Téléréalité ? la ferme sévérité !
par Guillaume Boucard
samedi 6 février 2010
Nouvelle et regrettable rechute de la téléréalité, la Star’ac n’est plus, vive la Ferme ! Nos excuses à l’égard de « Christophe, Olivier, l’ex patineuse, la blonde se définissant comme peu vêtue au cas ou l’on ne l’aurait pas remarquée… » pour n’avoir pas véritablement été au premier plan cette fois ci. La production garde des pantins en réserve. Ce 5 Février marquait la première pleine exécution en place publique. Notre époque civilisée exhibe ses gladiateurs, pour satisfaire les instincts les plus bas. Au regard du « niveau » de cette émission, nous pourrions plutôt les encourager à garder ce positionnement de retrait, voire, à s’enfuir ! S’agissant de ce programme, exigeons donc sa suppression au plus tôt avec…la ferme sévérité !
Le cirque s’ouvre sur un tonnerre (celui de Hermine de Clermont ?) d’une pseudo musique africaine cadencée de cris de gorilles. L’heure est à la singerie grotesque et au piétinement audimaniaque de la dignité de l’Homme et de sa Culture. L’intention est de susciter ce que la nature humaine a de plus vile. L’enjeu existentiel de toute la première partie d’émission repose donc sur la décision déterminante du grand acteur…Aldo Maccione. Il aurait trop mal au dos pour continuer « l’aventure » et va désigner son remplaçant et nouveau chef de la tribu TF1.
De nombreux visages ne pouvant prétendre à quelque notoriété que ce soit s’affichent ainsi sur l’écran, précisément en quête d’un peu de cette "célébrité" constitutive du titre de ce programme. Pour la plupart d’entre eux, ne marquant par aucun talent spécial jusqu’ici, on se demande bien ce qu’ils feront de leur sortie d’anonymat partiel ou total. Ils veulent être connus, voilà tout. Le seul objectif manifeste est là, en plus des retombées financières et rétributions convenues (quelques centaines de minimas sociaux à l’heure ?).
Chacun remarque rapidement que c’est un petit singe qui porte la pancarte « à tout de suite » avant chaque page publicitaire. Nous sommes effectivement au zoo, celui de la télé-réalité. Et comme le déclare notre amie Hermine de Clermont Tonnerre participant hélas de cette sauce farcie de grossièreté scatologique dans la plus grande inculture : « faut pas avoir peur d’être bête pour réussir ». Tout est dit. Les notions de « réussir » et de « bête » interpelleront les âmes non encore hypnotisées. Quand l’Homme s’abaisse autant, la bête n’est pas là ou la suppose, à moins qu’elle ne soit partout. La lionne qui fait le récit des « événements » après chaque interruption publicitaire nous inscrit idéalement dans le cadre et contexte. Il s’agit bien d’un pseudo théâtre de marionnettes humaines, grassement rémunérées pour être ridiculisées et humiliées en public. Notre "modernité" technologique est de moins en moins civilisatrice.
L’ex-future et perpétuelle vedette de ce genre d’émission, le dénommé « Greg », va ainsi donner un peu de rythme à l’émission, de part un « putain » introductif et conclusif de presque toutes ses interventions. Les gros plans sur son anatomie bodybuildée n’en finissent pas. La force est ici uniquement physique, l’essentiel plus intérieur ne compte plus. Sa dernière supplication est néanmoins touchante (comme l’est ce jeune homme sans doute égaré dans les chimères de la célébrité) et relève des psychanalystes. En effet, alors qu’il vient d’être « sauvé » par les téléspectateurs par vote surtaxé majoritaire (un cadeau empoisonné du voyeurisme induit !), le visage encore noyé de larmes pour cet honneur supposé, il soupire « vouloir parler à sa mère ». N’insistons pas sur une ex Miss Paris affirmant avoir « retrouvé la joie de vivre » dans ce camp apache médiatique, gardons qu’elle apparaît régulièrement au bord des larmes. Il y a quelque chose de sacrificiel, hélas, pour tout ce que l’Homme peut avoir de plus sombre et petit (l’envie, l’image, l’idolatrie, le « mammon » biblique…). L’autodestruction sera télévisée ou ne sera pas ! Le présentateur réduit en « Binji » déclare bientôt que les perdants n’auront « pas de collier de boules mais juste les boules », formule brillante s’il en est, lue sur le prompteur situé sous la ceinture. Aldo est parti, dans un brouhaha de fausses émotions à peine feintes. Ici, la vérité de la sensibilité humaine doit disparaître. Il a dit « merci, je vous aime » en gros plan. On pleure dans les chaumières. TF1 encaisse les bénéfices induits. Il parait que le peuple serait stupide et qu’il faut lui donner des pains, surtout pas bénis, bien sûr.
