49,98 % : Ségolène Royal aura-t-elle un jour le droit à la revanche ?
par Eric Donfu
samedi 22 novembre 2008
Victoire contestée de Martine Aubry, ce matin au PS, où la démocratie militante tourne au psychodrame. 67.413 voix, soit 50,02% pour Martine Aubry et 67.371 voix, soit 49,98% pour Ségolène Royal. Le vote de 58,87% des 232.912 militants socialistes qui ont participé au scrutin. Ségolène Royal faisait partie du paysage politique en ayant été la première femme candidate au second tour d’une élection présidentielle. Seule contre tous, elle représente aujourd’hui la moitié du Parti Socialiste, mais peine à s’imposer à sa tête, officiellement battue de quelques voix par Martine Aubry, un résultat contesté qui contribuera au discrédit du PS, si Ségolène Royal ne l’accepte pas.
Toujours dans l’actualité, Ségolène peut-elle faire son come-back ? L’avance nocturne de Ségolène Royal dans les urnes militantes s’est transformée en victoire sur le fil de Martine Aubry au petit matin. Un résultat fragile qui pourrait juridiquement être annulé, si l’ont tient compte du fait que, dans tout scrutin, une différence de moins de 50 voix ouvre le droit à un contentieux électoral. D’autre part, le vote en section peut toujours faire l’objet de contestations, sur la liste des inscrits et les votants par exemple. Mais ce résultat peut aussi être validé, être un résultat à la Floride, assurant la victoire à Martine Aubry selon le principe de la voix de plus. Il pourrait aussi, dans ce cas, revigorer la démocratie militante en démontrant que chaque voix compte. Mais quel discrédit pour le PS !
Alors que Ségolène Royal est arrivée en tête des motions comme du premier tour de scrutin, cette victoire de Martine Aubry soutenue par un front anti Ségolène ne peut qu’apparaître suspecte et ouvrir des contentieux infinis. Mais il a manqué à Ségolène Royal les militants de la présidentielle. Elle témoigne aussi de la réaction des vieux militants face à une démultiplication médiatique annoncée en cas de victoire nette de Ségolène Royal, qui aurait sonné le glas du Parti Socialiste en tant que tel. Une victoire savourée par les partisans de Ségolène Royal comme celle de l’obstination contre les combinaisons et de la cohérence contre les tactiques. Alors, ce rififi n’est pas étonnant non plus car la candidature de la présidente de Poitou Charente était aussi celle du risque contre les éléphants, et de l’audace contre les gardiens du temple. Il est vrai que Martine Aubry méritait d’être élue et avait les soutiens pour l’être, dont ceux, de poids, de Dominique Strauss Khan, Bertrand Delanoë, ou Jack Lang…
Et les fédérations tenues par Laurent Fabius, qui aurait négocié le poste de président du groupe socialiste de l’assemblée Nationale en contrepartie de son engagement, a lui aussi été de poids. Les convictions et l’expérience de Martine Aubry lui permettent aussi de rassembler la gauche et d’incarner une opposition crédible. Elle peut donc être légitimée à la tête du Parti Socialiste. En face, les barons locaux, et la fougue d’un Vincent Peillon ou d’un Manuel Valls ne pouvaient faire le poids. Ségolène était seule. Au-delà de tout esprit partisan, c’est cet isolement qui permet ce soir de comprendre ce quasi refus de vote du corps électoral socialiste Un isolement qu’elle a aussi contribué à créer en donnant le sentiment aux cadres du PS qu’elle voulait une rupture, symbolisée par un renouvellement complet des équipes et une révision des alliances. Son score est quand même remarquable. En effet, le vote des militants pour Ségolène Royal échappe à toute logique arithmétique ou d’appareil, et dépasse même les considérations de personnes. Le cumul des voix de Martine Aubry,( 58 ans), et de Benoit Hamon, (41 ans), s’élevait à 57% Ségolène Royal, (55 ans), ayant rassemblé au premier tour 42,9% des voix, contre 34,5% au maire de Lille et 22,6% à Benoit Hamon.
Bénéficiant de la règle électorale qui veut que moins la marche entre le premier et le second tour est haute à franchir, et plus elle sera franchie, il était quand même plus facile pour Ségolène Royal de passer de 42,9% à plus de 50 que pour Martine Aubry de 34,5 à 50. Ce résultat a bénéficié aussi de reports autonomes indépendants des consignes d’état major et d’un différentiel de participation favorable à l’ancienne candidate à la présidentielle. Le choix de très nombreux militants répond en effet aussi à la règle qui veut que quand vous avez voté une fois pour une personne, vous pouvez revoter pour elle. Et que se soit au sein de leur parti ou dans les urnes pour les présidentielles, les militants PS avaient déjà, en majorité, voté Royal, ils pouvaient donc reproduire leur vote.
Mais il y a également un autre ressort, plus personnel, qui favorisait ce vote. Les militants socialistes en auraient eu assez des batailles de chefs et auraient voulu trancher la question du leadership sur une base simple : Qui a les meilleures chances dans l’opinion ? C’est ce critère, aidé par les sondages, qui devait faire gagner Ségolène Royal lors des primaires, et c’est aussi ce critère qui fait débat aujourd’hui. Car un militant socialiste n’est pas coupé du monde, il est dans la société, dans sa famille, et subit l’image d’un parti socialiste divisé et sans tête légitime.
Donc, dans un choix binaire, la question changeait. Quelle candidate à la présidentielle choisissez-vous ? devenait la question à laquelle il fallait répondre. Mais la persévérance de Ségolène Royal et son acharnement politique contre le pouvoir en place n’ont pas été préférés au front composé de Martine Aubry, et ce, au-delà de tous courants et de toutes consigne. Les excès de ses prestations, ses revirements, tout cela a-t-il compté face à un impératif simple : Qui pour s’opposer à Nicolas Sarkozy ? C’est ce qui explique le fait que Ségolène Royal, comme candidate au poste de premier secrétaire, ait réalisé le 20 novembre un score de 14% supérieur à celui de sa motion au congrès. De l’abstention au vote révolutionnaire d’opposant de congrès, les dix points gagnés jeudi par Ségolène Royal sont aussi ceux de militants soucieux de préserver les chances de victoire de leur parti. Une avance stoppée le lendemain par le tocsin des sections menacées. La tâche est donc toujours difficile pour l’ancienne candidate à la présidentielle, et sa route n’est pas dégagée, car les baronnies l’attendent au tournant. A elle aussi de savoir utiliser toutes les compétences y compris en dehors de ses partisans. A elle de clarifier le projet de gouvernement alternatif de la gauche et du PS. A elle de se tourner vers le pays et la population et de susciter à nouveau le désir de la voir élue.Les militants du Parti Socialiste ont été l’écho de l’opinion : Le PS est placé devant ses responsabilités. Personne n’a pris acte du fait que Ségolène Royal était arrivée en tête du vote des militants des scrutins précédents, et on renâcle à lui donner ce qu’elle attend une prime à la persévérance, et un droit à la revanche. A gauche comme à droite, c’est peut-être aussi la démocratie française qui est en question. Car si les sympathisants avaient voté, elle aurait eu une victoire nette. En fait, Ségolène Royal, dont les convictions sont sincères, ne fait pas de la politique comme les autres. Elle est pragmatique et humaine, immédiate et réfléchie, imprévisible et gauche parfois. Un peu comme un président de la République d’un nouveau style, un bénéficiaire passif du congrès de Reims. Oui, le PS peut avoir la gueule de bois et la conclusion peut revenir à Oscar Wilde qui disait « Le socialisme ne marchera pas, il prend trop de soirées »
Eric DONFU