très aisés, ceux qui ont des cartes de fidélité de compagnies aériennes (ceux qui voyagent le plus parmi les 25% de Français qui prennent l’avion par an), puis un reportage sur les monuments parisiens transformés en hôtels de luxe. Et pour couronner le tout, nous avions un reportage défendant assez outrageusement la loi El Khomri, en détaillant les erreurs dans l’argumentation de Caroline de Haas, et faisant un parallèle avec la situation du marché du travail Danois, sans véritablement donner la parole aux opposants au projet.
Malgré tout, je ne crois pas qu’il y ait un véritable dessein conscient. Finalement, les journalistes de France Télévisions font sans doute un journal qui leur ressemble, celui d’un des métiers les plus violemment touché par la révolution numérique, tout en faisant partie de ceux qui en souffrent le moins.