Alcatel et Alstom : signes de l’abandon de l’industrie par nos dirigeants

par Laurent Herblay
lundi 26 octobre 2015

Il y a 20 ans, Alcatel-Alsthom était un de nos fleurons industriels, une des premières entreprises du CAC 40 par la capitalisation. Après les errements de Serge Tchuruk, qui voulait inventer l’entreprise sans usine, elle a été coupée en deux, avant d’être rachetée et dépecée sous le mandat de Hollande.

 
Dernière ligne droite du dépeçage
 
Il est assez effarant que le gouvernement ait laissé General Electric racheter et dépecer un de nos fleurons industriels, à qui on doit notamment le TGV, se contentant d’arbitrer entre deux maux, le rachat par Siemens ou par le géant yankee. Bien sûr, certaines choses ont été négociées, GE a annoncé quelques embauches et Emmanuel Macron se pose en garant des accords dérisoires passés par l’Etat. Mais dans le fond, ce que l’Etat a laissé faire, c’est le rachat d’une de nos plus belles entreprises industrielles par un groupe étranger, et on sait ce que cela signifie pour nos intérêts, quand on voit le destin d’Arcelor, désormais contrôlé par Mittal ou Pechiney, racheté par Alcan. Ici, droite comme gauche sont responsables de ce désastre industriel, mais cette majorité est responsable de la disparition d’Alcatel et Alstom.
 
D’abord, il faut rappeler la réalité de ce que le gouvernement, et Arnaud Montebourg, bien superficiel et seulement beau parleur, ont laissé faire à Alstom. GE a pu racheter une grosse moitié d’Alstom, celle qui l’intéressait, laissant la partie transports, qui ne l’intéressait pas, et consentant tout juste à former des co-entreprises sur les turbines nucléaires et une partie des activités dans les énergies renouvelables. Bref, en laissant faire le charcutage d’Alstom, la France a abandonné une partie critique de sa filière énergétique, en essayant de sauver les apparences par quelques menues concessions. Et quelques temps plus tard, c’est Alcatel, anciennement lié à Alstom, qui, à travers une vraie-fausse fusion, est en réalité tout simplement racheté par Nokia, après la fusion réalisé avec Lucent en 2006.
 
Le sens de cet abandon
 
Le fait que l’Etat ait accepté ces deux rachats, Alstom, puis Alcatel, est extraordinairement révélateur sur notre époque. D’abord, cela montre que nos dirigeants ont complètement abandonné l’industrie, et de facto les ouvriers, qui ne comptent tellement plus qu’ils laissent certaines de nos plus belles entreprises se faire racheter (et donc, à terme, démanteler) par des entreprises étrangères. Et quand certains défenseurs de ces accords implorent d’accueillir les migrants, cela illustre remarquablement le discours de Jean-Claude Michéa, pour qui la gauche a fait du migrant sa nouvelle figure tutélaire, à la place de l’ouvrier. On peut aussi y voir l’oubli complet de l’intérêt national, trop souvent présenté comme un détail archaïque du passé dans cette mondialisation anarchique où l’argent sert de boussole.
 
Mais ce que cela montre aussi, c’est qu’en dérégulant, et en supprimant toutes les frontières, ce qui finit par s’imposer, à travers le règne du laisser-faire, c’est le pouvoir des multinationales, qui font ce qu’elles veulent faire, parfois même protégées par les tribunaux d’arbitrage, les mettant sur un pied d’égalité avec les Etats. Aujourd’hui, ce n’est plus l’intérêt collectif, sensé être défendu par les gouvernements des Etats, qui est la boussole de notre monde, mais de plus en plus les intérêts financiers des actionnaires des multinationales, qui finissent par pouvoir acheter, vendre, désosser d’autres entreprises, sans que l’on se souci de tous les effets collatéraux de ces restructurations, pour les personnes qui y travaillent. Le capitalisme dérégulé a consacré le règne d’une seule partie prenante : les actionnaires.
 
Jusque dans les années 1980, la gauche, sous influence marxiste, et la droite, sous celle du gaullisme, avaient toutes deux à cœur de préserver les intérêts nationaux, qui étaient ceux de toute la population et notamment ceux des salariés. Maintenant, il n’y a plus de barrage aux intérêts financiers.

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