Analyse de la candidature de José Bové

par Jean-Michel Aphatie
vendredi 2 février 2007

José Bové, officiellement candidat à l’élection présidentielle depuis la veille, était l’invité de RTL, ce matin, à 7 h 50.

Sa candidature complique un peu plus la carte de la gauche de la gauche du PS. Au passage, tiens, on dit tout ça par commodité, mais déjà qu’on a du mal à savoir ce qu’est être à gauche ou de gauche - schématiquement, c’est être beau, généreux, altruiste, idéaliste, alors qu’à droite ils sont vieux moches et pétés de fric, dans ce dernier cas, ce n’est pas toujours faux, fin de la parenthèse et début des commentaires -, alors définir ce qu’est être à gauche de la gauche, bonjour l’exercice. Certains diront, tiens, c’est simple, être à la gauche de la gauche, c’est être anticapitaliste. Tu parles Charles ! Si José Bové était anticapitaliste vraiment, jsuqu’au bout, entièrement, aurait-il été sur TF1, hier soir, pour sa première prise de parole d’après candidature ? TF1, vous savez, la grosse télé qui libère des espaces dans les cerveaux pour la publicité ? Non, si José Bové a été sur TF1, c’est bien la preuve qu’en tant d’homme à la gauche de la gauche, il n’est pas définitivement anticapitaliste. Bref, tout cela est très difficile. En fait, c’est de la philosophie et ça, ce n’est pas mon métier. Mon truc, c’est la cuisine. Alors, la cuisine de la gauche de la gauche de la gauche, elle en est où ? En plein bastringue.

José Bové est candidat. Dans les sondages, ça frémit, entre 1% et 3%. Premier touché et presque coulé : Olivier Besancenot de la Ligue communiste révolutionnaire.
On en parle peu, mais le moral du facteur candidat n’est pas très bon. José Bové en parlait, d’ailleurs, tout à l’heure, lors du petit déjeuner qui s’est intercalé entre son passage à l’antenne à 7 h 50, puis son retour pour les questions des auditeurs, à 8 h 30. "La protestation, a-t-il dit, ça marche une fois." Olivier Besancenot a un peu l’air de penser la même chose. Sa campagne patine, elle ne bénéficie pas de l’effet de nouveauté constaté en 2002, son message ne s’est pas renouvelé, et pour corser le tout, l’incertitude demeure sur la collecte des 500 parrainages. Bové par dessus, et le renoncement n’est peut-être pas loin.

Tiens, une petite incise. Les signatures, les parrainages, servent toujours aux grands politiques à terminer la composition du plateau présidentiel et à permettre, par la maîtrise discrète de quelques dizaines d’élus, d’organiser les choses de telle sorte qu’elles profitent à leur candidat. Un exemple : Daniel Vaillant a raconté dans un livre publié après 2002 comment François Mitterrand lui avait demandé d’aider Marie-France Garaud en 1981 à obtenir ses signatures pour qu’elle amplifie et relaie la critique de Valéry Giscard d’Estaing déjà portée par Jacques Chirac. A chaque élection, des pensées tordues modifient ainsi le tableau final des candidats.
Pour l’édition 2007, Olivier Besancenot est intraitable : s’il certifie ne pas confondre la droite et la gauche, il n’en dit pas moins qu’il faut que tous les candidats dits anticapitalistes s’engagent à ne pas gouverner et à ne pas soutenir l’éventuelle présidente socialiste, si elle triomphait dans les urnes.


On l’a entendu dès hier, il l’a redit clairement ce matin, José Bové, lui, appellera à voter Ségolène Royal pour le second tour de l’élection présidentielle, si elle se qualifie pour le scrutin du 6 mai. Les stratèges socialistes qui ne laissent pas passer ce genre d’infos, enfin on l’espère pour eux, pourraient donc voir d’un bon oeil le retrait d’Olivier Besancenot et la mise en orbite de José Bové.
A suivre très attentivement.

Deuxième percutée : Marie-George Buffet.
En 2002, le candidat du Parti communiste, Robert Hue, avait crevé le plancher : 3% plus quelques poussières. Il faut savoir que le Parti communiste vit sous tente à oxygène depuis vingt ans. Sans l’amabilité des socialistes qui font élire maires et députés communistes aux différentes élections, il y a longtemps qu’il aurait été rayé de la carte.
L’objectif de Marie-George Buffet au début de son aventure présidentielle n’était pas très ambitieux : faire mieux que Robert Hue. Avec la candidature Bové, cet objectif minimaliste risque bien de ne pas être atteint. Un jour, il n’y aura plus personne dans le très très moche immeuble de la place du Colonel-Fabien.
Pour être complet dans l’analyse, ceci n’est pas forcément une bonne nouvelle pour les socialistes. C’était un allié commode, le Parti communiste. Toujours virulent sur les estrades, toujours accommodant dans les couloirs. Quelques postes de ministres, et hop !, finis les désaccords idéologiques. Seulement, l’oxygène, ce n’est pas comme les impôts, un jour ça s’arrête.

