Alliance FN-UMP : champagne rue de Solférino !
par MUSAVULI
mercredi 13 juin 2012
Ça y est ! Sur rue de Solférino, on se frotte les mains. La gauche est bien partie pour gouverner la France pour longtemps. Très longtemps. En effet, la droite n’a jamais été aussi proche de l’extrême-droite, et la marche vers le suicide collectif bat son plein. La perspective d’une fusion suicidaire - ou plutôt d’une confusion mortifère - entre FN et UMP se précise, tandis que le processus des alliances, bien enclenché, peut difficilement s’inverser. D’autant plus qu’au lendemain des législatives, la droite, qui aura tout perdu, est condamnée à une interminable traversée du désert où chaque goutte d’eau sera bonne à prendre.
On le sait pourtant à gauche comme à droite : cette stratégie de survie au-jour-le-jour, à n’importe quel prix, se paie au prix fort, puisqu’elle hypothèque durablement les chances, pour quiconque s’y laisse prendre, de revenir au pouvoir. Mais la droite qui était déjà prête à vendre son âme au FN pour grappiller quelques points dans les sondages pourra difficilement résister à l’envie de se vendre « toute entière », au grand bonheur de la gauche.
On peut dire que le décor est déjà idéalement planté. Plus de 2/3 des militants UMP souhaitent l’alliance avec le Front National et les digues se fissurent déjà au niveau local comme en témoigne le désistement du candidat UMP Roland Chassain au profit de Valérie Laupies (FN) dans la 16ème circonscription des Bouches-du-Rhône. Les postures « morales » de quelques ténors UMP n’y peuvent rien puisqu’on peut déjà prendre les paris que l’homme ne fera l’objet d’aucune sanction. Il est au diapason de la majorité des militants et des électeurs de son parti contre qui la « direction » ne peut raisonnablement rien faire. On ne se bat pas contre son peuple, même lorsqu’on le croit faire n’importe quoi.
Elle est bien loin cette époque où la droite républicaine, menée par jacques Chirac, se montrait d’un courage exceptionnel en refusant toute forme de compromission avec le Front national et faisait systématiquement exclure tous ceux qui s’avisaient de flirter avec le parti frontiste. Parce qu’un certain Nicolas Sarkozy est passé par là et s’est employé, cinq ans durant, à banaliser les idées d’extrême-droite. Des idées naguère exécrables mais devenues tout à fait ordinaires à tel point qu’on entend scander comme slogan de campagne à l’UMP, sans la moindre gêne, « choisissons la France ». Rien sur la crise tout au long de la campagne en vue des législatives. Rien sur le chômage, la pauvreté, la dette, l’école, le logement. Rien.
A la place, la France, une certaine France. Le vote des « immigrés[1] », terme inapproprié mais volontairement rabâché puisqu’il faut mettre dans le même sac le citoyen français d’origine étrangère, son enfant né français, l’étranger reconnu comme tel, voire toute personne arborant une certaine apparence, qui ne passe pas. On est pourtant assez intelligent à droite pour savoir que seule une infime minorité d’étrangers (la France ne compte que 2.259.777 étrangers extra-communautaires, enfants inclus – à peine 3,5% de la population) se verraient proposer le droit de vote aux élections locales. Mais il faut alimenter la paranoïa identitaire et donner cours à tous les fantasmes. Et lorsqu’on tombe sur une certaine Christiane Taubira - la pauvre - la prise est bonne. Puisqu’on peut faire d’une pierre deux coups. L’acharnement politique dissimule à peine l’esprit de ratonnade, une folie d’extrême-droite à laquelle « la droite républicaine » prend désormais goût. Tout ce qu’il faut pour ne plus mériter de gouverner la France. L’UMP se saborde toute seule et le spectacle du naufrage programmé en amuse plus d’un sur rue de Solférino.
