Tilman Lueder évoque le projet « d’une redevance sur internet » lors des 8e Rencontres de Cabourg

par Pelletier Jean
lundi 10 décembre 2007

Après avoir fait les beaux jours des débats autour de la loi DADVSI en 2006, d’une certaine manière l’idée de créer une redevance sur internet fait indirectement un retour en force à l’occasion d’un débat organisé par l’ADAMI à Cabourg par la voix d’un haut fonctionnaire bruxellois qui avait déjà fait parler de lui l’année dernière en remettant en cause le principe de la copie privée : M. Tilman Lueder (Commission européenne, Direction générale du Marché intérieur et des services, Section droit d’auteur).

Depuis huit années les principaux intéressés aux droits d’auteurs et aux droits voisins se retrouvent à Cabourg pour échanger essentiellement sur les dégâts occasionnés par internet, on le voit sur la filière musicale, mais aussi sur la filière audiovisuelle où les problèmes commencent à poindre.

En clair, depuis ces dernières années, il devient de plus en plus facile de copier « illégalement » des fichiers musicaux et audiovisuels sur le net. Ce fut abondamment le cas via les fameux réseaux Peer to Peer, mais aussi aujourd’hui via le WEB.2 et les sites communautaires très populaires (Facebook, Myspace, Dailymotion, etc.). Les industriels ont essayé d’organiser la traque, en vain ; les pouvoirs publics ont tenté de légiférer, mais la loi DADVSI préparée et discutée à la va vite, sans réelle concertation, s’est lamentablement enlisée.

Plus récemment notre dynamique et omniprésent président de la République a tenté de solutionner le problème, comme il sait le faire sur tous les sujets, il nous a donné en pâture les maigres résultats de la Mission Olivennes. Et ce n’est pas l’abracabrantesque et tapageuse remise des résultats au palais de l’Elysée avec la convocation de deux ou trois auteurs et artistes-alibi qui a pu rehausser la pâleur des propositions : un compteur sur le net pour évaluer les dégâts occasionnés par le piratage et l’éternelle et inoxydable « riposte graduée ».

Pendant ce temps-là à Cabourg, avec un sujet comme « le destin d’une œuvre à l’ère numérique » et un beau panel d’intervenants européens, les conditions étaient réunies pour que cela « chauffe » sur ce sujet de plus en plus épineux. Tilman Lueder a ramassé à sa manière la problématique de la copie privée et du droit à copier sur internet :

"Je trouve triste qu’une des principales sources de revenus des artistes soit basée sur le dédommagement d’un préjudice subi, [via la copie privée]. (...) Ils auraient beaucoup plus à gagner en visant directement les actes de consommation [des internautes], et en faisant en sorte que les téléchargements soient rémunérés. (...) A court terme, le mécanisme actuel de copie privée reste en place, mais, à plus long terme, il faut trouver quelque chose de plus rémunérateur. (...) Une redevance sur internet me semble d’ailleurs plus adaptée [aux problématiques] du marché intérieur".

Il a poursuivi en parlant de «  la nécessité de trouver, à long terme, un système rémunérateur pour les auteurs et les artistes, simple à organiser à l’échelle européenne, et qui ne limite pas le sacro-saint principe communautaire de la libre circulation des marchandises ».

Reste la question de l’harmonisation au niveau européen, pas facile à régler !

Tilman Lueder a aussi profité de sa présence à Cabourg pour annoncer la publication par la Commission européenne d’une « étude d’impact sur le statut et la rémunération des artistes-interprètes ». Ces résultats sont d’ores et déjà très attendus et les artistes interprètes scruteront à la loupe les éventuelles propositions qui pourront y figurer quant à l’amélioration de leurs revenus.

Bref, on se serait cru revenu aux très beaux moments de discussion dans l’hémicycle français alors que l’amendement instaurant la licence globale était incidemment voté à la veille de noël 2005 sans que le gouvernement n’ait pu y faire sur le moment quoi que ce soit.

Dans l’heure qui suivait, industrie du disque, réalisateurs et producteurs du cinéma faisaient une conférence de presse en face du Palais Bourbon pour dénoncer ce coup de poignard donné à la création. Les choses rentrèrent rapidement dans l’ordre naturel du monde avec un ministre de la Culture penaud et maladroit dans l’exercice du règlement intérieur du parlement. Mais bon... il est arrivé à supprimer cet amendement.

L’idée de créer une « redevance sur internet »... fait ainsi un retour en force et cette fois porté par les hautes instance bruxelloises, mais il n’a échappé à personne que Tilman Lueder avançait en contrepoint de cette concession la fin de « l’exception pour copie privée » dont il juge qu’en tout état de cause qu’il ne s’agit que d’un principe transitoire qui répond « vaguement » à une situation de fait appelée à changer.

Sur ce point, il n’a pas tout à fait tort... Les pratiques actuelles et les consommations en matière culturelle sont en transformation permanente du magnétoscope au lecteur MP3 puis au téléphone, les pratiques de la copie et de l’écoute évoluent à la vitesse de l’éclair. Il faut reconnaître que, pour les législateurs de tout poil, l’affaire n’est pas facile à suivre et encore plus à anticiper.

Les formules d’abonnement à prix raisonnable à des catalogues conséquents, la pratique du streaming (écoute en continu sans enregistrement) peuvent conduire très rapidement à une situation où le consommateur ne ressentira plus le besoin de copier puisque tout sera accessible en écoute ou en visionnage.

Nous n’en sommes pas encore là et à ce jour la redevance pour copie privée est légitime en dédommagement et au profit des acteurs de la filière de la création.

Mais il faudra tout de même que les pouvoirs publics à Paris ou à Bruxelles trouvent une solution sur les échanges illégaux sur le net et non rémunérés. Les fournisseurs d’accès se sont construits une filière en or et des bénéfices conséquents, il serait temps au moment où multipliant les offres triplay ils se font officiellement pourvoyeurs de contenus culturel (TV, film, VIOD et musiques illimité), qu’ils contribuent à la création !


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