Après l’A-Démocratie ? Rassurer Emmanuel Todd

par eric
mardi 6 janvier 2009

 «  La Démocratie en péril  » titre Paul Villach dans un article récent. « Emmanuel Todd le pense et il n’est pas le seul ». Qui sont ces « effrayés », pourquoi le sont ils ? Est il possible de les rassurer ? Que nous révèlent ses derniers ouvrages sur lui et ceux qui partagent ses inquiétudes.


Emmanuel Todd ? Un grand chercheur !

Anthropologue ? Démographe ? Economiste ? Politologue ? Ses amis politiques et collègues, traitent Emmanuel Todd dans son dos de bibliothécaire de l’Ined (Institut d’étude démographique, ce qu’il est en effet.

Lui préfère se qualifier de grand chercheur. Et il a raison.

Ses thèses sont toujours extrêmement stimulantes et souvent prédictives.

La chute finale, son livre sur l’URSS,basé sur des variations d’indicateurs démographiques, reste la meilleure explication des évolutions du système socialiste soviétique et du féodalisme oligarchique nationaliste en lequel celui-ci s’est recyclé après sa « chute finale ».

 Sa typologie des modèles familiaux, leurs valeurs, et les choix politiques tendanciels qu’ils déterminent donnent des explications à des phénomènes qui restaient mystérieux. Corrélation historique des votes socialistes et monarchistes. Vote communiste majoritairement chez des ruraux « anomiques ». Absence de travailleurs parmi les dirigeants, voir les militants des partis de gauche. Bretons qui cessent d’être catholiques et se prennent pour des celtes en votant Ségolène.

Ses corrélations entre dates, causes et conséquences de l’alphabétisation tombent souvent juste. L’alphabétisation de 50% des hommes jeunes crée des révolutions. La généralisation de l’enseignement primaire secondaire, le développement de sentiments égalitaires. Le passage de 30 % de la population à l’enseignement supérieur de l’élitisme.. La baisse du sentiment d’égalité, entraînerait la hausse des inégalités matérielles, conséquence et non cause.

Sa pensée constitue peut être la seule réelle tentative réussie d’actualiser les idéologies de gauche depuis Marx. Il réintroduit un rôle clef de « superstructures idéologiques » dans les déterminismes sociaux. Mais tout cela reste raisonnablement « marxien » puisque les déterminismes collectifs demeurent au moins aussi importants que la liberté individuelle.

 Quand il part de l’observation et en déroule les conséquences avec la distance du chercheur, Todd est, certainement, un grand chercheur.

Mais dans ses trois derniers ouvrages, il devient moins chercheur et plus« trouveur ».

Sur l’Amérique il est peut être moins convainquant que d’habitude. Déclin ? Rôle déstabilisateur face à une Russie désormais plus « adulte » ?

Sur l’enseignement supérieur et l’inégalité, il reste allusif. Pourquoi ? Pourquoi arriver au bac rendrait-il égalitaire et à bac plus 3 ou 4 inégalitaire ? On ne le saura pas. Et puis, de qui parle-t-on ?

Surtout, sur la base de ses modèles, il avait prédit et daté, la chute de l’URSS, l’échec du oui au referendum de Maastricht, et.... l’inéluctable échec de Sarkozy notamment du fait de la difficulté d’un report des voix FN.....

Son dernier ouvrage constitue une tentative de compréhension de son erreur.


Emmanuel Todd un grand trouveur ?

Il semble de plus en plus partir d’une intuition qu’il démontre avec aisance et brio en ignorant ce qui pourrait contredire sa thèse. De plus en plus souvent, il contredit dans ses conclusions les résultats de ses propres analyses

Dans trois livres récents, on voit s’accroître la part de résultats à priori qu’il cherche à démontrer, de commentaires auto élogieux, de règlements de compte et de leçons de morale au détriment de la recherche.


