Agriculteurs : le gouvernement gonfle ses bricolages

par Laurent Herblay
vendredi 4 septembre 2015

Après avoir nargué les revendications des agriculteurs à la fin du printemps, en leur accordant 20 misérables millions, le gouvernement avait déjà décuplé sa copie en août. Il vient d’annoncer un plan de 3 milliards pour accueillir les nombreux agriculteurs venus manifester à Paris. Qu’en penser ?

 
Bricolage complexe et gonflé
 
En agitant le chiffre de 3 milliards, le gouvernement espère sans doute donner l’impression qu’il pense aux agriculteurs dont tous les reportages montrent la grande difficulté de leur condition. Mais ce chiffre a tout d’une aide sous stéroïdes. D’abord, il ne faut pas oublier que ce chiffre porte sur trois ans. Ensuite, il utilise un montage à la Ponzi puisque si l’aide à l’investissement sera triplée, cela se fera avec un effet de levier de trois ! Bref, les deux tiers du chiffre annoncé correspondent à de la dette. N’est-il pas un peu paradoxal de proposer comme solution à des agriculteurs déjà surendettés d’ajouter deux milliards de plus à leur fardeau. De même, avec l’année blanche sur la dette, si elle soulagera les trésoreries temporairement, les problèmes ne sont que repoussés. La même recette que celle de la Grèce  !
 
En fait, sous les 3 milliards, ne se trouvent en réalité que 50 millions d’allègements de charges en plus, ce qui est sans doute une broutille, moins de 100 euros par agriculteur… Stéphane Le Foll, qui disait ne pas pouvoir tout faire en juin, se contente de promettre des mots, avec la promesse de maintenir « la pression pour que les engagements de hausse de prix annoncés par les industriels et les distributeurs soient tenus. Tout le monde doit respecter les règles du jeu, avec une juste rémunération pour chacun ». Le problème est que la règle du jeu du marché, ce n’est justement pas une juste rémunération pour chacun, mais seulement un gain proportionnel au rapport de force que l’on a, et cela ramène les agriculteurs à la condition de fétus de paille sur le grand océan bien agité du marché dérégulé.
 
De vraies solutions ignorées
 
François Lenglet fait le bon constat en soulignant que c’est le démantèlement de la PAC qui a produit cette crise, avec la fin des prix planchers garantis et la soumission des pauvres agriculteurs aux aléas irrationnels et exubérants des marchés. Il a raison de dire qu’ils souffrent d’une concurrence déloyale de l’Allemagne, et ses travailleurs d’Europe de l’Est payés une misère, le tout dans des exploitations bien plus grandes. Mais il n’a pas complètement raison quand il pointe un problème de spécialisation sur les mauvais segments du marché en disant qu’il faudrait privilégier la haute qualité vendue plus chère. Car, même si cela marchait, est-il sain de dire que ce que nos agriculteurs produisent doit être destiné aux classes supérieures de toute la planète quand notre consommation courante serait importée ?
 
Comme le disait bien un agriculteur sur le panneau que j’ai mis en visuel, la crise agricole des dernières années ne fait que montrer la pertinence des choix de la PAC. Ce dont les agriculteurs ont besoin, c’est de pouvoir vivre de leur métier, et donc faire en sorte que leurs revenus ne soient plus la variable d’ajustement de marchés tellement fous qu’ils peuvent réduire à néant ou presque les fruits du travail des agriculteurs. Mais, ici encore, ce gouvernement, comme les autres, préfèrent faire l’aumône à ceux qui souffrent, même si cela ne résout en rien leur malheur. Bien sûr, pour l’opinion public, cela permet de donner le change, mais le fatalisme affiché est illusoire. Il y a quelques années, nous protégions nos agriculteurs, comme d’autres pays aujourd’hui. Mais nos gouvernements ont décidé de les abandonner.
 

Les mesures annoncées hier sont encore de la poudre aux yeux, avec de gros chiffres gonflés de manière indécente par des montages dérisoires. La réalité, c’est que nous laissons ceux qui nous nous nourrissent se faire dévorer par ce Dieu marché que vénèrent nos dirigeants.

 


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