Web « citoyen » versus journalisme professionnel
par maggie
mercredi 30 juillet 2008
Dans la presse écrite ou radiophonique, il est courant de dénigrer le web « citoyen » et les contributions des rédacteurs bénévoles.
Un des premiers arguments des diatribes anti-internet tient en ce que des journalistes amateurs, comme ceux d’Agoravox, ne détiennent pas de carte de presse et ne sont pas formés à la précieuse « déontologie ». Cette dernière étant vénérée même par les journalistes les plus obséquieux envers le pouvoir politique. Par « déontologie », on comprendra que le « vrai » journaliste vérifie « ses sources ». Comme dans l’affaire de l’agression raciste factice du RER D, on constate que « vérifier ses sources » s’apparente plutôt à recopier les communiqués du ministère de l’Intérieur ou à relayer les propos des dirigeants politiques.
Selon ces éditoralistes-chroniqueurs cumulards, le « vrai journaliste » enquête sur le terrain avec de rendre son texte. Néanmoins, sans vouloir être désagréable, le journaliste ne dispose pas des pouvoirs d’un policier. Son devoir est d’informer, à moins qu’il ne souffre du syndrome de Tintin, qui passe plus de temps à jouer les barbouzes qu’à rédiger les articles qu’on lui demande.
Autre vertu du journaliste professionnel : son impartialité. Pour peu, on croirait cette affirmation purement cynique. Val et consorts avaient bien expliqué que l’échec du référendum sur la Constitution européenne, tenait à ce que les partisans du non étaient de fanatiques xénophobes plus ou moins consanguins. Qu’une bonne partie de la presse se soit permis de juger un choix démocratique et d’y attribuer un fond nationaliste, ne témoigne pas d’une grande objectivité intellectuelle. Les quelques piques à l’égard du peuple irlandais, lui aussi, peu séduit par ce traité alambiqué, témoignent également de cet état d’esprit. Par leur vote, nos voisins insulaires ont été recouverts du fumier éditorialiste, les considérant comme d’ingrats bouseux.
Reste également la notion de temps. Le journaliste « citoyen » ne saurait pas rendre un travail sérieux s’il ne s’y adonne pas à plein temps. Pourtant comme tout un chacun, l‘internaute peut synthétiser les événements récents par les dépêches d’agence. Il trouvera également dans sa bibliothèque publique tous les documents nécessaires à la rédaction de son texte sans devoir « copier sur son voisin ». Libéré de la pression des délais et travaillant avec autonomie, il ne subira pas ce que Bourdieu appelait la « circulation circulaire de l’information ».
Il n’aura pas non plus à faire face aux menaces, fussent-elles subtiles, d’un interlocuteur mécontent. Le journaliste « citoyen » ne sera pas non plus convié à partager quelques jours d’un homme de pouvoir dans un cadre luxueux. Il ne recevra pas de « cadeaux ». Il n’entamera pas d’aventure sexuelle ou une vie sentimentale avec un personnage politique. Son « patron » est rarement le meilleur ami du président de la République.
Et puis le journaliste « citoyen » peut dialoguer avec ses lecteurs, eux aussi potentiellement rédacteurs. Ces derniers n’omettent pas de lui souligner ses incohérences ou les failles de sa prose. Ils le maintiennent dans une certaine humilité. Rien n’agace plus que ces divinités auto-proclamées qui ne daignent pas descendre de leur Olympe. Le journaliste « citoyen » sait qu’il peut se tromper, qu’il est faillible : il ne saurait se prétendre expert dans tous les domaines. Néanmoins, il travaille par pur plaisir. Il cherche à partager sa vision des choses plutôt que l’imposer. L’interactivité l’oblige à abandonner son orgueil et à ne pas se penser comme le représentant d’une élite. Il ne se reconnaît guère dans la condescendance, si commune dans le journalisme « professionnel ».