Sur la santé mentale, il « trouve » de plus en plus

Ainsi dans « l’illusion » il s’interroge sur la santé mentale d’un chef d’entreprise qui a un milliard et cherche à en gagner un second, pas sur celle d’un peintre qui à produit un chef d’œuvre et continue à peindre ou d’un chercheur qui à déjà écrit de nombreux livres remarquables et continue à écrire.

Dans « Après l’empire », il est forcé de constater l’extrême médiocrité de l’ensemble des élites américaines.

Dans « Après la démocratie », Il passe beaucoup de temps, au début, à répéter que Sarkozy est nul, et surtout « fou et méchant » - un des oxymores de la gauche moderne pour qualifier ses adversaires - en une sorte de règlement de compte très personnel, avant de conclure que ce n’est pas le plus important. Sarkozy serait le reflet du pays.

Todd trouve de plus en plus de nuls, fous et méchants autour de lui.


En matière de « recherche » en revanche, on constate une sorte d’affaissement qualitatif.

Sur l’Amérique il ne va pas chercher bien loin.

Armand Lafférère dans « l’Amérique est elle un danger pour le monde » a fait justice de ses nombreuses approximations. Ainsi, Todd invente un nouveau concept en sciences sociales, le « mécanisme mystérieux ». Les rapaces élites ultralibérales mondialisées, accumuleraient à force de travail, une épargne qu’elles iraient régulièrement et volontairement détruire aux Etats-Unis....

Mais sa thèse qui plaît en ce moment, c’est le déclin. Enfin ! « Ils » se cassent la figure comme une vulgaire Urss. La preuve ? Une baisse du niveau éducatif moyen !

Pourquoi pas ? Cependant, dans sa démonstration, il ne semble pas qu’il fasse mention d’un facteur clef et pourtant démographique. Les Etats-Unis sont le premier pays d’immigration au monde. En 2008 pratiquement un enfant sur deux de moins de 5 ans appartient à une « minorité ». Les seuls mexicains représentent 16% des naissances en 2003. Imaginons le système scolaire français confronté à un tel afflux d’enfant dont les parents n’auraient pas le français comme langue maternelle, un niveau scolaire moyen à priori inférieur à celui du pays d’accueil ou de lourds handicaps sociaux..

Mais, depuis peu, une politique sélective fait que les migrants récents sont, en moyenne, plus diplômés que la population locale ! Il n’est pas impossible que les migrations puissent expliquer à elles seules, une légère baisse de niveau depuis 20 ans et expliquent dans les 20 ans qui viennent au contraire une nette hausse...On ne doute pas que notre « trouveur » saura l’expliquer


Sur le front national et le peuple il n’a toujours pas compris qu’ils ont moins voté pour Sarkozy que contre les gens comme lui. Est-ce le peuple qui ne comprend pas Todd ou Todd qui ne comprend pas le peuple ?

Dans un de ses premiers livres, juste après les premiers bons résultats du FN, force arguments « scientifiques » à l’appui , il concluait au caractère absolument éphémère du phénomène. 20 ans après, et les Présidentielles 2002, c’est avec le même brio et les mêmes types d’argument qu’il explique pourquoi cela a duré.

Dans son système, l’électorat frontiste important, caractérise des zones anthropologiquement attachées à la liberté et à l’égalité. Un vote donc éminemment républicain.. Comme un électeur sur trois du FN vient de l’abstention, il devrait « se réjouir en son cœur » de cette montée en puissance démocratique, participative et républicaine. Il finit par conclure comme tant d’autre que tout cela sent mauvais. Le bon peuple serait trompé. Premier indice qu’il ne le tient pas en grande estime, alors même qu’il est touché par l’alphabétisation égalisante, selon lui, l’éducation secondaire.

Mais il va plus loin. Quand ce « peuple » vote Le Pen, il est trompé par un dirigeant pourtant médiocre. Quand il vote contre Maastricht, il est plus lucide que ses élites les plus brillantes.....

