Un samedi sans Zemmour
par LM
lundi 8 décembre 2008
Téléthon oblige, Laurent Ruquier a pu se coucher tôt samedi soir, nous privant du numéro de plus en plus couru d’Eric Zemmour, polémiste piquant, nouvelle tête de turc des ségolénistes de tout poil, de toute couleur, de toute race, qui pigent pour les Inrocks ou Télérama. Un samedi bien terne, donc.
Pour tous ceux qui ont passé l’âge d’aller s’allumer sur les comptoirs ou les pistes désenfumées de boîtes de nuit assourdissantes, mais qui néanmoins ont gardé jeune leur âme de sale gosse tout ouvert à quelque énormité si elle est bien énoncée, pour tous ceux qui n’avalent pas la bien pensance en grosse gorgée d’un litre par paquet de seize, pour tous ceux là, donc, qui ne prennent ni Henri Lévy pour un philosophe ni Dieudonné pour une enflure, pour tous ces gens plus très nombreux, donc, le samedi soir, c’est Zemmour. Eric Zemmour, l’hétéro droite évangélique de Ruquier, qui secoue le cocotier des pensées nobles et des sentiments les plus purs, à coup de chroniques rageuses, parfois imprécises, parfois tiédies, mais souvent suffisamment pleine de mauvaise foi et de lucidité mêlées pour s’élever bien au-dessus, sans peine, des élucubrations habituelles des soi disant critiques qui nous servent le monde comme d’autres la soupe, sans âme, sans frisson, sans émotion et sans conviction. Eric Zemmour, lui, enfourche chaque fois le même cheval de bataille, mais galope presque toujours, de ruades en hennissement, jusqu’à agacer à l’extrême l’invité mielleux ou le chanteur débile, l’acteur raté ou l’écrivain bidon. Un polémiste made in Figaro peut-être, mais lisible, pourtant, mais lettré, mais habile dans ses dénonciations et parfois cinglant dans son cynisme.
Mais malheureusement, samedi dernier, tandis que Miss France dévoilait ses nouvelles fesses sur TF1, le Téléthon déroulait son cortège de trémolos et d’appel au don, de remerciement et de moments historiques, d’émotionalité surexposée comme le service public sait tant nous en vendre, chaque mois que la redevance fait. Un compteur à faire grimper, donc pas de Ruquier, donc pas de Zemmour. Et comme ça tombait bien au bout de cette semaine où ce pauvre chroniqueur à tête d’oiseau mal nourri, mais sympa quand même, avait subi les foudres de la censure de centre gauche qui galope et envahit les médias, depuis, dirait-on, des lustres. Monsieur Zemmour cloué au pilori, jusque dans les blogs, pourtant si mal écrits, si piteusement commentés, Zemmour crucifié pour quelques propos jugés scandaleux sur l’existence de « races », concept tenu très à l’écart depuis qu’un certain Adolf d’Allemagne tenta de savoir si toute concentration est bonne à l’homme. Les races existent, a proclamé Zemmour, une race noire, une race blanche, peut-être une race jaune, ou verte, peut-être même une race Zemmour, allons savoir. Que n’avait-il pas dit ? Les Inrocks s’en retenir même difficilement de dégueuler, évoquant « la nausée » qui les étreignit en entendant les propos de ce salaud, donc, de Zemmour. « La nausée » article sous écrit d’une journaliste des Inrocks sans intérêt, qui nous explique que ce chroniqueur de droite là est la pire créature qui soit, une ordure nourrie au biberon d’Alain Soral, autre crapule selon les Inrocks, pourtant remarquable auteur d’un « Abécédaire de la bêtise ambiante » que certains devraient encore relire aujourd’hui. Soral, depuis, il est vrai, a perdu l’inspiration dans les jupes de Marine Le Pen. Zemmour, lui, n’en n’est pas encore là, mais il est à pendre, selon beaucoup, à pendre et sans pincettes. A pendre, par les pieds, en place publique, ce fasciste, ce raciste, ce néo nazi, que sais-je encore de tous ces qualificatifs dont on affuble grosso modo tous ceux qui ne pensent pas la même chose que les bienheureux.
Samedi soir, donc, tous ces messieurs, les mêmes qui regrettent avec la nomination du Président de France Télévision par l’Elysée « le retour de l’ORTF » et qui se comportent pourtant comme le dernier ministre de l’information de De Gaulle, tous ces jeunes gens propres comme il faut, tantôt indignés par des fouilles trop près du corps, tantôt scandalisés par la bague de Rachida Dati, tantôt secoués par l’effondrement des banques, tantôt bouleversés par des attentats en Inde, ces bobos sans imagination qui nous expliquent à longueur de colonnes péniblement remplies comment sauver les ours polaires, tous ceux-là donc ont respiré un grand coup samedi soir, en constatant qu’en lieu et place de l’horreur Zemmour quelque chanteur sur le retour ou présentateur décérébré tentait de convaincre la ménagère de plus de cinquante ans de donner ses économies récemment placées sous son matelas à quelque enfant victime d’un manque de bol. A moins qu’ils n’aient fini par zapper sur le porno mensuel de Canal+.
On peut reprocher beaucoup de choses à Eric Zemmour, une certaine imprécision dans ses flèches, parfois, une certaine légèreté dans le compliment, une non absence de remords qui fait parfois retomber ses soufflets aussi vite qu’on les devinait monter. On peut reprocher à Zemmour de parfois s’excuser, ou de trop s’expliquer, comme il l’a fait dans l’hebdo « Vendredi », où il répondait à certains blogueurs pseudonymés, lâches et inutiles, qui l’accusaient de tous les maux. Pourquoi s’excuser ? Pourquoi se justifier ? C’est toujours le même cirque dans ce genre de lynchage : dans un premier temps éclate le scandale, dans un deuxième temps les chiens aboient, dans un troisième temps les amis de l’accusé prennent fait et cause pour lui, en expliquant qu’évidemment il n’est pas raciste. Alors qu’on s’en fout. Zemmour est suffisamment intelligent pour avoir pensé ce qu’il a dit, suffisamment malin pour deviner que ça partirait en sucette, suffisamment cabot pour ne pas avoir voulu ce déferlement médiatique toc. Alors, qu’il ne s’excuse en rien, qu’il ne revienne en rien sur ses propos, qu’il ne s’explique en rien. Qu’il reste méchant jusqu’au bout. Naturellement méchant. C’est comme ça qu’il est bon. Et puis, tant qu’il a du talent, le salaud n’encombre rien.
Raciste, homophobe, traditionaliste, phallocrate, « essayiste réac » pour reprendre les Inrocks, peu importe ses étiquettes, Eric Zemmour est un polémiste valable, intéressant et pertinent, détonant dans un service public obnubilé par la disparition de sa publicité et dont la ligne éditoriale ressemble à un épisode de « Plus belle la vie ». Un polémiste racé, au pays de Candy.