On entend dire que, finalement, l’alliance avec le Front national va de soi puisqu’en face, le Parti Socialiste ne s’embarrasse pas de ses alliés d’extrême-gauche. On oublie juste, naïvement, de préciser que tout se joue en termes de compatibilité ou d’incompatibilité avec les principes de la République. Très peu d’idées du Front national sont applicables sans que la France ne renonce à un nombre incalculable de ses acquis démocratiques. Ce qui n’est pas le cas de l’extrême-gauche dont les idées ne font plus peur depuis que ses élus prennent part à l’exercice du pouvoir (dix-neuf députés, vingt-et-un sénateurs, plusieurs ministres) et dont on sait qu’ils ont renoncé au rêve dévastateur du « Grand Soir ».
Ainsi entre gauche et extrême-gauche, on discute programmes de lutte contre l’exclusion, fiscalité, pauvreté, partage des richesses. Que discuterait l’UMP avec le FN à la place ? On ne cherche pas loin : « la préférence nationale ». Les français d’abord (encore qu’il faille les trier puisqu’une partie de nos nationaux ne seraient pas tout à fait français). Car, au moment où on parle de « citoyen français » à gauche, à l’extrême-droite on évoque le « vrai Français ». Et lorsque l’extrême-gauche parle « humanisme », y compris dans nos prisons, l’extrême-droite prône la présomption de légitime défense pour les policiers (la gâchette facile) et le rétablissement de la peine de mort. Elle oppose la fermeture des frontières au discours de solidarité et de paix entre nations.
Que va donc faire l’UMP de ce côté-là ? Quel programme politique peut-on espérer élaborer et assumer en y incluant des idées pareilles ? Y a-t-il autant de désespoir à droite pour se laisser berner par l’illusion d’une alliance stratégique avec l’extrême-droite ?
En tout cas cette incroyable alliance est maintenant sur le rail, malgré la certitude que le programme politique dont elle accouchera ne sera jamais du goût de toute la droite. Divisions et crises internes s’annoncent déjà, mais il y a pire. L’UMP deviendra infréquentable. Des choses ordinaires deviendront tout d’un coup laborieuses, voire impossibles. Penser seulement au dîner du CRIF, (un exemple parmi tant d’autres). Impossible de se rendre à ce dîner lorsqu’on est en alliance avec le parti de Jean-Marie Le Pen.
Tout ce que l’UMP essayera de grappiller à l’extrême-droite ne suffira pas à combler ce qu’elle aura perdu au centre et pour son image qui se consumera au fil des polémiques dont ses « alliés » FN, on le sait, sont d’incorrigibles habitués. L’érosion devra durer jusqu’à ce que la majorité des dirigeants et du « peuple de droite » reprennent conscience et réapprennent à croire qu’elle ne peut durablement gagner que sur la base de ses propres valeurs républicaines (de droite) et qui sont fondamentalement incompatibles avec les idées d’extrême-droite. Il faudra ensuite renouer des alliances, saines. Ça prendra du temps. La route sera longue comme disait l’autre, mais c’est tout ce qu’il y aura à faire.
L’UMP aura inutilement perdu un temps précieux puisqu’en face, le Parti Socialiste et ses alliés auront eu tout le loisir de renforcer leurs assises, d’affermir leur emprise sur le pays et de se structurer en formations imbattables.
Allez, rue de Solférino, champagne !
Boniface MUSAVULI
[1] Définition de l’immigré retenue par l’INSEE : (…) personne née étrangère à l'étranger et résidant en France. (…) Certains immigrés ont pu devenir français, les autres restant étrangers. Les populations étrangère et immigrée ne se confondent pas totalement : un immigré n'est pas nécessairement étranger et réciproquement, certains étrangers sont nés en France (essentiellement des mineurs). La qualité d'immigré est permanente : un individu continue à appartenir à la population immigrée même s'il devient français par acquisition. C'est le pays de naissance, et non la nationalité à la naissance, qui définit l'origine géographique d'un immigré.