Amélie de Montchalin, enfin nommée au gouvernement !

par Sylvain Rakotoarison
mardi 2 avril 2019

 

« Réinscrire la France dans son temps et au cœur de l’Europe sont deux grandes missions auxquelles je dédierai toutes mes compétences et mon énergie. » (Amélie de Montchalin, juin 2017).



Après la démission, le 27 mars 2019, de trois membres du gouvernement, Nathalie Loiseau (Affaires européennes), parce qu’elle est la tête de la liste Renaissance aux élections européennes de mai 2019, Mounir Mahjoubi (Numérique) et Benjamin Griveaux (porte-parole du gouvernement) pour préparer les élections municipales de mars 2020 à Paris, le Président Emmanuel Macron les a remplacés rapidement, ce dimanche 31 mars 2019, juste après la cérémonie au Plateau des Glières (à laquelle il avait invité Nicolas Sarkozy), au cours d’un remaniement ministériel "technique" du 2e gouvernement d’Édouard Philippe.

Et la nomination la plus importante, c’est évidemment celle de la députée de la 6e circonscription de l’Essonne (Massy-Palaiseau) Amélie de Montchalin comme Secrétaire d’État auprès de Jean-Yves Le Drian, chargée des Affaires européennes. Je me réjouis de son entrée au gouvernement qui était d’ailleurs attendue depuis plus d’un an et demi par de nombreux observateurs.

Malgré ses seulement 33 ans (elle a été élue députée à la veille de son 32e anniversaire), Amélie de Montchalin a largement montré son énergie, ses compétences, son talent, en près de deux ans d’exercice du mandat parlementaire. C’est même assez simple : alors que cette Assemblée Nationale a été "envahie" par une foule de députés nouveaux, parfois novices de la politique, elle est nettement sortie "du lot" grâce à son activité très intense dans l’hémicycle et en commission (elle a été classée 7e députée la plus active, sur 577, par un magazine d’information, et elle fut désignée comme la députée de l’année par le Trombinoscope en février 2018).



Née le 19 juin 1985 à Lyon, ayant passé son enfance en France, au Brésil (elle était vice-présidente du groupe parlementaire France-Brésil) et en République tchèque (en fonction du travail de son père, cadre supérieur dans de grandes entreprises), Amélie de Montchalin a suivi une très solide formation initiale, mais pas "traditionnelle" pour la politique : lycée Hoche et prépa à Ginette, puis HEC Paris, tout en suivant des études d’histoire (à la Sorbonne) et d’économie appliquée (à Dauphine), elle a obtenu également un MBA à Harvard après avoir travaillé au Chili puis à la Commission Européenne.

Elle a travaillé principalement pour un grand assureur (AXA) comme économiste : « Mon métier m’a permis de suivre depuis 2009 les politiques publiques liées à la transition climatique, la révolution numérique et la réforme du système financier. Sur ces sujets, mon rôle a été de créer des ponts entre le monde de l’entreprise et les décideurs publics afin de définir des stratégies d’entreprise en phase avec les attentes sociales et faire émerger des politiques publiques innovantes et efficaces. » (présentation sur son blog).

Amélie de Montchalin vient du monde réel, celui des entreprises, celui de l’économie, et a pour ambition d’apporter ses compétences dans le monde politique. En résumé, elle est l’une des actrices très écoutée et consultée de la Macronie, séduite par le côté start up de la démarche d’Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle.


À l’origine, elle a conseillé Valérie Pécresse qu’elle a rencontrée avant l’élection présidentielle de 2007 et qu’elle a suivie au Ministère de la Recherche. Elle a ensuite soutenu la candidature à la primaire LR de novembre 2016 de l’ancien Premier Ministre Alain Juppé, dont elle a participé à l’élaboration du programme économique (sur la réforme budgétaire notamment). L’échec d’Alain Juppé l’a conduite à soutenir Emmanuel Macron en janvier 2017 pour son engagement européen, et la victoire présidentielle lui a permis de remporter l’ancienne circonscription de François Lamy (proche de Martine Aubry) au second tour du 18 juin 2017 avec 61,3% (face à une candidate UDI-LR), après avoir éliminé au premier tour le candidat socialiste, Jérôme Guedj, ancien président du conseil général de l’Essonne et ancien député en tant que suppléant de François Lamy lorsqu’il était ministre.



Amélie de Montchalin est l’une des parlementaires qui travaillent le plus. Numéro deux de la commission des finances, elle connaît sur le bout des doigts les enjeux financiers et budgétaires de la nation, ainsi que les conséquences sur l’économie. Elle était chargée de rappeler les députés de la majorité absents de l’hémicycle au moment des votes. Après l’élection au perchoir, le 12 septembre 2018, de Richard Ferrand (qu’elle a soutenu le 10 septembre 2018 aux journées parlementaires de LREM à Tours), elle a tenté sa chance pour diriger le groupe LREM à l’Assemblée Nationale, mais s’est retrouvée seulement en troisième position (sur sept candidats), si bien qu’au second tour, elle a soutenu Gilles Le Gendre qui fut élu. Elle était depuis le 9 octobre 2018 la première vice-présidente du groupe LREM. Par ailleurs, elle était coprésidente de la mission d’évaluation et de contrôle (issue de la commission des finances) et membre du groupe d’études Startup, PME et ETI.

