Affaire de l’UIMM : un des plus gros scandales de la Ve République ?
par Cyril de Guardia
mardi 23 octobre 2007
Qui finance les syndicats français ? Cette interrogation fait figure d’épouvantail au sein même de l’actualité politique de notre beau pays. Autant vous avertir tout de suite, personne n’est actuellement en mesure d’y répondre. Cependant, l’affaire dite de l’Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM) mettant en cause son président, Denis Gautier-Sauvagnac, tend sérieusement non seulement à alimenter les rumeurs, mais aussi à apporter des éléments tendant à mettre en lumière ce qui pourrait être l’un des plus gros scandales de notre République.
A l’origine peut-être du scandale figure la loi Waldeck-Rousseau,
du nom du ministre de l’Intérieur libéral Pierre Waldeck-Rousseau qui
la fit voter. Il s’agit en clair d’une loi française votée le 21 mars
1884, la première à autoriser les
De cette loi, partant d’un constat social avéré et juste, nous en arrivons à une situation extrême, tant et si bien que depuis deux jours, Denis Gautier-Sauvagnac, également le numéro deux du Medef, est l’acteur principal d’un scandale politico-financier de grande ampleur, peut-être le plus important de la Ve République. Premier indice, ce dernier est suspecté d’avoir prélevé près de 15 millions d’euros en liquide dans les caisses de l’UIMM, l’organisation la plus riche du Medef, dans le cadre d’une enquête opérée par la brigade financière à la suite de la demande de l’ouverture d’une enquête préliminaire par le procureur de la République de Paris.
Selon Le Figaro, Tracfin, la cellule de lutte contre le blanchiment du ministère de l’Economie et des Finances, avait été
Le journal Les Echos rapporte dans son édition du mardi 16 octobre que l’UIMM disposerait d’un "trésor de guerre" de plusieurs centaines de millions d’euros alimenté notamment par une caisse de solidarité antigrève ("Epim") constituée à la suite des événements de Mai-68 et évaluée aujourd’hui à 160 millions d’euros. On ne connaît pas la destination des sommes qui y ont été prélevées, mais plusieurs sources proches estiment qu’elles étaient probablement destinées aux syndicats. L’intéressé a expliqué que ces sommes étaient destinées à « fluidifier les relations sociales ». Curieuse explication des choses et cruel euphémisme que de qualifier ainsi le financement occulte de syndicats en vue d’étouffer un mouvement social ! Selon Les Echos, « Au fil des ans, l’UIMM a alimenté en son sein plusieurs fonds grâce à des cotisations volontaires et supplémentaires des entreprises du secteur », affirme le quotidien économique, sans préciser ses sources.
Depuis des années, la Cour des comptes dénonce l’opacité du financement des syndicats. Outre les subventions publiques et les cotisations des adhérents, les syndicats placent certains fonds de caisse de retraite en bourse afin de faire fructifier ces capitaux à leur seul bénéfice. A regarder de plus près les comptes des syndicats, on peut être en droit de rester parfois estomaqué des surprises de taille que l’on y décèle : les notes de frais de certains dirigeants sont d’un montant anormalement élevé et certaines centrales syndicales investissent même dans l’achat de chevaux de course hippique !
Un autre fait vient renforcer la suspicion à l’égard du financement des syndicats français : la faiblesse du nombre de leurs adhérents. Le taux de syndicalisation est de l’ordre de 83 % en Suède, de 65 % en Belgique, de 50 % en Italie, de 29 % au Royaume-Uni et en Allemagne et de... 8 % en France, selon plusieurs études comparatives - de l’IGAS. En extrapolant, la revue Société civile parvient aux évaluations suivantes :
CGT : 220,6 millions d’euros de budget dont 145 millions hors cotisations.
CFDT : 138 millions d’euros de budget annuel dont 69 millions hors cotisations.
FO : 61 millions d’euros de budget annuel dont 26 millions hors cotisations.
CFTC : 60 millions d’euros de budget annuel dont 48 millions hors cotisations.
L’affaire de l’argent liquide de l’UIMM devrait donc servir de prétexte pour une remise à plat du mode de financement des syndicats dans un souci de transparence, sur le même modèle que les lois de financement public des partis politiques dans les années 1990. S’il s’avère effectivement que le patronat s’est payé le silence des syndicats, qu’il a « fluidifié les relations sociales » en ayant corrompu les organisations syndicales lors de grands mouvements sociaux, alors nous sommes certainement en présence de l’un des plus gros scandales de la Ve République mêlant à la fois le patronat et les syndicats. Alors, patronat et syndicats, même combat ?