A gauche, l’alternative enfin

par Henry Moreigne
mardi 22 janvier 2013

"La mondialisation porte en elle la probable catastrophe, elle porte aussi l'improbable espérance"* estime Edgar Morin. En ce début d'année 2013, cette espérance commence enfin à s’esquisser. Michel Rocard, Pierre Larrouturou et Gaël Giraud, dans leurs ouvrages respectifs démontrent que contrairement à ce que nous assènent les ultras-libéraux depuis Thatcher à travers l'acronyme TINA**, une alternative existe. Mise au pas de la finance, réduction du chômage par le partage du temps de travail, rétablissement des comptes publics sans austérité sont aujourd'hui à portée de main. La gauche au pouvoir saura-t-elle la saisir ?

C'est paradoxalement au moment où le libéralisme est à son apogée que son hégémonie intellectuelle semble vaciller. On retrouve ce paradoxe au sein même du PS où les sociaux-démocrates timorés donnent l’impression de s'être effacés devant un social-libéralisme flamboyant incarné par Jérôme Cahuzac.

Et pourtant, la naissance inattendue de la motion Hessel-Larrouturou-Auger lors du dernier congrès socialiste et le bon accueil que lui a réservé les militants socialistes (11,82%) témoignent d'un mouvement souterrain, tectonique. Rien de moins que l’émergence d'une troisième voie entre gauche convertie au libéralisme et gauche archaïque.

"La gauche n’a plus le droit à l’erreur" mettent en garde Michel Rocard et Pierre Larrouturou dans le livre du même nom. S’il n’existe pas de solutions magiques, le duo a listé une vingtaine de mesures pour sortir de la crise allant de la réduction du temps de travail au respect des textes sociaux par nos partenaires, la Chine notamment, sans oublier une redistribution des gains de productivité. Les deux auteurs proposent ainsi de réduire les cotisations sociales pour les entreprises qui passent à 4 jours et donc créent des emplois. Car il s'agit bien de refuser le choix binaire actuel imposé par les actionnaires, qui condamnent les salariés (c’est à prendre ou à laisser) à travailler plein pot ou pas du tout.

Stéphane Hessel pressentait bien les enjeux lorsqu'il déclarait que nos sociétés doivent choisir entre la métamorphose ou la mort. Ce que Michel Rocard reformule à sa façon : "une société fondée uniquement sur les valeurs monétaires ne peut pas durer".

Dénoncer la cupidité rampante impose de s'attaquer à un système financier qui en a fait la première de ses valeurs.

Début 2013, Michel Rocard et Pierre Larrouturou jouaient les faux candides. "Est-il normal que, en cas de crise, les banques privées, qui se financent habituellement à 1% auprès des banques centrales, puissent bénéficier de taux à 0,01%, mais que, en cas de crise, certains Etats soient obligés au contraire de payer des taux 600 ou 800 fois plus élevés ?" écrivait le duo de choc.

Une question pour amorcer une proposition : que la Banque centrale européenne prenne exemple sur la Fed. Puisque selon l'article 123 du Traité de Lisbonne, la BCE ne peut pas prêter d'argent aux Etats, elle pourrait en revanche prêter à 0,01% à la Banque européenne d'investissement (BEI) ou à la Caisse des dépôts, qui, elles, peuvent prêter à 0,02% aux Etats qui s'endettent pour rembourser leurs vieilles dettes.

De son côté, un autre atypique, Gaël Giraud, jésuite et chercheur en économie au CNRS propose une solution différente. Que La BCE accorde des prêts à long terme pour un certain nombre de projets, en lieu en place des marchés, notamment sur ceux qui portent sur la transition écologique et donc sur les emplois et la croissance de demain.

Mais nos Rocard, Larrouturou et Giraud vont plus loin en demandant la mise au pas de la finance dans la filiation des mesures autoritaires arrêtées par Roosevelt lors de la crise de 1929. Et aujourd'hui c'est Gaël Giraud qui joue les trouble-fête à travers une note largement diffusée chez les décideurs politiques dans laquelle il étrille le projet de loi présenté de Pierre Moscovici sur la séparation bancaire. Gaël Giraud estime que ce dernier ne résout aucun des problèmes principaux et cumulerait toutes les faiblesses des projets antérieurs sans hériter d'aucune de leur qualité.

Avec cette nouvelle sainte Trinité Rocard-Larrouturou-Giraud, il flotte avant l’heure comme un air de printemps précoce. N’ayez pas peur nous disent-ils, il suffit de mettre de l’intelligence, de l’innovation et surtout du courage dans les politiques publiques pour sortir de la crise. Rejetant le recours aux rustines, le sympathique duo Rocard-Larrouturou appelle à un nouveau contrat social reposant sur la negociation et la loi pour aider, pas imposer, à l’inverse de ce qui a été fait pour les 35 heures adoptées dans la plus grande brutalité.

Et comme une hirondelle seule ne fait pas le printemps, les frémissements qui traversent l’Allemagne sur un salaire européen minimum ou la taxe Tobin indiquent que les lignes sont en train de bouger. De ce côté du Rhin, l'excellent accueil réservé au livre de Pierre Larrouturou et Michel Rocard confirment que notre société est mûre pour le changement. Ou pour le moins qu’elle rejette la résignation à laquelle on voudrait la condamner

 

 * notre ami blogueur Marc Vasseur en a fait sa devise

** There Is No Alternative (TINA)

 


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