Agglos et régions, pivots de la réforme fiscale et territoriale
par yann syz
lundi 2 mars 2009
A lire les réformes gouvernementales depuis la fausse décentralisation de J.P. Raffarin et à entendre les réactions qu’elles suscitent chez les élus, on a l’impression que le coup de grâce contre les collectivités locales n’est jamais le dernier. Alors oui, les transferts de charges non compensés de l’état au local sont légions. Oui aussi, par un jeu de textes successifs, les gouvernements de la droite libérale font échapper une part croissante des marges des entreprises au financement de la solidarité et du développement. Alors qu’en fin de compte les collectivités locales qui en bénéficient travaillent d’abord à l’avenir économique des territoires et injectent une part considérable de leurs ressources dans la commande aux secteurs privés. Le raisonnement fiscal du gouvernement est un raisonnement à courte vue, qui fait fi des dynamiques à long terme. Certes, la taxe professionnelle est à revoir, mais que le monde de l’entreprise contribue au financement du développement économique des territoires est légitime, car les investisseurs en sont souvent les bénéficiaires indirects. C’est par un lien fort entre le monde économique et la fiscalité que se poursuivra l’investissement pour les emplois de demains dans nos collectivités locales.
La question de la fiscalité locale ne peut être déconnecté des débats de la commission Balladur.
Dans les débats autour de la réforme territoriale, chacun s’attache à reconnaître les acquis de la décentralisation. Pourtant, on assiste actuellement à une dépendance accrue des collectivités territoriales vis-à-vis d’un Etat qui utilise la fiscalité locale comme variable de sa propre politique. Il s’agit bien d’une fausse décentralisation, où les décideurs de proximité ne peuvent agir que dans le cadre mouvant des normes fixées par l’Etat central. Il est temps de faire des élus locaux des acteurs autonomes et responsables.
La réforme de la fiscalité locale est le passage obligé d’une clarification du mille-feuilles administratif avant que le pudding ne devienne indigeste. Cela passe par l’affectation d’un impôt précis par niveau de collectivité, ce qui doit permettre la lisibilité civique et la fin de la prise en charge par l’Etat des ressources locales. C’est le seul moyen pour que l’inévitable hausse des impôts locaux soit compensée par une baisse équivalente des prélèvements de l’Etat.
Qui dit ressources précises, dit aussi missions claires. La France est le pays spécialiste de la création de nouvelles structures utiles (régions, communautés de communes), sans toujours supprimer les anciennes devenues désuètes comme le département qui ne conserve une réalité que dans peu de régions.
Cette situation provoque des doublons coûteux que les citoyens ne supporteront pas longtemps. Une redéfinition et une redistribution des missions des collectivités sont les seuls moyens de rationaliser la dépense publique et de simplifier les échelons.
Régions et agglomérations pourraient se partager ce qui reste des missions des conseils généraux.
Les agglomérations correspondent à la carte de la vie des citoyens. C’est l’échelon de proximité adapté aux nouvelles mobilités, qui peuvent traiter avec cohérence la vie quotidienne.
La Bretagne ou l’Alsace, régions où la carte des agglos et des pays est bien en place, pourraient être des pôles d’expérience en la matière, car de toute façon, rien n’oblige à ce que la réforme soit uniforme et monolithique : si dans quelques régions le département garde un sens, on peut très bien imaginer des régions avec ou sans département. Un passage par l’expérimentation locale briserait bien des résistances de départementalistes conservateurs de tous bords !
Ces expérimentations régionales pourraient permettre l’élection au suffrage universel de conseils d’agglomération, car les agglomérations ont un rôle majeur à jouer pour permettre la solidarité effective et la péréquation entre communes, pour peu que leur projet de territoire soit validé par les citoyens au delà des querelles de clocher.
Dans le débat public autour de la commission Balladur , il est surprenant de voir que ce sont souvent les même qui réclament des régions plus grandes et qui souhaitent conserver le morcellement départemental. Les pays voisins nous montrent pourtant que ce n’est pas la taille des régions qui compte, mais leur force institutionnelle.
L’Espagne démocratique a assis son renouveau économique sur plusieurs régions fortes : hors Madrid, l’originalité Basque où le dynamisme Catalan jouent un rôle primordial.
L’autonomie et l’expérimentation des régions, c’est permettre la mise en place de stratégies économiques qui collent aux réalités territoriales. Loin d’être source d’inégalités fantasmées, il s’agit bien de se servir de la diversité de situations au bénéfice de l’ensemble.
Pourquoi la France ne s’en inspirerait-elle pas ? Car ne nous-y trompons pas, le grand Paris n’est qu’une périphérie excentrée de ce que les géographes nomment la « banane bleue » ou la dorsale européenne (de Londres à Milan, en passant par le Bénélux et la Rhénanie). Pour peser face à cet axe, la France a besoin de plusieurs pôles de développement, dont un s’appuie sur la centralité économique de l’Atlantique.
La France, pays terrien et centralisé, a peu à peu délaissé le commerce maritime. Une Région Bretagne avec de fortes marges de manœuvre budgétaires s’y investirait sans attendre le bon vouloir des ministères parisiens.
De ce point de vue maritime, le retour de Nantes et Saint-Nazaire dans la Bretagne est une évidence : Brest, Lorient et Saint-Nazaire ont des convergences maritimes à mettre en synergie. Ces synergies ne seront pas perçues et soutenues dans un grand ouest ou Laval, Le Mans et Angers tournent le dos aux logiques « Atlantique ».
Une Normandie est plus claire que deux , rappelait récement Nicolas Sarkozy. Evidement, et de même Val de Loire, Bretagne, Normandie, Vendée et Poitou offrent des avantages tant économiques que civiques. Ce sont des marques qui vendent et se lisent ; ce sont des territoires vécus et donc compris par des citoyens qui s’y retrouveraient plus que dans de fausses féodalités électives.
Les régions fortes et dynamiques en Europe et dans le Monde s’appuient sur une identification claire à l’externe et mobilisatrice à l’interne : Bavière, Catalogne, Ecosse. Au delà des identités culturelles, des logiques économiques intègrent ce fait : le nombre d’entreprises membres des réseaux « produits en Bretagne » est de ce point de vue significatif.
Les termes Ouest ou Grand Ouest souhaités par ceux que la taille obsèdent n’apportent de ce point de vue aucune plus value.
Avec ces termes, Rennes, Nantes ou Le Mans se marginalisent à la périphérie, alors qu’elles ont chacune d’indéniables caractères de centralité dynamique. La qualification Grand Ouest ne sert la vitalité d’aucune de ces trois villes.
Surtout, Ouest ne veut rien dire en soi, c’est une appellation franco-centrée. A New-York la Bretagne est clairement identifiée dans certains esprits. L’ouest fut-il grand, c’est là bas… la Californie ! Et oui, Brest, pour certains, est la côte Est de l’Atlantique ! On connaît la Rhénanie en Allemagne, mais si elle s’appelait Ouest, nous serions perdus…
Aujourd’hui, les divisions administratives artificielles morcellent le territoire et nuisent aux dynamiques économiques de l’ensemble de la France.
Demain, la fiscalité au service du développement local doit être lisible pour le plus grand nombre, rationalisée, et ancrée sur des espaces efficaces.
Saisissons cette période de débat pour que des territoires cohérents organisent les services publics en fonction des contextes géographiques et des situations, dans un triple souci de force économique, d’aménagements adaptés à l’histoire et de participations citoyennes accrues par la proximité et la lisibilité.
Yann SYZ
Maire Adjoint de Lorient
Groupe UDB
Groupe UDB