Voilà qu’on aperçoit furtivement Jane Manson, à qui la production donne étrangement peu la parole. Elle est seulement un visage, en produit de vente et d’appel, pour la clientèle cible de sa génération. Le grand artiste Eric Charvet la définit alors comme « la maman de le groupe ». Ce rappel élégant de l’âge n’échappera à personne. Sans doute est elle entrée dans cette arène apache d’Afrique (les entretiens individuels se passent à la « hutte » ! ) juste « avant de nous dire adieu » pour elle, à la chanson (selon le refrain d’un de ses rares tubes). Sa carrière ne monte plus en flèche depuis longtemps.
Pour « Greg » tout change soudain, à « putain » succède désormais « hein » en fin de ses phrases. S’adressant à Hermine De Clermont Tonnerre, Binji déclare que « ça doit pas être évident de passer du cinq étoiles aux quatre pattes ». Assurément, s’il reste un peu de tête, on marche dessus, la Pensée doit s’effacer. Le génie des rédacteurs du prompteurs nous laisse bouche bée, muets de sidération. C’est un peu nous tous que l’on ridiculise, d’abord à la télévision, sait on jamais ensuite…
Grande mutation intellectuelle avec Mickael Vendetta dont on nous relate l’idylle avec une vache, auprès de qui il dit trouver « l’affection », laquelle serait « une belle gosse », alors qu’un « insecte l’a piqué dans la tête » (on en doute pas !). Il revendique son statut de « winner quand les autres ne sont que des loosers ». Un modèle de réussite est là, nos plus jeunes y prendront exemple, hélas. Les citations sont à retenir pour les prochaines épreuves du bac, lequel n’a déjà plus de valeur. Notre ami Mickael insiste sur la » bogossitude », terme substantiel de son « œuvre » majeure, présentée comme la seule « philosophie de vie » qui vaille. Il faut être beau pour être intelligent !
La présentatrice Météo Catherine Laborde, invitée VIP maison, témoigne de son amitié pour Hermine de Clermont Tonnerre, recouvrant selon elle « une vraie dimension spirituelle ». Chacun sait combien TF1 fait la pluie et le beau temps Culturels. A la ferme machin, la spiritualité serait à demeure ! Reste que la confusion des genres rabaisse toujours ce qui peut élever. Danielle Gilbert participe pareillement des VIP. Chacun note sur son visage tout neuf, la métamorphose occasionnée par son passage dans la Ferme l’année passée. Ce genre de programme change tout dans une vie, souvent, en pire.
Au beau milieu des élections de chefs et sous chefs (modèle de société induit), une certaine « Velvet » accepte de plein gré le titre de « plus mauvaise fermière » condamnée à nettoyer les excréments hebdomadaires humains et animaliers. Pour l’audimat, le sadomasochisme vient satisfaire les voyeurs. Elle reçoit ensuite de « Greg » devenu big both fermier, le diplôme tout aussi hebdomadaire de meilleure fermière. Le temps aussi est réduit dans la téléréalité, tout et tous sont éphémères. Velvet est donc la meilleure, et la pire. Cette émission est d’une inventivité inégalée, le bien et le mal se confondent encore, hélas. De même, la maman de Céline Dion se voit mise à l’honneur pour sa participation à la vie de la communauté africano-sioux qui nous occupe. Sa fille doit être bouleversée dans les bras de René, entre ruptures et retrouvailles nourricières de Presse people.
La fin de cette funeste farce approche donc, et « Brigitte » s’avère être virée du programme par audiotel onéreux, selon le contrat établi. Chacun sait que tout est faux, mais l’heure n’est plus à rechercher quelque vérité que ce soit. Cette dame n’ayant pour identité que celle « d’ex » de stars made in USA reconnaît avoir appris quelques mots de français. Pour cette dernière, Greg s’improvise traducteur des propos élevés de Binji et de son maître de sacrée soirée. On apprend par ailleurs que Greg expire fort pour chasser les moustiques, après avoir « pris ses marques avec les vaches ». Son visage a quelque chose d’enfantin, on ne peut pas lui en vouloir. Il n’ est que le jouet d’un système qui le manipule. Binji rappelle avec délicatesse et élégance que Greg « a des muscles partout ».
Ce soir là, ceux de notre cœur souffraient de voir nos frères et sœurs humains « en-fermés » dans leurs désirs illusoires d’être connus, faute d’être reconnus, pour le plus grand profit mercantile de médias en perte croissante de dignité.
Heureusement que la réalité, la vraie, hors de la cage (intérieure et extérieure) peut être beaucoup plus belle...loin des trottoirs ou égouts du voyeurisme médiatique.