Affaire Benalla : Incident d’été ou affaire d’état ?

par Méchant Réac
jeudi 26 juillet 2018

Emmanuel Macron a décidé de tout assumer : « Le seul responsable de cette affaire, c’est moi et moi seul […] On ne peut pas être chef par beau temps et vouloir s’y soustraire lorsque le temps est difficile », a-t-il déclaré en affirmant qu’il n’y aurait pas de « République des fusibles » et qu’il ne « donnerait pas de têtes ». Il a ajouté, bravache : « S’ils veulent un responsable, il est devant vous, qu’ils viennent le chercher ! Et ce responsable, il répond au peuple français et au peuple souverain, et à personne d’autre. »

 

Mais qui, « ils » ? La justice ? Le président de la République bénéficie constitutionnellement d’une immunité pendant la durée de son mandat. Les parlementaires ? En raison de la séparation des pouvoirs, le président ne peut se rendre devant les Commissions d’enquête… sauf si Emmanuel Macron en faisait lui-même la demande. La presse ? On a bien compris, depuis un an, qu’il ne portait pas les journalistes dans son cœur. « Nous avons, dit Emmanuel Macron, une presse qui ne cherche plus la vérité […] Je vois un pouvoir médiatique qui veut devenir un pouvoir judiciaire, qui a décidé qu’il n’y avait plus de présomption d’innocence dans la République et qu’il fallait fouler aux pieds un homme et avec lui toute la République. »

 

Or, sans les révélations du Monde, il n’y aurait pas eu d’affaire Benalla. Le chef de l’Etat lui-même, parle à propos du comportement d’Alexandre Benalla de « déception » et même de « trahison ». Mais s’il y a eu « trahison », pourquoi s’être contenté d’infliger à ce conseiller, apprécié mais connu pour sa propension à faire le coup de poing, une suspension de quinze jours, (normalement rémunérée, a-t-on appris mercredi), avant de le réintégrer dans ses fonctions comme si de rien n’était ?

 

Si les faits du 1er mai reprochés à Alexandre Benalla constituent « une dérive individuelle » (violences à l’égard de deux manifestants, usurpation de qualité : on reste dans le cadre individuel), les révélations sur la place de l’auteur des faits au sein du dispositif élyséen (sécurité du président, rôle et fonctions celui-ci n’apparaissant pas dans l’organigramme du Palais) et des moyens mis à sa disposition (logement de fonction, voiture munie d’un dispositif de police, port d’arme, d’un accès à la salle de commandement de la Préfecture de police, d’un badge pour entrer dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale…) sont loin d’être anodins. Les réponses sont attendues afin de déterminer notamment si ces avantages sont liés à un chantage mené par Alexandre Benalla sur le président de la République ou son entourage ; ou le président se méfie-t-il de ses services de sécurité. Dans les deux cas la démocratie est en danger.

 

Emmanuel Macron a promis un « nouveau monde », la « transparence », la « moralisation de la vie politique ». Cette affaire rappelle « l’ancien monde », que ce soit le S.A.C. du général de Gaulle ou lorsque François Mitterrand instrumentalisait à son profit les rivalités entre policiers et gendarmes.

 

L’image restera longtemps écornée rendant un programme de réformes, pourtant nécessaires, encore plus difficiles à faire passer auprès de Français peu enclins aux efforts. L’affaire Benalla, avec son cortège réel ou supposé de conseillers occultent et de passe-droits, éclaire un peu plus une démocratie déjà bien malade.


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