Cela tendrait à laisser penser que le peuple est intelligent quand il pense comme Todd.


Quel est ce « peuple » qui a trompé les attentes anti sarkozienne de Todd ?

Vers un nouveau concept sociologique pour segmenter le peuple et les « lettrés » : fais ce que je dis, pas ce que je fais, ou fait ce que je fais, pas ce que je dis !?

Qui épouse qui ?

Todd voit très bien que les émigrés notamment maghrébins, s’intègrent extrêmement vite, par mariage. Les beurs du 93 seraient plus exogamiques que les juifs New Yorkais. La rapidité de cette intégration était, dans ses thèses précédentes, une des origines du traumatisme et des malaises sociaux dont il attribue désormais la parenté à Sarkozy.

On était dans l’anthropologie, on tombe dans la recherche d’un bouc émissaire.....

Comme en première approximation scientifique, on peut dire que l’on épouse des gens que l’on connaît, il y fort à parier que les artisans de cette exogamie, côtés autochtones sont ceux qui cohabitent avec des migrants.

En caricaturant, l’électorat naturel du FN participe sans doute très largement à une intégration de l’immigration « par le lit ».

Il ne se demande pas pourquoi ces anti racistes concrets, adoptent en apparence des discours essentiellement antinomiques de ceux des antiracistes de salon qui leur donnent des leçon de morale sur les joies de la cohabitation dans la multicuturalité. On lui conseillera le film, « la crise, de Coline Sereault »

Au contraire l’intelligentsia à statut favorable au multiculturalisme, semble marquée par une étroite endogamie, voir les couples enseignants par exemple. Une chercheuse de gauche vient même de publier une recherche sur la difficulté spécifique des gens de gauche à épouser des compatriotes qui n’ont pas les mêmes idées politiques...Quand on sait que le refus de l’inter mariage est la pierre de touche du vrai racisme...

Qui va dans quelle école ?

Todd voit sans doute qu’une des principales revendications des électeurs FN est un accès facilité à l’enseignement privé. Pas que cela constitue une remise en cause des modèles socio culturels de la population des lettrés de gauche. Pourtant c’est bien eux qui à coup de carte scolaire étaient parvenus à exclure leurs enfants d’un accès à l’égalité des chances au nom d’une « mixité sociale « pour les autres ». Rappelons que 40% des enfants d’enseignants échappaient à la carte scolaire en région parisienne.

Au Etats Unis aussi, les fermiers du middle west protestants évangéliques, spécialistes de la génétique bovine, font mine d’adhérer à un créationnisme qui a surtout pour mérite d’irriter les intellectuels de gauche qui leur donnent des leçons

Les nouvelles formes d’engagement politique semblent présenter deux caractéristiques. Elles touchent des « moins favorisés », des moins diplômés. Elles prennent l’exact contre-pied jusqu’à l’absurde des idées défendues par ceux qui souvent se reconnaissent dans les conclusions de Todd.

Mais en pratique, elles font le contraire de ce qu’elles disent, là ou les élites de gauche semblent souvent dirent le contraire de ce qu’elles font.


Pourquoi ? Pourquoi pour reprendre le titre du livre de Thomas Frank les pauvres votent ils alors à droite ? Pourquoi l’électorat frontiste a-t-il choisit Sarkozy au grand étonnement de Todd ? Et surtout, pourquoi cela a-t-il étonné Todd ?

Le fond de sa réponse consiste on l’a vu à dire qu’ils sont aussi nuls, fous et méchants que leur président.

Pourtant, candidat « judéo étranger, bling bling vulgaire », sans parler du fait qu’il est , nul, fou et méchant, et qu’il représentait les sortant, il n’avait rien pour séduire, non seulement les frontistes, mais surtout l’électorat de droite traditionnel.

Entre les 19% de Chirac au premier tour en 2002 et les 37% de l’ensemble de la gauche au premier tour en 2006, il devrait lui apparaître clairement que le « populo » à moins voté pour la droite ou Sarkozy que contre la gauche traditionnelle.

