Am stram gram Smic et Smic et colegram

par Décryptages
mardi 27 février 2007

Les tribulations de nos présidentiables dans le monde minimaliste des salaires minimum... ou Gulliver chez les lilliputiens.

Pour commencer, je vous propose un tout petit exercice d’arithmétique pas très compliqué. Cela ne fera pas de mal aux élèves actuellement en vacances d’hiver d’exercer leurs méninges. Cela ne ferait pas de mal non plus au remplaçant d’Eric Besson et à ses collègues des autres écuries présidentielles de se remettre de temps en temps au programme de mathématiques de l’école primaire.

Sachant que le SMIC horaire est passé successivement de 5.78 euros en 1996 (à l’époque on parlait encore en franc, mais à part Nicolas Dupont-Aignan personne ne s’en souvient) à 8.27 euros en 2006 ... la moyenne des augmentations annuelles du SMIC au cours des dix dernières années aura été de 3.66% par an. Cela correspond tout simplement à l’application de la loi qui impose une augmentation du salaire minimum d’au moins l’inflation augmentée de 50% de la hausse du pouvoir d’achat du salaire ouvrier. Certes, il y a de temps à autre ce que l’on appelle joliment les « coups de pouce » au-delà de ce service minimum, mais ils se font de plus en plus rares.

Résultats des courses, aujourd’hui en février 2007, pour 35 heures hebdomadaires de travail (un petit merci à M. Jospin en passant, le pauvre homme, personne ne l’a jamais remercié, quels ingrats ces travailleurs), le SMIC est actuellement de 1.254.31 euros. Qui peut franchement dire que l’on peut vivre décemment (sans même parler d’aisément) avec ça ... ?

Revenons-en donc à notre petit problème de calcul mental. Savez-vous de combien sera ce SMIC dans 5 ans si on applique la même augmentation annuelle de 3.66%, comme pendant les dix dernières années ? Je vous le donne en mille ! Et bien, cela fera très exactement 1.501,11 euro !

Bravo Ségolène. Certificat d’étude réussi avec mention passable.

Il restera même 1 euro et 11 cents pour le pourboire !

Allez, madame Royal, encore un petit effort, dites-nous, c’est quand, dès que possible ?

Bon, inutile d’en rajouter, cette promesse-là est non seulement ridicule mais elle est bien entendu mensongère et fictive. Si nous n’avions pas l’intime conviction de l’immense compassion de Ségolène pour les smicards, on dirait même qu’elle est indigne et coupable, cette promesse.

Reste alors la question de fond : à quoi ça sert d’augmenter le SMIC ?

Malheureusement, la gauche se cache derrière le caractère mythique de ce sigle à quatre lettres hérité des combats héroïques de nos aînés sur les barricades. Rappelez-vous.

1950. Le Salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) entre en vigueur en France. Le nouveau dispositif impose le principe d’une rémunération minimale en dessous de laquelle aucun salarié ne peut être payé. Déterminé en fonction du budget type d’un ménage, le SMIG permet de garantir un pouvoir d’achat minimum aux ménages les plus modestes.

1952. Le SMIG est indexé sur les prix.

1970. Il est remplacé par le SMIC (Salaire minimum interprofessionnel de croissance) et intègre une indexation au prix et à la croissance du pouvoir d’achat. Souvenez-vous de Grenelle ! Ah, le bon temps des conférences salariales !

Que nous dit-elle, Ségolène ? « Je m’engage à la hausse du SMIC à 1500 euros par mois et à une hausse des bas salaires juste au-dessus du SMIC qui sera fixé par les partenaires sociaux dès le mois de juin 2007 dans le cadre de la conférence sur les salaires et, pour que cet objectif, pour que cette augmentation, puisse se faire pour les bas salaires le plus rapidement possible, sans pénaliser les petites entreprises, je m’engage à mettre en place un plan massif de formation professionnelle, débouchant sur un système gagnant/gagnant. »

Le problème, c’est que l’on sait que tout ceci ne marche pas. Même discours depuis vingt ans. Conférences après conférences, le nombre de salariés payés au SMIC augmente en même temps que le SMIC lui-même. En douze ans, le nombre de salariés payés au SMIC a doublé en France, pour atteindre le pourcentage, jamais égalé, de 16,8 % des effectifs du secteur privé. Ce ne sont pas ces vagues promesses sur la formation professionnelle qui inciteront les entreprises à augmenter massivement et tout de suite l’ensemble de l’échelle des salaires, alors même que tout le système des allègements de charge les conduit au contraire à concentrer les salariés au niveau du SMIC ou juste au-dessus.

Même Yves Housson («  Le SMIC, une conquête, un combat », VO éditions) le dit dans l’Humanité : « Ce n’est pas un hasard, (...) si les effectifs des smicards ont commencé à gonfler au moment - début des années 1990 - où les pouvoirs publics ont accordé aux patrons les premières baisses de cotisations sociales. Celles-ci, au niveau du SMIC, ont été divisées par 4 entre 1990 et 2005. Ces allègements s’appliquent, de façon dégressive, jusqu’au niveau de salaire de 1,6 SMIC. D’où le phénomène, bien connu, de « trappe à bas salaires ». Ainsi, chaque fois que le SMIC augmente, même modestement, un plus grand nombre de salariés se retrouve dans le wagon de queue, dans la catégorie des rémunérations ouvrant droit aux baisses de charges. »

Et alors, on continue ? On refait le coup de l’écrasement de la hiérarchie et de smicardisation ?

Non bien sûr, nous dit Nicolas Sarkozy : « Là où nos adversaires demanderont le SMIC à 1 500 euros, je proposerai aux Français une politique visant à augmenter le pouvoir d’achat de tous les salariés en leur permettant de travailler plus pour gagner plus. » Sans commentaire. Au moins on ne pourra pas lui reprocher de faire dans la compassion ! Travaillons camarades ! Les caissières de Lidl qui ont un contrat de 26 heures par semaine apprécieront sans doute.

Encore une fois, il n’y a que François Bayrou qui sorte enfin des recettes de grand-mère (attention, j’adore les vieilles recettes, mais seulement en cuisine) : « Je ne m’inscris pas dans la politique actuelle d’allègement de charges sur les bas salaires ! Je prétends qu’il faut les faire sur tous les salaires. Parce que si vous concentrez tous les avantages sur les bas salaires, le nombre des bas salaires augmente. Vous avez fabriqué un piège à SMIC. Je propose de faire respirer tout cela. »

T’as raison François. Respirons. Respirons.


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