Val à Mermet : bientôt “vas voir là-bas si j’y suis” ?

par Marsupilami
samedi 4 avril 2009

Leurs parcours respectifs se sont longtemps ressemblés : Philippe Val comme Daniel Mermet viennent de l’extrême-gauche libertaire, et ils ont la plupart du temps défendu les mêmes causes. Tous deux ont été à la fois saltimbanques et journalistes et ont joué le rôle de poil-à-gratter de la bien-pensance et de l’ordre établi. Et puis leurs itinéraires idéologiques ont fini par diverger, le premier se “droitisant” de plus en plus, prenant fait et cause pour les USA et Israël contre l’islamisme et militant sans nuance pour le “oui” au Traité de Lisbonne, tandis que le second restait fidèle à ses idéaux de jeunesse en critiquant l’impérialisme étatsunien, en affichant son soutien à la cause palestinienne et son soutien sans réserve aux “nonistes” anti-TCE. Un fossé de haine et de ressentiments a fini par se creuser entre les deux hommes. A tel point qu’on peut se demander si l’une des premières mesures que pourrait être tenté de prendre Val, s’il se confirmait qu’il pourrait devenir président de France-Inter, ne serait pas de dire à Mermet : “vas voir là-bas si j’y suis”.

Val a eu du talent, du courage et m’a fait pisser de rire !

Philippe Val n’a pas toujours été l’horrible personnage qu’il est aujourd’hui devenu. Inspiré par Brel, Brassens et Ferré, il a composé quelques fort belles chansons du temps où il était encore troubadour, et, en compagnie de son acolyte Patrick Font, il a produit des sketches de chansonniers qui m’ont pour la plupart fait pisser de rire. Eh oui, certains l’ignorent peut-être : Val a été drôle, poète, impertinent, libertaire dans ses jeunes années et même moins jeunes années. Pour ses courageuses prises de positions contre les bigots anti-IVG, il s’est même fait casser la gueule (dans le sens premier de cette expression : mâchoire fracturée et deux dents sautées) par des militants anti-avortement au sortir d’une émission de télévision. Il a aussi eu le courage en 2006 de publier dans Charlie-Hebdo le Manifeste des douze, qui dénonçait à juste titre le danger que faisait courir à la démocratie le totalitarisme islamiste de plus en plus violent et envahissant et de défendre la liberté d’opinion contre les fatwas des intégristes musulmans dans l’affaire des caricatures de Mahomet.

C’est probablement ce parti-pris radical contre l’islamisme qui l’a rendu con et même néo-cons. Dirigeant Charlie-Hebdo et familier depuis longtemps de l’extrême-gauche, il était aux avant-postes pour constater expérimentalement les ravages que le mythe des musulmans ultimes figures des “damnés de la Terre” créait dans les cerveaux gauchistes, donnant naissance à ce qu’on appelle désormais l’islamo-gauchisme, surtout depuis les délires antisémites dont s’étaient rendu coupables les alliances douteuses entre une partie des alter-mondialistes et les islamistes lors de la première et consternante conférence pseudo-“anti-raciste” de Durban en 2001.

Il semble qu’à la suite de ces événements il ait commencé à progressivement péter les plombs, et vu qu’il a toujours été assez manichéen, donc peu porté sur la nuance, qu’il ait basculé dans le camp de ceux qui soutiennent inconditionnellement les USA et Israël, même dans leurs pires errances guerrières et criminelles. Bref, Val fait partie de la cohorte de ceux que la prise de conscience du danger islamiste a rendu cons. Mais peut-être l’était-il déjà avant, mais que cela se voyait moins vu qu’il appartenait alors dans le “bon camp”, celui de la gauche libertaire ?


Et puis il y a aussi eu l’épisode de son soutien inconditionnel et outrancier au TCE et son mépris affiché des arguments des “nonistes”, ses attaques débiles contre Internet, son vidage intempestif de Siné, pitoyable personnage dont l’immense Desproges disait qu’il avait, "Gorgé de vin rouge et boursouflé d’idées reçues, qui présente à nos yeux blasés (...) la particularité singulière d’être le seul gauchiste d’extrême-droite de France (...) masquant tant bien que mal un antisémitisme de garçon de bain poujadiste sous le masque ambigu de l’antisionisme propalestinien”… Ce qui était de l’humour genre billard à trois bandes au 3e degré vu qu’à l’époque Siné et Desproges collaboraient tous deux au Charlie-Hebdo de la grande époque, celui d’avant Philippe Val. Rien à voir avec la défense opportuniste du fiston Sarkozy.