Pourquoi Todd a-t-il génialement prévu la fin de l’Urss, mais pas que le « prolo » français allait donner une grande claque à Jospin puis à Ségolène, candidats de la gauche fonctionnarisée à statut ?

Il traite la question en la niant. Les cadres du privé seraient désormais, il le signale, au même risque que leurs employés face à la mondialisation, au chômage, mais, de façon pour le coup très peu marxiste, se sentiraient « culturellement » plus solidaires des cadres A de la fonction publique. Les employés du privé seraient mariés à ceux du public créant une solidarité organique. Peut-être. Reste les plus modestes. L’hypothèse d’un bac moins quatre FN marié à une bac plus trois instit. alter mondialiste ne peut être exclue. Mais si il y a des poissons volants, ce n’est pas la majorité de l’espèce surtout compte tenu de ce que l’on a vu plus haut sur l’intermariage.

La bac plus trois qui n’est jamais sortie de l’école, peut croire qu’un postier est un « travailleur ». Le vrai travailleur qui a au moins BEPC plus quelque chose comprend lui, de qui se moquent les Deschiens et qui s’en moque pour reprendre un exemple du « trouveur ».

Oui, l’électorat FN a moins voté pour NS que contre. Contre ceux qui sont sociologiquement, culturellement proches de Todd. ?


Sur les gens dont Todd est représentatif et la diminution du « désir d’égalité ».

Dans ses trois derniers ouvrages il semble, comme tous les marxistes, néo marxistes et autres marxiens, passer complètement à côté d’un facteur clef d’explication des mécanismes sociaux. Les convictions, moeurs et comportements des gens comme lui. De SA classe sociale. Certes, l’élite de l’intelligentsia universitaire, médiatique, etc.. de gauche ne pèse démographiquement pas lourd, mais qui niera son poids dans le domaine des idées ?

Mais de qui parle-t-on ?

Sur les classes sociales porteuses d’un nouvel inégalitarisme.

Ce qu’il ne fait qu’effleurer, c’est qu’en réalité le phénomène de tentation in-égalitariste touche essentiellement les gens comme lui. Dans le livre sur l’Amérique, à titre d’indice, il signale que beaucoup d’ouvrages universitaires ou journalistiques remettent en cause l’égalité sur le fond avant même qu’elle ne le soit dans les faits.

 Mais les auteurs, universitaires et journalistes, en Amérique comme en France sont majoritairement des « liberals » au sens américain, c’est à dire culturellement, des gens de gauche au sens français. En France, depuis 30 ans, le plus grand nombre de postes de cadres diplômés, ceux qui renonceraient en ce moment à l’égalité, a été crée dans la fonction publique. Des gens comme lui.

Cela ne veut pas dire que les chefs d’entreprise, ou les gens de droite en Amérique ou en France en pensent nécessairement autant. La preuve, quand les universitaires défendaient l’égalité à tout crin, on ne sache pas qu’ils leur aient emboîté le pas en pensée ou en action et on ne voit pas ce qui les auraient rendus plus influençables.

 L’inverse en revanche est peut être vrai. Si on retient l’hypothèse d’école que les affreux capitalistes sont naturellement « fous et méchants » et anti égalitaires par nature, la nouveauté serait au contraire que les « bons » intellectuels adhèreraient désormais à leurs idées.

 Que les enseignants socialistes français fuient les établissements de banlieue et les élèves à difficultés dans le même temps où ils développent le concept « d’égalitarisme élitiste », semble étrangement bien illustrer ces thèses. Que les inégalités hommes femmes à statut sociologique égal aient remplacé assez largement les inégalités entre classes sur les sites Internet de gauche également.

Une certaine intelligentsia de gauche française, à peut être incomplètement formalisé intellectuellement son in-égalitarisme par ce qu’elle est comme toujours, comme en 68, à la traîne de l’Amérique, mais elle irait dans le bon sens...

