Télé-réalité : Qu’avez-vous fait de vos 10 ans ?

par Gwendal Plougastel
jeudi 28 avril 2011

La télé-réalité est née en France le 26 avril 2001, jour du démarrage de la première édition de Loft Story sur M6. 10 ans après, cette télé d’esbroufe fait toujours rage, avec plus ou moins de réussite.

« Le fabuleux destin d’Amélie Poulain » restera un film à part dans l’histoire du cinéma français, pour sa poésie comme pour sa joie de vivre communicative. La date de sortie du long-métrage est, quant à elle, également mémorable. L’opus de Jean-Pierre Jeunet est en effet sorti sur les écrans le 25 avril 2001. Autrement dit, le dernier jour du reste de la vie de la France sans télé-réalité. « Après moi le déluge », comme dirait l’autre (AKA Louis XV). En effet, 24 heures plus tard, la sphère médiatique hexagonale bascula dans une ère nouvelle. Nous allions enfin rejoindre hollandais précurseurs et autres américains visionnaires au pays de « Big Brother ».

« Big Brother », donc, terme emprunté à l’œuvre de Georges Orwell dans « 1984 », devait être le premier programme français d’un genre nouveau appelé télé-réalité. Ca s’intitula « Loft Story », et ce fut le début d’une longue liste. Des « vrais » gens dans un monde factice, et que vogue le navire. C’était au printemps 2001 sur M6. Et 10 ans plus tard, des scribouillards anonymes en rédigent encore des papiers… 10 ans se sont écoulés donc, depuis les barbotages de Loana et Jean-Edouard dans une piscine trop étroite. 10 ans qui, si l’on se place du point de vue de 2001, allaient révolutionner la télévision française. Une décennie plus tard, notre 36 centimètres a pourtant toujours a peu près la même tronche.

Du pain et des jeux

Dès le succès de l’opus initiatique de Loft Story, on eu le droit à une déferlante de programmes formatés, pour tous les goûts et tous les dégoûts. Le héros anonyme dut alors en faire un peu plus pour mériter son quart d’heure de gloire, comme devenir un artiste (Star Academy, Pop Stars, Nouvelle Star) ou un Robinson Crusoé (Koh Lanta), voire un amoureux en quête de sensations fortes (L’île de la tentation, Opération Séduction). Il fut même amené à revenir dans cette petite boite, vide de sens, là où tout avait commencé (Loft Story 2, Nice People, Les Colocataires).

La foule en délire voulait du pain et des jeux certes, mais aussi des gens connus. En 2004, les people allaient investir le décor. Veuillez comprendre : des has been en manque de visibilité médiatique à la recherche du temps perdu (La Ferme des célébrités, 7ème compagnie, Je suis une célébrité sortez moi de là). Les années passèrent, et les programmes trépassèrent. Le produit périssable était pris à son propre piège, les attentes des spectacteurs-consommacteurs anticipant souvent les plans stratégiques des directeurs de chaine. Les émissions qui survécurent à l’épreuve du temps furent celles qui avaient le plus de panache et de dynamisme. A cet égard, les succès de la Star Académy (8 éditions) et de Koh-Lanta (10 éditions) sont notables.

A l’orée de la télé-réalité, certains, à mi-chemin entre Francis Ford Coppola et Paco Rabbane, prédisaient l’apocalypse pour tout de suite. Or, qu’a-t-on vu ? Beaucoup de vulgarité et de programmes vides de sens, certes. Mais jamais quoi que ce soit qui puisse troubler outre-mesure la vie médiatique française. Des drames étaient inéluctables ? Ils ne pointèrent jamais le bout du nez. On notera certes que le suicide d’un participant de l’émission « trompe-moi si tu peux sur M6 » en 2010 quelques jours avant le début de sa diffusion tua le programme dans l’œuf, puisqu’il ne fut jamais diffusé. Dans un tout autre registre, le décès de Grégory Lemarchal en 2007, 3 ans après sa victoire à la Star Academy, fit prendre un peu plus conscience à la masse que la réalité finit toujours par dépasser la télé. Dans une boite ou en dehors, nul ne peut échapper à son destin.

La bouse du businessman

Mais au-delà de tout ça, cette décennie s’apparente à un formidable acte manqué. Car l’idée initiale de la télé-réalité est tellement forte (le spectateur devient le héros) qu’il est dommage de constater que si peu de programmes pertinents aient vu le jour. Débarrassés de parts d’audience et autres régies publicitaires, certains directeurs de chaines publiques feraient bien de ressortir certains bons produits du tiroir.

Mais jusqu’à présent, le qualitatif se fait attendre. La télé-réalité en France au fond, c’est comme un bon roman de gare. Les indices étaient distillés dans l’introduction. Les premiers jours de Loft Story avaient en effet résumé la suite de l’histoire : en même pas 48 heures, on avait déjà touché le fond de la piscine.

Gwendal Plougastel


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