Allocations familiales : la faute du gouvernement

par Laurent Herblay
mardi 14 avril 2015

Comme le note 20 minutes, « à partir de juillet, les prestations familiales seront divisés par deux à partir de 6000 euros de revenus nets par mois, et par quatre dès 8000 euros  ». Mais même en étant favorable à plus de progressivité fiscale, cette mesure est une grosse faute du gouvernement.

Bricolage anti-familial
 
A première vue, on peut se dire que raboter quelques centaines d’euros à des ménages gagnant plus de 6000 euros net par an n’est pas injuste et que cela contribue à remettre un peu de progressivité dans notre système fiscal global. Après tout, il s’agit ici des personnes qui gagnent le plus. Mais cette mesure pose de nombreux problèmes. D’abord, il ne s’agit pas d’une augmentation globale de la progressivité de l’impôt sur le revenu, par une augmentation de la tranche supérieure, qui s’appliquerait de manière uniforme à ceux qui gagnent plus qu’une certaine somme, comme avec l’introduction de la tranche à 45%. Ici ne sont ciblés que les familles, ce qui est paradoxal étant donnée leur importance.
 
Ensuite, dfficile de ne pas y voir un nouvel épisode du bricolage fiscal et législatif de nos gouvernements, qui, pour trouver quelques millions, rabottent par ci et par là, sans presque jamais se poser la question du projet d’ensemble. C’est exactement le même phénomène qui était à l’œuvre avec l’éphémère taxe à 75%, qui comportait des exceptions effarantes visant les clubs de football. Nos gouvernants, de droite comme de gauche, ne cessent d’empiler les mesures pour réagir sans jamais véritablement mener des réformes de fond, créant un mille-feuille extrêmement complexe. C’est exactement la même logique qui est à l’œuvre avec la réduction d’impôt sur les investissements annoncée il y a peu.
 
Démontage de la Sécurité Sociale
 
Mais par-delà ces problèmes déjà non négligeables, ce rabotage des allocations familiales des ménages les plus aisés pose un problème bien plus grave qu’on ne peut le penser. En agissant de la sorte, la majorité prend le même chemin que les Etats-Unis ont pris, notamment sur le domaine de la santé. En effet, notre système de Sécurité Sociale est déjà progressif étant donné que les cotisations montent avec les revenus. Mais quand on commence également à toucher aux prestations des plus riches, si cela peut être progressif à court terme, cela sape les fondements de notre protection sociale, en ramenant la Sécurité Sociale à une protection basique, nécessitant de coûteuses complémentaires
 
C’est exactement la logique à l’œuvre sur la santé, où une part grandissante des dépenses est couverte par des mutuelles auxquelles une part de la population n’a pas accès, créant un nouveau « lumpen-prolétariat », les fameux « sans dents ». Ce système à deux vitesses est aussi à l’œuvre dans l’éducation, notamment aux Etats-Unis, où le prix des établissements d’élites a atteint un tel niveau que leurs portes restent closes pour les très bons élèves issus de milieu modeste, à moins d’être vraiment exceptionnels. En cassant les mécanismes de solidarité nationale, le gouvernement fait un pas de plus vers le système étasunien où la Sécurité Sociale n’est plus qu’un filet minimaliste pour les pauvres.
 
Si le gouvernement voulait trouver un peu d’argent, il pouvait s’attaquer enfin à la désertion fiscale des multinationales. Car si elle peut paraître juste socialement, cette baisse des allocations familiales pour les plus riches est surtout une nouvelle étape dans la déconstruction de notre modèle sociale.

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