Allocations familiales : le vrai scandale n’est pas celui qu’on croit...
par Albert Ricchi
mardi 13 mars 2007
En évoquant il y a quelques mois la mise sous tutelle des allocations familiales pour les familles qui ne « tiendraient pas correctement leurs enfants », Ségolène Royal, par ses propos sécuritaires, s’était lancée à la conquête du cœur des électeurs.
Aujourd’hui, Nicolas Sarkozy, en difficulté sérieuse dans certains sondages « confidentiels » pour la qualification au second tour de l’élection présidentielle, est à la recherche de nouvelles promesses électorales et évoque la possibilité de leur versement aux jeunes couples dès le premier enfant...
Mais le débat concernant les modalités d’attribution de ces allocations, comme d’ailleurs de l’ensemble des prestations familiales, est toujours largement esquivé.
Ces prestations familiales, versées par les caisses d’allocations familiales (CAF), sont dominées par des aides ciblées vers les familles ayant de jeunes enfants à charge, les familles nombreuses et les familles monoparentales qui sont dans leur immense majorité des femmes.
Les dépenses de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) au titre des prestations légales atteignent près de 50 milliards d’euros dont environ 30 milliards au titre des seules prestations familiales et le vrai scandale n’est pas celui qu’on croit...
A la tête d’un réseau de 122 caisses d’allocations familiales, la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) mobilise 35 000 agents pour gérer plus de 11 millions d’usagers :
- 6 717 000 familles avec au moins un enfant à charge (dont 5 784 000 couples et 933 000 personnes isolées)
- 4 445 000 allocataires sans enfant à charge
Parmi les nombreuses prestations familiales gérées par les CAF, les allocations familiales sont versées sans condition de ressources et modulées en fonction de la taille de la famille :
- 119,13 € nets pour deux enfants (après prélèvement de la CRDS)
- 271,75 € pour 3 enfants
- 424,37 € pour 4 enfants
- 577,00 € pour 5 enfants
- 150,08 € nets par enfant supplémentaire
Une majoration de 33,51 € est versée par enfant de 11 à 16 ans, 59,57 € par enfant de plus de 16 ans.
Aujourd’hui donc, un couple ayant un enfant à charge, souvent un jeune couple venant de débuter dans la vie, voire un couple en difficulté financière (chômage, temps partiel subi, etc.), ne touche pas d’allocations familiales puisque les familles d’un enfant n’y ont pas droit !
Mais les injustices ne s’arrêtent pas là. Pendant que ces familles, souvent modestes, ne touchent pas d’allocations familiales, celles ayant au moins deux enfants ou plus et vivant confortablement (cadres supérieurs, professions libérales, PDG, etc.) les perçoivent alors qu’elles n’en ont pas un besoin essentiel pour vivre !
Depuis 1978, les prestations familiales ont été étendues à l’ensemble de la population, sans condition d’activité professionnelle, et d’autres d’allocations sont également attribuées aujourd’hui sans condition de ressources. Elles représentent, en masse financière, la moitié environ du total des prestations servies !
Aucune réforme sérieuse n’a jamais été entreprise par les pouvoirs publics pour remédier à ces anomalies qui datent de l’après-guerre et qui accroissent les injustices sociales et fiscales. Seul Lionel Jospin avait tenté maladroitement de fixer un plafond de ressources au-delà duquel les familles aisées n’y avaient pas droit, ce qui déclencha immédiatement, à cause des effets de seuil, la réprobation des familles, plutôt aisées il est vrai.
En réalité, toute réforme crédible devrait prévoir soit le versement des allocations familiales à toutes les familles, dès le premier enfant, en les déclarant ensuite dans l’impôt sur le revenu (telle fut à un moment la proposition d’Alain Juppé, Premier ministre), soit l’attribution en fonction d’un barème dont les montants seraient modulés en fonction des revenus de la famille.
Cette dernière solution aurait l’avantage de concilier le maintien des allocations à toutes les familles, le montant des allocations, pour la tranche de revenus la plus élevée, pouvant être bloqué à son niveau actuel jusqu’à l’existence d’un barème cohérent et complet.
Ségolène Royal aurait pu proposer une telle réforme en vue de corriger ces injustices criantes au lieu de se cantonner au seul problème des familles de jeunes délinquants.
A l’occasion de la Journée internationale des femmes du 8 mars, la candidate du PS, qui parle volontiers du droit des femmes et qui cite souvent en exemple le modèle social des pays scandinaves, devrait savoir qu’en Norvège notamment, elles sont versées dès le 1er enfant.
Situation renversante à plus d’un titre aujourd’hui car c’est justement Nicolas Sarkozy qui propose d’attribuer les allocations familiales dès le premier enfant !
Un Nicolas Sarkozy qui s’est d’ailleurs emmêlé les pinceaux dans l’émission d’Arlette Chabot le 8 mars sur France 2 en indiquant que cette attribution dès le 1er enfant pourrait se faire sous conditions de ressources alors que les allocations familiales sont attribuées actuellement sans conditions de ressources dès le 2e enfant !
Un Nicolas Sarkozy déjà récemment « repris en mains » par ses conseillers politiques revoyant à la baisse le chiffrage de son programme et lui faisant remarquer notamment le coût excessif de cette mesure de gauche que la gauche ne propose malheureusement pas ...