 Pour aller plus dans le détail, dans « l’illusion économique », il constate que les lettrés de la classe moyenne ont des discours de plus en plus méprisants sur le peuple. Ce ne sont pas les « élites bourgeoises », mais les journalistes, qui « voient des nains intellectuels partout », des illettrés. Todd parle des bac plus deux ou trois du centre parisien qui mépriseraient les prolétaires.

Vous ! Vous en connaissez combien des bac plus deux qui peuvent payer un loyer dans le quartier latin ? Non, c’est bien de ses pairs qu’il parle en réalité.


Quand les Enarques vinrent à manquer !

Todd lui-même offre paradoxalement une illustration du phénomène dont il a conscience et qu’il dénonce. Et là, on frôle la schizophrénie. Son principal jugement de valeur pour illustrer la médiocrité de l’actuel gouvernement est qu’il est composé de gens pas particulièrement diplômés ! Il y a très peu d’Enarques signale-t-il notamment ! Et Sarkozy ne fût pas un étudiant très brillant ! Que de non dits dans ces appréciations...

Sur de tels critères, Bush, qui est le plus diplômé des présidents américains devrait donc être une référence. Mais ici aussi ses conclusions sont en contradiction avec ses analyses....


Mais pourquoi ces catégories de moins en moins attachées à l’égalité, se sentant de plus en plus supérieures, donnent-elles l’impression de tellement souffrir d’inégalités ?

Il y a peut être un élément d’explication dans « La guerre des deux France » de Jacques Marseilles dans ce qu’il appelle la revanche des épiciers. Contrairement à ce que dit Todd, la hiérarchie des « gros salaires » correspondrait de moins en moins à celle des « grands diplômes ».

 C’est à se demander si le sentiment d’injustice dont souffrent les élites diplômées de gauche ne vient pas plus du fait que de non diplômés se soient enrichis plus qu’eux que d’une réelle augmentation de l’ensemble des inégalités dans la société.

D’ailleurs, les Strauss Kahniens, les plus compétents en économie, sont arrivés à la conclusion que l’on n’arrivait pas à mesurer, à objectiver, les fameuses hausses des inégalités de revenu en France. Pour rester dans la vulgate, ils ont conclu que cela signifiait qu’elles étaient devenues qualitatives !!!??? (Voir leur site à gauche en Europe).

« Epiciers » qui s’en sortent mieux ou fonctionnaires à statut qui tiennent le haut du pavé ? Deux modèles de société ?

Cela ne vous rappelle rien sur la carte du monde ?


Sur un éventuel parallélisme avec la Russie

 La remarquable étude de Todd sur l’évolution des élites bureaucratiques Brejnéviennes et de leur conscience de classe, ne le conduit nullement à conclure que les mêmes causes pouvant produire les mêmes effets sur les mêmes types de populations, la gauche arrivée française puisse connaître une tentation « oligarchico étatisto nationaliste, - éventuellement mystique en tant que de besoin-. Exaspérée par la montée des « épiciers » sous Eltsine, l’élite des moyens fonctionnaires soviétiques a finit par reprendre en main le système. Pour l’anecdote, signalons aussi qu’ils se sont mis à acheter des montres de luxe...

Ségolène Poutine même combat ?

 Une autre partie de l’intelligentsia de gauche est, elle, régulièrement à la traîne de la Russie. Elle n’a pas encore intégré complètement le renouveau nationaliste assortie d’orthodoxie néo chrétienne de façade comme succédané à la lutte de classe, mais le fleurissement de bleu blanc rouge et de références chrétiennes dans les meetings désir d’avenir est néanmoins prometteur. La nouvelle défense de la nation par Todd également. Sur tous les blogs, on peut voir une gauche de gauche qui s’enthousiasme pour un rapprochement avec la »démocratie » Russe contre le totalitarisme mou américain ! Pour les Chinovniks (fonctionnaires à statut russes) contre les épiciers (ultralibéraux mondialisés, américains) !