Dans les débats budgétaires (ce sont les moments les plus concrets et les plus importants dans une démocratie), Amélie de Montchalin a montré ses compétences. Elle a d’ailleurs été rapporteure d’une partie des projets de loi de finance, tant pour 2018 que pour 2019, ainsi que rapporteure d’une mission d’évaluation et de contrôle sur l’évaluation du financement public de la recherche dans les universités.

Ce thème du financement de la recherche lui est cher puisqu’elle a été l’auteure d’une proposition de résolution pour le renforcement des outils et des moyens de pilotage de la recherche publique, déposée le 8 juin 2018, qui fut adoptée le 20 juin 2018 par 49 voix contre 3 (sur 57 votants). Elle rappelait que « la France occupe la cinquième place mondiale pour la dépense de recherche publique en 2015 », soit 0,86% du PIB, en dessous de l’objectif de 1% du PIB et en dessous de l’effort consacré par l’Allemagne (0,91% du PIB).

Elle se réjouissait de l’augmentation des crédits pour la recherche dans la loi de finance 2018 : « Cette prise de conscience que la recherche et l’innovation sont les clefs pour développer le savoir humain et pour renforcer l’attractivité de la France sur la scène internationale est de bon augure et doit être amplifiée. ». Mais elle pointait un handicap : « Les retombées économiques de l’effort de recherche ne sont pas à la hauteur des performances scientifiques de la France. ». Pour y remédier, évoquant par exemple l’arrivée de nouveaux concurrents privés dans des domaines pourtant réservés jusqu’à maintenant aux États (comme SpaceX dans le domaine des lanceurs spatiaux), elle proposait de renforcer le pilotage des projets de recherche (notamment par le développement d’une stratégie à moyen terme).

Intervenant à la séance du 24 janvier 2018 à l’Assemblée Nationale, Amélie de Montchalin a aussi insisté sur l’importance des financements privés de la recherche : « Nous le disons clairement, nous l’assumons : la fiscalité de notre capital était l’une des plus élevées d’Europe ; elle constituait un vrai repoussoir pour les épargnants français et les investisseurs étrangers ; elle organisait la fuite des projets de nos entrepreneurs, développés sur nos territoires, et vidait la France de ses emplois. (…) Le monde de la finance n’est ni sans nom ni sans visage ; il n’est pas notre ennemi. Ceux qui financent notre économie, ceux qui investissent en France doivent avoir avec nous des relations exigeantes, fermes, matures mais constructives. ».



Amélie de Montchalin s’est donc beaucoup occupée de sujets nationaux (surtout économiques et financiers), mais également, locaux. Elle a par exemple posé une question au gouvernement le 16 janvier 2018 pour s’assurer que la ligne 18 du métro allant d’Orly à Versailles via Évry, Massy, Saclay et Saint-Quentin-en-Yvelines, serait effectivement achevée en 2024 comme c’était prévu lors de la visite d’Emmanuel Macron sur le Plateau de Saclay le 25 octobre 2017, tout en proposant ce que demandent les élus locaux depuis longtemps : « Le Plateau de Saclay a en effet, au-delà de son activité de recherche de pointe, une vocation agricole et environnementale importante. Dans ce cadre, l’enfouissement du tronçon ouest pourrait être réétudié sérieusement afin d’assurer son acceptabilité et sa pérennité. Des options concrètes de financement ont été proposées. » (la question n’a pas eu de réponse car elle a été retirée par son auteure le 23 janvier 2018).

La voici désormais membre du gouvernement, avec un poste stratégique et très délicat dans ce climat eurosceptique généralisé, les Affaires européennes. Amélie de Montchalin connaît bien la complexité des institutions européennes ainsi que les nécessités économiques qui prévalent dans un monde ouvert et libre, où la France, mieux que d’autres, a la capacité de résister aux flux de la mondialisation grâce à ses nombreux atouts (en particulier scientifiques et technologiques). Gageons que cette révélation de la Macronie n’en restera pas là et qu’à moyen terme, malgré son jeune âge, elle saura servir le pays dans des responsabilités nationales bien plus élevées…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (31 mars 2019)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Remaniement ministériel du 31 mars 2019 du 2e gouvernement d’Édouard Philippe.
Amélie de Montchalin.
Emmanuel Macron à la conquête des peuples européens.
Les risques d’un référendum couplé aux européennes.
Enfin le retour aux listes nationales aux élections européennes (2 décembre 2017).


 


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