20 raisons de faire barrage au Front National

par Laurent Herblay
vendredi 11 décembre 2015

J’ai toujours combattu le FN, non par mimétisme social (je ne l’ai pas pour de nombreuses questions), mais parce que, suivant ce parti depuis près de 25 ans, j’ai accumulé tant de faits qui font que je suis convaincu qu’il est pire que le PS et LR, même s’il est vrai qu’il propose un retour fondamental à la souveraineté de la France et même si je comprends et respecte pourquoi tant d’électeurs lui apportent leur suffrage. Mais aussi important cela soit-il, tant d’autres aspects du FN le disqualifient :

 
Un fond souvent toxique, incohérent ou approximatif
 
1- De Thatcher à Mélenchon sur l’économie  : bien sûr, le programme du FN a été profondément révisé lors de l’élection de Marine Le Pen, mais il est tout de même gênant de constater le grand écart avec les idées de 2007 et avant (privatisations massives, baisse des prélèvements obligatoires à 35%). Comment croire le discours actuel ? Le FN ne fait-il pas comme les autres grands partis ?
 
2- Pseudo laïcs ou vrais identitaires catholiques : officiellement, le FN se fait le défenseur de la laïcité, mais ne s’agit-il pas du cache-sexe politiquement correct d’une vision identitaire occidentaliste et catholique de la France ? D’où la défense bien politicienne du Concordat en Alsace de Philippot, totalement contradictoire avec la laïcité qu’il dit défendre, ou certaines sorties de Pierre-Marie Couteaux quand il était au RBM
 
3- Pseudo-républicains ou vrais régionalistes  : officiellement, le FN se fait le défenseur de l’unicité de la République et se veut être le plus patriote des grands partis nationaux. Mais il est tout de même plus que dérangeant de voir certains de ses dirigeants s’allier avec des partis régionalistes ou défiler sous les couleurs de la Catalogne
 
4- Incohérent sur le traité de libre-échange atlantique  : sans doute sous la double-influence d’un surmoi libéral et d’une identité très occidentaliste, il ne faut pas oublier que le FN avait apporté son soutien à certains amendements du texte au Parlement Européen
 
5- La remise en cause de l’avortement  : bien sûr, le FN ne propose pas de revenir sur le droit à l’avortement, mais Marine Le Pen remettait en cause son remboursement (créant une barrière pour les milieux populaires) pendant la campagne présidentielle et sa nièce qui veut supprimer les subventions au planning familial et qui tient des propos très marqués sur la question, on constate une vraie remise en cause de ce droit
 
6- Un amateurisme confondant  : bien sûr, sur les questions économiques, le FN s’est rapproché des idées défendues par Séguin et Chevènement (ce qui pourrait finir par le freiner aujourd’hui), mais Marine Le Pen ne les maîtrise pas bien et se montre incapable de les défendre dans les médias, ce qui met en doute sa sincérité. Et cela a provoqué des approximations et des annonces effarantes, notamment sur la question de la sortie de l’euro (avec la proposition de revenir à l’étalon-or, ou les dizaines de milliards qu’elle était prête à lâcher pour les possesseurs de dettes libellées en euros)
 
 
Une régression démocratique
 
7- Une affaire politique familiale  : bien sûr, la vie de Marine Le Pen et Marion Maréchal Le Pen n’a sans doute pas été facile, mais il est tout de même un peu dérangeant de voir trois générations de la même famille se succéder à sa tête, une pratique plus coutumière des régimes autocratiques que des démocraties pleinement fonctionnelles
 
8- Une admiration dérangeante pour Poutine  : on peut respecter la Russie, voir même son dirigeant, mais cela est une autre chose de parler d’admiration pour un dirigeant dont les pratiques sont parfois en forte contradiction avec ma vision d’une vraie démocratie fonctionnelle (traitement de l’opposition, pratiques oligarchiques)
 
9- Un refus de débattre dérangeant  : bien sûr, ce n’est pas le point le plus important, mais, entre le refus de débattre avec Jean-Luc Mélenchon lors des présidentielles, le refus de participer à Des Paroles et Des Actes pour les élections régionales, du fait de l’organisation à la dernière minute d’un débat avec ses opposants pour la région ou son départ précipité d’une interview de France Inter, Marine Le Pen montre un goût limité pour la contradiction nécessaire à toute démocratie
 
10- Les mensonges politiciens  : on retrouve également au FN les mêmes exagérations ou mensonges que les autres grands partis. Cela est particulièrement vrai sur la question de l’immigration, où Marine Le Pen grossit les traits outrageusement pour faire peur. Elle a soutenu que la France était championne d’Europe de l’immigration, alors qu’au contraire, nous en accueillons beaucoup moins (même si cela est trop). Idem sur le coût de l’immigration, où elle se réfère à des études fantaisistes alors qu’elle pourrait s’appuyer sur des chiffres plus sérieux (OCDE). Parce que c’est un sujet qu’ils devraient bien connaître et que les vrais chiffres sont suffisants pour poser le problème, cela peut dénoter un manque de respect pour les électeurs
 
11- Des élus touristes  : Marine Le Pen se distingue aussi comme une des élus qui travaille le moins au Parlement Européen, depuis 2004, avec des taux de présence et d’intervention qui démontrent un manque de respect pour les électeurs qui l’envoient les représenter, ce qu’en pratique, elle fait a minima, tout comme Wallerrand de Saint Just en région Picardie
 
