Agenda pour juin 2007

par Pierre Bilger
vendredi 9 juin 2006

Dans le cheminement intellectuel qui conduit un électeur à sélectionner tel ou tel candidat à l’élection présidentielle, il me semble que l’identification des questions qu’il aura à traiter prioritairement au cours de son mandat est une étape essentielle. C’est par rapport à ces questions que la crédibilité des idées et des attitudes de chaque candidat pourra être appréciée.

Ces questions ne sont pas nécessairement celles qui se posent aujourd’hui, car le futur président ne prendra ses fonctions que dans un an, et c’est la situation qui prévaudra à ce moment-là qu’il devra prendre en compte. Mais on peut considérer que beaucoup des préoccupations actuelles seront encore d’actualité.
En outre ce futur président et sa majorité n’auront devant eux que cinq ans pour agir, c’est-à-dire concevoir, concerter et mettre en oeuvre les actions nécessaires. La sélectivité s’impose donc pour éviter que, trop nombreuses, elles ne se diluent et ne s’enlisent.

Je soumets au débat et à la critique une liste des chantiers prioritaires qui, à mon sens, devraient être inscrits à l’agenda gouvernemental en juin 2007 sans aborder à ce stade le fond des questions à traiter autrement que de manière incidente.
Il s’agit d’une sorte de "check-list" à l’aide de laquelle il me sera loisible de vérifier si les déclarations et les fameux "programmes" des candidats apportent des réponses correspondant à ma vision des besoins du pays. Chacun peut se livrer à un tel exercice pour son propre compte. Mais il serait peut-être intéressant de le partager.

On ne trouvera pas les expressions "chômage" ou "emploi" dans cette liste. Je suis en effet convaincu que si le chômage et l’emploi doivent être l’obsession de nos gouvernants, les résultats que les Français sont en droit d’attendre et même d’exiger ne viendront que par le détour de l’amélioration en profondeur de notre dispositif économique et social global, et avec l’aide de la refondation européenne.
Il est clair enfin que le président qui aurait l’audace et l’énergie nécessaires pour faire ce qui doit être fait devrait au préalable expliquer au pays la réalité de sa situation et le convaincre de la justesse et de la justice de sa démarche, comme ont su le faire, en leur temps, dans des registres différents, aussi bien Pierre Mendès-France que Charles de Gaulle. Pourquoi les Français d’aujourd’hui seraient-ils moins sensibles au langage de la vérité et du courage que ceux d’autrefois ?

Un chantier financier : la réduction de l’endettement public.
Inscrire cet impératif en priorité numéro 1 traduit l’opinion que rien ne sera possible que si d’abord le reflux de la dette publique est suffisamment amorcé pour que le pays retrouve un début de marge de manoeuvre financière. C’est, à mes yeux, "la mère de toutes les réformes", le préalable à toutes les autres actions nécessaires.

Ce chantier implique :

un réexamen sévère des dépenses publiques sans tabou d’aucune sorte et sans « sanctuarisation » a priori d’aucune catégorie de dépense, une clarification radicale des relations financières entre Etat, régions et départements, l’équilibrage des régimes de protection sociale, le recours à un prélèvement exceptionnel pour éviter l’enlisement dans une trop longue période de transition où l’absence de résultat tangible découragerait l’effort du pays.

Un chantier économique : le renforcement de la croissance.
Si la France s’enfonce, c’est parce qu’elle n’a plus aucune marge de manoeuvre économique, comme l’illustre le graphique qu’a publié Le Monde les 4-5 juin 2006 à l’appui de l’article d’Eric Le Boucher, sur la croissance décennale du PIB français en moyenne annuelle : 1960-70 : 5,6% ; 1970-80 : 3,4% ; 1980-90 : 2,6% ; 1990-00 : 2% ; 2000-05 : 1,5%. Les exemples américain et britannique ont montré qu’une telle évolution n’a rien d’inéluctable, même pour les économies matures.

Ce chantier implique :

un engagement national en faveur de l’innovation, la mobilisation de fonds propres en faveur de la création et du développement des petites et moyennes entreprises, un encouragement intensifié en faveur de l’exportation et de l’investissement, une simplification radicale, mais négociée, des procédures d’embauche et de débauche sur le marché du travail en contrepartie de la sécurisation des parcours professionnels.

Un chantier social : la lutte contre les inégalités.
Comme en 1958, une politique de redressement viable doit s’accompagner d’actions crédibles destinées à restaurer le tissu social du pays en faisant reculer les inégalités.

Ce chantier implique :

la mise en place d’un impôt sur le revenu général, global et progressif qui devienne la principale ressource de l’Etat et qui se substitue, dès que possible, par étapes, aux contributions fiscales ou/et sociales les plus inégalitaires et les plus inefficaces économiquement, le rétablissement de la sécurité des personnes et des biens dans toutes les parties du territoire, l’amélioration de l’efficacité du système éducatif comme vecteur de l’ascension sociale, une meilleure focalisation des aides publiques sur les besoins prioritaires.

Un chantier diplomatique : une nouvelle Europe.
Responsable, avec les Pays-Bas, de la crise européenne, la France est seule à même avec l’Allemagne de promouvoir la nouvelle Europe dont notre continent a besoin.

Ce chantier implique :

le retour à une exécution scrupuleuse de nos engagements européens actuels, la recherche pragmatique et obstinée d’un gouvernement économique de la zone euro et de la mise en place du marché unique financier, le recours délibéré au Parlement européen comme moteur de l’identité européenne, la reprise d’un traité établissant des éléments d’un exécutif européen, susceptible d’être approuvé par référendum.


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