Bon, il est acquis que Val n’est plus drôle du tout, qu’il est devenu un mini-moraliste réactionnaire et que si sa nomination à la tête de France-Inter n’est pas un poisson d’avril, la rédaction de cette station a des soucis à se faire, tant le caractère un tantinet dictatorial de l’ex-anar libertaire est connu de tous ceux qui ont eu affaire à lui. En première ligne de mire, son meilleur ennemi : Daniel Mermet.

Là-bas si Val n’y est pas…

Autant vous l’avouer : je suis un fan de l’émission de Daniel Mermet Là-bas si j’y suis, même si je suis très loin d’être d’accord avec toutes les opinions qui s’y expriment (c’est un euphémisme !). J’ai d’ailleurs signé la pétition pour qu’elle soit maintenue à l’époque où elle était menacée de disparition, c’est dire. Mermet fait de la vraie radio, de la radio vivante, bruissante et buissonnante, il donne la parole aux petits, aux exclus, aux marginaux ou marginalisés, aux victimes des injustices, aux poètes déjantés, aux érotomanes anormaux, aux discordants, aux ratiboisés de l’existence, aux utopistes, aux révoltés, aux différents, aux estropiés, à tous ceux qui n’ont pas voix au chapitre des officialités bien-pensantes. Et rien que pour ça, il est unique et infiniment précieux.

L’envers du décor ou plutôt son prolongement inévitable étant donné ses options idéologiques, c’est son anti-américanisme systématique, son soutien à la cause palestinienne qui le rend trop tolérant à l’égard de l’islamisme du Hamas ou du Kezbollah et même des talibans, son extrême-gauchisme à courte vue souvent pathétique. Et lui aussi est connu, comme Val, pour se comporter en petit dictateur avec ceux qui sont sous ses ordres. Ces ennemis siamois se ressemblent donc étrangement : aussi intransigeants l’un que l’autre… Sauf qu’à l’heure où j’écris ces lignes, j’écoute Là-bas si j’y suis, et que Mermet vient d’y faire une hilarante déclaration selon laquelle il se félicite qu’un collaborateur de Charlie-Hebdo, qu’il qualifie d’excellent et de très cultivé, soit sur le point d’accéder à la présidence de France-Inter… en signalant malicieusement, en fin de tirade, qu’il parle d’un certain… Siné ! La preuve qu’en vieillissant Mermet reste drôle, alors que Val devient sinistre.

Daniel Mermet président de France-Inter ?

Si Philippe Val devient président de France-Inter, la liberté d’expression, et en premier lieu celle de Daniel Mermet, va se retrouver en grand danger. Car l’ayatollah Val est tout sauf tolérant. Je serai alors prêt à signer à nouveau une pétition pour que Là-bas si j’y suis continue. Philippe Val, c’est un peu l’Alexandre Adler atlantiste du pauvre, passé - décidément la vieillesse est trop souvent un naufrage - de L’Humanité au Figaro. Non, merci ! Pas envie d’écouter Charlie-Sarko !

Mais imaginons que Mermet devienne comme Val avide de notoriété et de pouvoir, squatteur de plateaux télé, fréquenteur de célébrités, pipole-friendly, qu’il vire assez de bord pour être susceptible, sous couverture de plumage sarkozyste de la volaille de gauche-caviar, d’être pressenti pour diriger France-Inter par notre Conducator-à-tics ? Ah non ! Ça non plus ! D’abord, c’est impossible (Mermet est trop intègre pour se livrer à ce genre de simagrées) : il en profiterait pour supprimer illico presto la pitoyable chronique hebdomadaire de Val le vendredi à 7h55, ce qui m’empêcherait de la zapper comme d’habitude pour écouter autre chose. Et puis je n’aurais pas envie non plus que France-Inter devienne Charlie-Diplo !

Pas envie de choisir entre Val et Mermet donc. Sauf que Mermet sera toujours parfait à sa manière dans sa fonction de contre-pouvoir, dans laquelle il excelle. Et que parler de “contre-pouvoir” en ce qui concerne Val, ça ne veut plus rien dire : le troubadour s’est mis du côté du manche. Du coup, sa guitare jadis inspirée n’en a plus, de manche. Il ne reste plus à Philippe Val qu’à jouer de la grosse caisse désaccordée.


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