Affaire Thierry Solère : L’ex-garde des sceaux Jean-Jacques Urvoas sera jugé par la Cour de Justice de la République

par Martin de Wallon
samedi 20 juillet 2019

Ce sera la huitième fois qu’un ministre de la République comparait depuis 1999 devant la CJR. C’est la seule et unique institution autorisée à juger des membres du gouvernement pour des faits commis dans l’exercice de leurs fonctions. Ainsi, après l’ancien ministre de l’intérieur Charles Pasqua, et Ségolène Royal la ministre de l'Environnement, de l'Énergie et de la Mer sous Manuel Valls, l’ex-ministre socialiste Jean Jacques Urvoas devra à son tour répondre des graves accusations qui pèsent sur lui. Il sera jugé du 24 au 27 septembre pour « violation du secret professionnel ».

Une interférence qui coûtera cher

L’information avait été révélée le mercredi 20 Juin 2018 par France info. Le Procureur Général et représentant du Ministère public auprès de la Cour de Justice de la République, François Molin, avait émis une requête dans un communiqué. Il demandait la tenue d’un procès contre l’ancien ministre de la justice Jean Jacques Urvoas. L’homme âgé de 59 ans est accusé de « violation du secret de l’enquête » dans l’affaire Thierry Solère.

Le dernier cité, ancien républicain député et ex porte-parole de François Fillon, avait été en 2016, au cœur d’un scandale financier révélé par Le Canard Enchaîné et Mediapart. A l’époque, les soupçons qui pèsent sur Thierry Solère sont lourds : Il est accusé de ne pas avoir payé ses impôts entre 2010 et 2013 puis d’avoir signé un amendement visant à exonérer de taxes, les véhicules de collecte de déchets industriels dangereux et d’huiles usagées. Ceci, au même moment où il occupait le poste de PDG du groupe Chimirec (groupe largement bénéficiaire du dit amendement).

D’un autre côté, selon une parution du journal le Monde, le parquet aurait accusé Thierry Solère de s'«  être servi de son influence  » pour «  aider ses sociétés clientes à obtenir des contrats publics ou un agrément des pouvoirs publics  ». La société de conseil de son épouse Lerins Communication n’était pas en marge de ces accusations.

Même s’il dément formellement les faits et menace de porter plainte, l’élu des Hauts-de-Seine est mis en examen pour «  trafic d’influence, corruption, abus de biens sociaux, financement illicite de dépenses électorales et manquement aux obligations déclaratives auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique  ».

A l’époque Jean Jacques Urvoas, Ministre de la justice avait demandé à la Direction des Affaires Criminelles et des Grâces (DACG) une synthèse de toutes les informations concernant cette enquête préliminaire. Mais en juin 2017, au cours d’une perquisition au domicile de l’accusé Thierry Solère, les enquêteurs découvrent dans son téléphone la même fiche confidentielle de la DACG, communiquée précédemment au ministre, transférée en deux envois via Telegram.

L’émetteur de cette confidence à Thierry Solère n’est autre que Jean Jacques Urvoas. C’est une violation du secret professionnel commise par l’ancien garde des sceaux qui l’implique directement dans cette affaire.

« Documents administratifs et non judicaires »

Le parquet de Nanterre avait rendu compte de ces informations le 5 décembre 2017 au procureur général près la Cour de cassation. Celui-ci avait saisi en janvier, la commission d'instruction de la CJR. Le 20 juin 2018 Jean-Jacques Urvoas est mis en examen « pour violation du secret ». Il a été renvoyé en avril dernier devant la CJR.

L'ancien ministre socialiste et ex-garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas sera jugé du 24 au 27 septembre selon l’Express confirmant une information d’Europe 1, par la Cour de justice de la République.

Loin de nier son acte, Jean Jacques Urvoas conteste toutefois l’effectivité du délit. Son avocat Emmanuel Marsigny, corrobore sa position dans ses propos à la CJR rapportés par le Monde : « Les fiches d’action pénales sont des documents administratifs et non judiciaires. Elles sont filtrées par la DACG et sont destinées au cabinet du ministre pour que celui-ci exerce ses attributions et notamment pour communiquer. Ensuite, le ministre lui-même n’est pas tenu au secret professionnel. »

Le magistrat poursuit en justifiant que les transferts auraient été effectués pour : « faire cesser les attaques médiatiques de M. Solère contre l’institution judiciaire et lui faire comprendre qu’il faisait fausse route en affirmant ici ou là que la justice était instrumentalisée contre lui ».

Vraie ou fausse, cette argumentation ne lève pas le discrédit que jette cette affaire sur la justice. Les soupçons de connivence entre celle ci et le pouvoir politique demeurent.

Thierry Solère quant à lui risque certainement d’être mis en cause pour le recel de la violation du secret professionnel. Il n’a pour le moment pas reçu de convocation à cet effet.


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