José Bové candidat, c’est aussi une mauvaise nouvelle pour Dominique Voynet. Elle était heureuse d’avoir évité la météorite Hulot. Voilà que le paysan du Larzac lui tombe dessus. Pas de chance.
La seule qui continue son chemin, indifférente à tout, au mouvement de la planète comme à ceux, convulsifs, de la gauche de la gauche de la gauche, c’est Arlette Laguiller, repartie en 2007 comme en 1974, 1981, 1988, 1995 et 2002. Elle aura ses signatures, elle aura ses voix. Une fois l’élection passée, Lutte ouvrière reprendra son train-train que d’ailleurs personne ne connaît parce que le parti n’est pas vraiment transparent et en 2012, 2017, 2022, 2027, 2032, une autre candidate -Arlette ayant déjà annoncé que ce tour de piste serait son dernier - représentera Lutte ouvrière. Petit truc : j’ai arrêté le comptage à l’élection présidentielle de 2032 parce que moi-même je compte arrêter le 7 h 50 de RTL cette année-là.

J’ironise, j’ironise, mais quand même quel bazar dans cette gauche française. Le Parti socialiste a les maladies que l’on sait : éliminé dès le premier tour de 2002, explosé lors du référendum de 2005, contourné par Ségolène Royal lors de la primaire à l’automne dernier. La panne d’identité est visible de tous, ainsi que l’incertitude qui en résulte.
A côté de lui, ce grand parti relatif n’a plus que des poussières d’étoiles. Ecolos, communistes, altermondialistes, trotskystes, se disent tous antilibéraux et se sont tous retrouvés pour le non au référendum européen. Or, malgré ces éléments importants qui pourraient fonder une identité commune, les voici que se divisent à l’infini, chaque courant et sous-courant voulant présenter son candidat à la grande élection.
En fait, l’état d’impréparation et de divisions de la gauche française est impressionnant. On se demande, si la candidate socialiste gagne l’élection présidentielle, avec qui, sur quelle ligne elle pourra gouverner.

Ecrire cela vaut-il soutien à la candidature de Nicolas Sarkozy ? Oui, répondra JFK qui verra dans ces lignes la confirmation de la brillante enquête qu’il a menée, naguère, auprès de deux ou trois journalistes de sa rédaction. En réalité, non. Les problèmes de la droite dans cette élection sont d’une nature différente et, pour ce que l’on en voit aujourd’hui, moins handicapants pour elle.
Il y a d’abord la persistance d’un Front national à un haut niveau. Voilà vingt ans que la droite française vit avec. La porosité des débuts a disparu. L’étanchéité est désormais à peu près totale. Par sa manière d’être, le volontarisme, le verbe haut, Nicolas Sarkozy a pu exercer suffisamment de séduction pour qu’une part significative de l’électorat FN se reporte sur lui au cas où Jean-Marie Le Pen ne serait pas au second tour.
Les électeurs de François Bayrou peuvent bien être emportés par la fougue de leur candidat. Un second tour Ségo-Sarko verra, là encore, nombre des électeurs UDF revenir dans le giron d’une droite qui est leur camp depuis toujours.
Restent les chiraquiens, Jean-Louis Debré avec une escopette, Dominique de Villepin et sa fronde, Jacques Chirac et son sonotone. Personnellement, je ne les trouve pas très menaçants pour le candidat Sarkozy. Attendons quand même de voir.

Voilà, ce vendredi matin, la scène politique telle qu’on peut la décrire hâtivement. Heureusement, il ne faut jamais désespérer de la politique. Vous partez en week-end, et vous revenez le lundi, le chantier est tourneboulé. Je ne sais pas moi, imaginez que le voleur du scooter de qui vous savez, solidement identifié grâce à un test ADN chèrement payé, se révèle être le fils du neveu de la nièce de l’oncle du cousin du président sortant. Le scandale, et voilà N. Sarkozy, dix point de moins dans les sondages, battu à plate couture au second tour.


Lire l'article complet, et les commentaires