Analyse stratégique, mode business, de l’élection présidentielle 2007

par o
mercredi 15 novembre 2006

L’article se décline en trois parties : le marché, les stratégies génériques et le positionnement des acteurs.

A) Le marché : la France.

Difficile, même avec les bons chiffres, de comprendre ce marché. Reprenons les analyses de nos présidents récents, qui ont la preuve d’une compréhension réussie dans leur temps étant donné leur succès :
- un pays de classe moyenne importante, deux français sur trois de Giscard des années soixante-dix.
- un pays qui voulait changer avec "la force tranquille" de Mitterrand des années 1980
- et un pays en "rupture sociale" en 1995 avec Chirac (analyse d’Emmanuel Todd), avec l’émergence d’ "exclus", et de ceux qui se sentent exclus d’une société qu’ils ne comprennent plus.

Depuis ? La classe moyenne est toujours là, mais amoindrie car la "rupture sociale" s’est aggravée. En 2005, plus de la moitié de la population a voté non au référendum, au mépris de l’appel de l’ensemble des partis de gouvernement (à l’exception notoire de Fabius).



B) L’offre s’organise autour de trois stratégies « génériques » .

a) Les stratégies populistes. Stratégie simple, fédérer sur des solutions apparemment aussi faciles qu’inopérantes les exclus, en trouvant des boucs émissaires responsables de leur exclusion, réelle ou ressentie ; hier, chômage = immigration, aujourd’hui, insécurité = racaille. Et en décrédibilisant au passage les politiques en place.

b) Les solutions de type communiste, stratégie ancienne, réunir les « exploités », salariés et chômeurs, en leur promettant une plus grosse part de gâteau. Tactique du mieux offrant, du coup de pouce au Smic, à la révolution des travailleuses et des travailleurs. Ça ne marche plus fort : Mitterrand est passé par là, la fin du mur... mais le potentiel reste important, du salarié momentanément exploité à l’exclu de longue durée.

c) Les modèles sociaux-démocrates. Stratégie de « changement dans la continuité », offre de solutions économiquement pertinentes et socialement acceptable. Tactique : apporter les meilleures idées possibles pour séduire les Français moyens. Mais la mise en œuvre de cette stratégie est difficile : exposer des idées intelligentes dans des émissions grand public n’est pas une chose facile. De plus, la plupart des politiques optent pour cette stratégie, car c’est la seule « gouvernable ». Alors, la nature humaine est faible, ils utilisent parfois les coups sous la ceinture pour se départager. Résultat, un double effet désastreux d’enrichissement des deux stratégies, populiste et union de la gauche, en adoptant leurs outils de « petites phrases », et destruction de la machine à idées que la confrontation saine fait naître. Le clivage droite-gauche dans cette stratégie n’est pas pertinent, en effet, suivant la situation, la meilleure idée pourra être d’aspiration plutôt sociale, comme le plan de Borloo, ou de renforcement de la compétitivité, comme les efforts de DSK en 1998 pour réformer le Ministère des finances. Ce qui prime, c’est la bonne idée et la bonne méthode pour la mettre en œuvre.

Comment se positionnent les partis politiques face à ces stratégies ?

1) Les partis extrêmes font leur miel du développement de l’exclusion :
- A l’extrême droite, le Front national, stratégie populiste, cela fait vingt-cinq ans que le parti grossit. Facile, l’objectif n’est pas de gouverner, mais de casser. Et même s’il arrive au pouvoir, de toute façon, c’est pour casser, donc pas besoin de réfléchir.
- A l’extrême gauche, sur les stratégies communistes, Arlette Laguiller et Olivier Besancenot n’ont que leur passation de pouvoir à gérer, sur une population grandissante.

2) Le PS et l’UMP sont tiraillés entre les différentes stratégies : rester sur la stratégie social-démocrate ou tenter une stratégie populiste ou communiste. Pour le PS , entre l’union de la gauche (Fabius), la social-démocratie (Strauss-Kahn) et le populisme « bon ton » de Royal. Pour l’UMP, entre populiste (Sarkozy) / social-démocrate (de Villepin). Il ne s’agit pas de conflit d’hommes mais bien de divergences stratégiques profondes : va-t-on se battre au centre avec la social-démocratie, ou sur les deux autres stratégies pour tenter de rallier plus largement ?

Comment les choses peuvent-elles tourner pour eux ? Pour l’UMP, le chef Sarkozy veut mener la bataille sur une stratégie populiste. Peine perdue, pensent une bonne partie des parlementaires de droite, qui font remarquer que les stratégies du populisme « light » ne fonctionnent pas, de Villiers et Pasqua en sont la preuve. Pourquoi, en effet, un électeur de Le pen, qui ne veut que crier son désespoir et/ou sa haine, irait-il voter pour un membre du gouvernement ? La scission est profonde et irrémédiable : Sarkozy « tient » l’appareil UMP et les sociaux-démocrates « de droite » ne le suivront pas. Les voix de l’UMP seront éparpillées s’il y a deux candidats, Sarkozy et un autre, Chirac ou un de ses lieutenants, mais aussi si Sarkozy se présente seul, car les voix des sociaux-démocrates de droite iront vers le candidat le plus social-démocrate.

Pour le PS, le processus « démocratique » de désignation du candidat ne résout pas la question stratégique. Si les candidats Royal ou Strauss-Kahn sont investis, alors les électeurs de gauche « communisante » ne voteront pas plus pour eux qu’ils n’ont voté oui au dernier référendum. Fabius le sait, comme les autres petits partis de gauche, comme Chevènement ou autre, qui s’engouffreront devant l’opportunité, si Fabius ne le fait pas.

3) L’UDF a une stratégie social-démocrate claire : ni gauche, ni droite, et la vie pas facile : comment faire entendre la voix de la social-démocratie, si le débat s’organise entre les deux « grands » partis ? Mais le très proche avenir pourrait lui ouvrir un boulevard, s’il réussit à convaincre les électeurs sociaux-démocrates français de tous les partis. Et si l’UDF réussit à se structurer pour y répondre.

Les scénarios possibles de rencontre entre l’offre et la demande : prochain épisode.


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