2018 : l’année où Macron a remis les pieds sur terre

par Laurent Herblay
samedi 5 janvier 2019

Tous les médias s’accordent à dire que l’année 2018 a été calamiteuse pour Macron et s’interrogent sur sa capacité à rebondir en 2019. Dans leur description de cette « année terrible », ils décrivent souvent un candidat qui aurait convaincu les Français, soulevant l’enthousiasme par son style et ses promesses. Ce faisant, ils projettent une vision aussi partiale que partielle de 2017.

 

C’est l’histoire d’un gros malentendu
 
La description de l’élection et des premiers mois de Macron par bien des médias est totalement hallucinante. Ceux qui écrivent cela ne se rendent pas compte qu’ils ne décrivent que l’état d’esprit d’une petite bulle parisienne et métropolitaine, qui, si elle était véritablement très enthousiaste à l’égard du nouveau président, n’en restait pas moins extrêmement minoritaire. Macron n’a jamais été ce Mozart de la politique qui aurait convaincu les Français par sa jeunesse, et ses nouvelles idées. Un simple regard aux résultats du second tour permet de le comprendre. D’abord, il n’a fait que 66% des suffrages exprimés, bien moins que Chirac en 2002, malgré la performance désastreuse de Le Pen au débat.
 
Mieux, il ne faut pas oublier que 11,5% des personnes qui se sont déplacées au second tour ont voté blanc ou nul, ne parvenant pas, comme moi, à choisir entre les deux finalistes. Avec une abstention record à 25%, cela signifie que pas moins de 34% des Français ont refusé de choisir entre Macron et Le Pen. Quand Chirac rassemblait 62% des inscrits (et 82% des votants) en 2002, Macron n’en a attiré que 43,6%... Bref, s’il y avait de l’enthousiasme dans les beaux quartiers, ce n’était pas le cas ailleurs. Pire, quand on examine les raisons du vote Macron au second tour, il faut se souvenir que 43% évoque le barrage à Le Pen, 33% le renouvellement et seulement 16% le programme et 8% la personnalité.
 
 
En faisant un raccourci un peu trop rapide, on pourrait soutenir qu’à peine 11% des Français ont vraiment voté par adhésion à la personne ou au programme du candidat au second tour, ce qui relativise le pseudo-enthousiasme des Français, qui n’était que celui d’une petite bulle largement parisienne. Tout le monde semble oublier le contexte de cette élection, qui s’est passée après deux quinquennats qui ont profondément déçu les Français, démonétisant le PS et LR, privés de second tour avec le choix de candidats très clivants, qui ont laissé un boulevard à Macron, entre Hamon, caricature gauchiste et Fillon en néo-Thatcher affairiste, d’autant plus que le candidat du centre a choisi de soutenir Macron.
 
Bref, Macron a bénéficié de circonstances extraordinairement favorables, et il n’y a pas eu une véritable envie des Français, si ce n’est celle des élites, qui l’ont largement soutenu, avec d’autres candidats extraordinairement mauvais qui étaient sur la ligne de départ. J’ai toujours pensé que Macron était le meilleur candidat pour mettre en valeur Marine Le Pen, tant il est cette caricature du prêt-à-penser oligo-libéral, sans la moindre chaleur pour les Français et déjà très arrogant puisqu’il avait dérapé de nombreuses fois quand il était ministre. Bref, je pense toujours, comme en mai 2017, que les Français se sont d’une certaine manière résignés à ce candidat, le moins pire de tous.
 
Bref, il n’y avait pas d’envie de Macron, mais une résignation au candidat de l’oligarchie, tant les alternatives étaient imparfaites. L’effondrement de sa popularité n’est pas la disparition d’un fort soutien, mais la simple prise de conscience qu’il n’est pas seulement dans la continuité de ces prédécesseurs, mais qu’il est encore pire qu’eux, sur le fond (encore plus oligarchique) et la forme. C’est d’ailleurs ce qu’ont montré ses vœux sans queue ni tête où il a eu le culot de dénoncer à la fois le capitalisme ultralibéral tout en assurant qu’il ne changerait rien à son agenda de recul des droits sociaux et de l’Etat, comme si Hollande s’était dit ennemi de la finance en même temps qu’il cherchait à la rassurer.
 
 
Céline Pina a signé une critique redoutable de ces vœux, qui condensaient tout ce qui ne va pas avec Macron : une direction inchangée témoignant à l’avance du caractère purement cosmétique du débat à venir, et une effarante insulte aux gilets jaunes assimilés à une « foule haineuse  ». Vingt mois après, je persiste dans mon jugement qu’il n’est pas moins superficiel que Marine Le Pen.

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