12- Les mêmes affaires qu’ailleurs ? : alors que les affaires discréditent le PS comme les Républicains, il est tout de même troublant de constater que le FN est aujourd’hui sous les feux de la justice pour une affaire de mode de financement de ses campagnes électorales, où il est accusé de surfacturer les kits de campagne des candidats, remboursés par l’Etat, pour faire un bénéfice
 
13- Finalement, le vote qui ne change rien  : cela fait plus de 30 ans que le FN a un fort poids dans notre vie politique, mais finalement, jusqu’à présent, ce vote est totalement stérile. Bien sûr, ses partisans peuvent s’appuyer sur la progression récente des scores pour dire que le plafond de verre a été cassé et que leur parti peut arriver au pouvoir et donc changer les choses. Sauf que le second tour des départementales a montré que s’il peut attirer beaucoup de suffrages au premier tour, il reste suffisamment repoussant pour être battu au second. Et son poids ne bloque-t-il pas l’émergence de nouvelles alternatives qui pourraient, elles, accéder au pouvoir ? Le FN n’est-il pas finalement l’instrument du maintien du duopole PS-LR ?
 
 
Un parti fondamentalement d’extrême-droite
 
14- La stigmatisation des musulmans  : c’est une caractéristique des partis d’extrême-droite de stigmatiser une communauté, mais qui ne justifie en aucun cas les outrances des dirigeants du FN, quand ils font des musulmans les responsables d’une pseudo baisse des ventes de porc, ou des terroristes en puissance. Ces outrances portent en elle le double risque de diviser la France et de pousser une partie de l’immense majorité modérée et intégrée dans les bras des extrémistes, à partir du moment où ils sont injustement assimilés à eux
 
15- Une xénophobie évidente  : autre caractéristique de l’extrême-droite, derrière les mensonges bien inutiles sur l’immigration (il y a largement assez de faits pour défendre une forte baisse des flux migratoires) ou la stigmatisation des musulmans, faute est de constater que le FN est un parti foncièrement xénophobe, même s’il sanctionne aujourd’hui les dérapages les plus outranciers. Un bon exemple est la proposition de Marine Le Pen d’accepter la binationalité pour les européens, mais pas pour les autres.
 
16- Des membres d’extrême-droite  : bien sûr, Marine Le Pen peut mettre en avant l’exclusion ou les sanctions des membres les plus toxiques, jusqu’à son père. Mais, elle a beaucoup tardé et laissé passer des déclarations très choquantes. Et cela ne change pas le fait que ce parti compte et a toujours compté des membres parmi les plus virulents de l’extrême-droite. On peut aussi trouver des photos de Marine Le Pen, posant tout sourire avec des militants dont l’extrémisme est apparent, ce qu’elle ne peut pas ignorer. En outre, les sanctions prises portent-elles sur la nature extrême de ces personnes ou sur leur manque de discrétion ? Finalement, souhaite-t-on vraiment donner le pouvoir à de telles personnes ?
 
17- Des amis d’extrême-droite  : On a bien vu lors de la formation des groupes parlementaires européens que le FN ne peut fréquenter que des partis peu fréquentables. Ce n’est pas un hasard non plus si Marine Le Pen va au bal de l’extrême-droite en Autriche ou si Bruno Gollnish va voir le BNP en Grande-Bretagne
 
18- Un logo d’extrême-droite  : la flamme tricolore a une histoire. C’est le logo des nostalgique de Mussolini en Italie, que son père, Jean-Marie Le Pen a repris. Qui, si ce n’est un parti profondément d’extrême-droite, peut choisir comme logo un symbole que tout ramène à l’extrême-droite la plus nauséabonde ?
 
19- Un relativisme choquant sur le nazisme  : la comparaison des prières de rue avec l’occupation allemande par Marine Le Pen n’est pas un détail, pour le coup. Même cela ne justifie pas une condamnation pénale à mon avis, en revanche, cela révèle une poursuite du relativisme familial sur l’occupation nazie extrêmement préoccupante. Car fondamentalement, même si on peut parfaitement condamner les prières de rue, surtout quand elles sont exagérées, ce n’est quand même pas la même chose que l’occupation d’un pays par un régime totalitaire qui a décimé des millions de personnes. Et refuser cette différence révèle un relativisme inacceptable à mon sens pour un parti qui aspire au pouvoir
 
20- Anti-gaullisme extrémiste  : bien sûr, la présence de Philippot peut pousser des gaullistes sincères à soutenir le « nouveau » FN. Mais ce faisant, je pense qu’ils se trompent. D’abord, Marine Le Pen elle-même a bien expliqué que son parti n’est pas gaulliste. Ensuite, il faut quand même rappeler que le site géré par Louis Aliot, son compagnon, publiait encore récemment des hommages à Bastien Thiry, l’homme qui a organisé l’attentat du Petit Clamart, chose doublement choquante, pour le gaulliste que je suis, mais aussi pour tout républicain qui devrait être troublé par cet hommage à un terroriste qui a organisé un attentat pour tuer le chef de l’Etat de notre pays.
 
Voilà pourquoi, malgré certaines propositions que je défends aussi (mais dont la plupart sont récentes, mal défendues et dont on peut donc douter de la sincérité), je n’aurais aucune hésitation à voter pour le parti en meilleure position pour faire barrage au Front National dimanche.

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