Sur la Russie stabilisante et le protectionnisme :

Todd va un peu dans ce sens

Le régime Poutinien, extrêmement étatiste, nationaliste, interventionniste en interne et à l’international, adepte d’un contrôle social fort et des vérités officielles lui semble être un facteur de stabilité régionale et internationale.

 On ne comprends pas bien pourquoi la cohabitation de la transition démographique albanaise face à la maturité démographique serbe fut un facteur de déstabilisation quand la régression russe confrontée au dynamisme tatar, tchétchène etc.... serait stabilisante, mais on voit bien que Poutine est ouvertement protectionniste.

 On n’entrera pas dans le détail de ses thèses sur les avantages et les inconvénients du libre échange et de ses degrés. Il en ressort que Todd sait mieux que l’ensemble des élites dégénérées et égoïstes d’occident ce qui est bon pour elles même et pour le pays.

 

On prendra acte que de la part d’un fonctionnaire, il y a là une incontestable forme de générosité. Il serait en effet touché par les conséquences de la mondialisation après les ouvriers et les chefs d’entreprise.

« Protégeons les comme nous sommes protégés » ? Malgré eux si il le faut ?

Pourquoi pas à nouveau, mais il semble y avoir aussi un parti pris.


Du bon et du mauvais protectionnisme

Compte tenu de la place du commerce extérieur dans l’économie, des importations et exportations, des personnes touchées par les délocalisations, il semble y avoir un problème quantitativement au moins aussi important dont il ne parle pas.

 On serait curieux de connaître sa position en matière de main d’œuvre importée ? La fonction publique étant un îlot de préférence nationale, est-ce que le « maintient du pouvoir d’achat du « peuple » face à la concurrence de la main d’oeuvre à bas prix » passe par l’élargissement au privé de la protection dont bénéficie le public en la matière ou au contraire par l’ouverture de la fonction publique aux étrangers pour faire baisser la pression sur le marché du travail peu qualifié privé ?

Le fait pour les émigrés d’être interdit de 33% du marché de l’emploi, sous la pression des syndicats, est il plus ou moins que les propos de Sarkozy à l’origine de leur malaise socio économique ? On pourrait poser la question autrement. Est il vraiment indispensable de détenir une licence d’histoire et d’avoir la nationalité française pour mettre une lettre dans une boîte de temps en temps et pour le reste assurer les RP d’un parti ? Que peut penser l’ouvrier auquel un fonctionnaire explique qu’il a un devoir d’accueil de l’étranger ? Sans doute la même chose que ce qu’il pense de l’enseignant qui lui explique les beauté de la carte scolaire et dont les enfants étudient ailleurs.

Ces questions sont directement liées au protectionnisme. Si on cesse d’acheter aux « pauvres » ce qu’ils produisent chez eux, leur tentation de travailler « chez nous » devrait se renforcer. Si le but est réellement de sauver le pouvoir d’achat de « nos pauvres » qu’est ce que l’on fait ?

Les perspectives tracées par Todd, même quand il ne les pousse pas jusqu’à leurs ultimes conséquences, semblent bien aller dans le sens d’un rapprochement d’avec les thèses du FN ! Mais sans cesser de traiter implicitement ses électeurs de demeurés.


La fin de la démocratie ou la fin de l’A-démocratie ?

Quand on entre dans le détail des inquiétudes de gauche en matière de démocratie, que découvre-t-on ? Les publics concernés considèrent comme une menace pour la démocratie, tous ce qui est en réalité une reprise en main de l’appareil d’Etat par le politique au nom du peuple.

Un exemple dans le secteur de Todd.



Les chercheurs de l’Ined, Institut national d’étude démographique, se veulent très indépendants de tout pouvoir. Ils ont toujours refusé de réaliser des recherches tenant comptes des origines des gens au nom de leurs convictions antiracistes.



