Une rumeur ? Messieurs les Anglais, tirez les premiers
par Guy Birenbaum
vendredi 6 avril 2007
Comment la presse hypocrite attend que les internautes se mouillent...
Des mails. Des coups de fil. Des commentaires sur les blogs. Des posts qui disent sans rien oser dire. Des conversations privées. Des blogueurs qui font semblant de savoir (je ne mets pas de liens, car personne ne révèle rien). Des journalistes peu ou prou au parfum.
Depuis 24 heures, la campagne électorale a été atteinte pas une trainée de poudre. Une rumeur. Puis deux. Puis les deux qui se mélangent.
Je vous le dis tout net, je n’écris pas du tout, ce matin, pour vous informer de quoi que ce soit.
N’attendez rien de moi.
Cette note a un objet très précis.
Vous faire toucher du doigt un piège.
Un piège des plus pervers.
Un piège qui a beaucoup à voir avec la - prétendue - concurrence entre le Net et les médias traditionnels.
Prenons donc la rumeur qui circule ces dernières heures et qui concerne Nicolas Sarkozy.
Beaucoup de mes confrères journalistes, l’oeil rivé sur leurs écrans, attendent qu’un blogueur écrive ce qu’ils n’osent pas mettre dans leurs colonnes pour démarrer au quart de tour et, dans le même mouvement, dénoncer "le blogueur qui raconte que... ".
Après le lynchage de ce petit salopard de blogueur, propagateur de la rumeur, ce sera au tour d’internet "où circule vraiment tout et n’importe quoi".
Les beaux esprits expliqueront bien vite qu’"il va bien falloir finir par réguler tout ça".
Puis les porte-flingues de la plume et du micro réunis fustigeront, la main sur le coeur, "la dictature de la transparence", "le populisme en ligne" ou encore "la poubelle internet", "la Kommandantur"...
Etc.
Bien évidemment, pendant que les "confrères" s’essuieront leurs Weston en daim sur le ou les coupables, ils laisseront évidemment filtrer quand même "l’histoire absolument dégueulasse qui se raconte sur le Net".
Faut pas gâcher...
Voilà.
C’est ça la règle du jeu.
Je la connais très bien.
Et si j’en maîtrise si précisément les dialogues, c’est que j’ai déjà vu le film !
Il suffit de se souvenir de ce qui s’est passé, lorsque j’ai repris (sans le savoir), après Éric Mainville et le Forum d’Arrêt sur images, la fameuse vidéo trash d’Alain Duhamel...
Cette manière de se servir sur internet, puis de faire coup double pour flinguer - en même temps - celui qui a osé sortir l’information est l’une des caractéristiques les plus intéressantes du "journalisme à la française".
Il y a ainsi, historiquement, en France des informations qui ne le deviennent - des informations - que lorsque d’autres se mouillent pour les faire remonter à la surface.
Ainsi, la presse d’extrême droite fut longtemps le lieu où sortaient dans l’indifférence de vraies histoires, bien avant que les journaux officiels n’en fassent leurs choux gras. C’est en 1984 - oui, vous avez bien lu, 1984 ! - que Minute révéla à ses lecteurs l’existence de Mazarine et d’Anne Pingeot ! Mais c’est en 1994 que la photo sortit dans Paris Match !
Dix ans.
Outre les feuilles de chou d’extrême droite, les journalistes français se couvrent aussi grâce à la presse étrangère - souvent anglo-saxonne. En l’occurence, c’est la presse suisse - Le Matin - qui révéla la première (en ligne) le départ de Cécilia Sarkozy.
Et puis, il y aussi l’édition : c’est désormais dans certains livres que les journaux puisent l’essentiel de "leurs" révélations.
Mais grâce au Net, il n’est désormais plus nécessaire d’attendre dix ans.
Ni de se servir dans les colonnes des courageux confrères étrangers, en feignant de se pincer le nez.
Ni de publier les bonnes feuilles d’un bouquin, en faisant porter le chapeau - un sombrero - à son auteur après l’avoir pillé !
Tout au plus suffit-il de patienter quelques jours que quelqu’un sorte l’info quelque part sur un blog ou un site.
Et puis qu’un autre, plus connu que le premier, se baisse et la ramasse...
Et ainsi de suite.
Jusqu’à ce que l’information remonte jusqu’aux médias traditionnels.
Qui finissent toujours par s’en saisir pour la transmettre à leur - sale - manière. En omettant jamais, dans le même mouvement, de piétiner "le salaud de colporteur de la nouvelle qui a osé véhiculer un si sale truc"...
Synchrones les gars !
Vous voyez, j’ai bien compris le fonctionnement de ce système, puisque j’en ai souvent expérimenté les travers.
Là, je vais donc attendre patiemment la suite des événements...
D’ici là, méditons donc ensemble sur la citation historique tout à fait opportune que j’adresse à mes "chers confrères" :