Mais pour l’état, si on considère qu’il existe des problèmes sociaux spécifiques à certaines populations migrantes, il est indispensable de quantifier le phénomène pour pouvoir prendre les mesures nécessaires, et les chiffrer.

Peu leur importe, leurs convictions sont plus importantes. Si leur Ministre leur demande des chiffres, ils entrent en « résistance ».



On peut généraliser cet exemple



 Cela est vrai dans tous les bastions des intelligents de gauche. Les élus, ne doivent pas se prononcer en matière d’école, de culture, de TV etc...Pas assez objectifs ! Pas assez compétents ! Pas assez diplômés ?

En revanche, l’état doit financer et de préférence à guichets ouverts les « compétents ».
Pas étonnant que Ségolène soit parvenue à les mobiliser sur un slogan : Moi ! Politique ! Je ne vais rien faire ou décider ! Je vais vous demander, à vous, les « forces vives », ce que vous voulez !

Elle appelle cela la participation.

On devine qu’il y aura des conditions de diplômes et de compétences, et on n’est pas sur qu’un militant UMP, ou un frontiste même diplômés, pourront être réellement admis à participer.



 On voit aussi au passage, que le fait d’être « à gauche » ne sauve pas les élus du peuple car Todd a sensiblement la même estime pour Ségolène que pour Sarkozy.....


En définitive, tous ce qui lui semble être une sortie de la démocratie, est peut être bien en réalité une sortie de l’A-démocratie.



C’est le « système français » ou une oligarchie des idées, forte de ses bastions dans l’appareil d’état, imposait ses choix idéologique au mépris des élections.

 La dépense publique finance en France 33% des emplois avec 52% du PIB. Les frais de fonctionnement (salaires des fonctionnaires) croissent pendant que l’investissement diminue. Le système de redistribution le plus coûteux de l’OCDE, 1 euro de coût pour 1 euro redistribué, se traduit à dire d’expert par un grand brassage d’argent au sein de la classe moyenne qui bénéficie surtout à ceux qui en ont le moins besoin.


Compte tenu des mariages, des pesanteurs familiales, des exceptions et des 70% de fonctionnaires qui voteraient à gauche, on serait tenté de se dire :


Qu’avec 37 % des voix au premier tour des présidentielles, la gauche se rapproche dangereusement de son cœur sociologique et qu’elle est devenu un parti de classe.

Que si Todd a raison, ils sont de plus en plus condescendant avec le reste de la population et que celle-ci le sait.


Qu’il n’est pas très étonnant que ces populations sociologiquement de gauche ressentent comme un « danger démocratique » un gouvernement qui leur dit qu’on ne financera plus sans contrôle des élus.


Qu’il est plus étonnant qu’ils s’étonnent que l’électorat populaire frontiste ait choisi NS dont le Programme consiste à dire que vu ce qu’il nous coûte, on va essayer de remettre l’état au service de l’ensemble des citoyens



 Vrai peur d’une sortie de la démocratie ou peur de la vraie démocratie ?


Dans sa vraie peur d’une sortie de la démocratie telle qu’elle la conçoit- le bon peuple nous écoute et paye-, nous nous occupons du reste, il faut reconnaître une peur de la vraie démocratie.


La démocratie, ne réside pas en effet dans 2% en plus ou en moins de PIB en impôts et services publics, ni même dans l’association des agents en charge à leur gestion, mais dans le fait que ce soit le peuple à travers le politique qui en décide.

Depuis au moins 30 ans, il y a eu des majorités pour un peu plus ou un peu moins d’Etat. Mais jamais le politique, quand il était élu pour diminuer la ponction fiscale ou réformer l’Etat, n’est parvenu à l’imposer à ses « employés ». Ils « résistent ». D’ailleurs, que d’appel à la résistance n’entend on pas en ce moment !



Ici, clairement, il y a un vrai déni de démocratie.


Nous sortons d’une période ou l’on pouvait voter pour un programme de nationalisation d’entreprises privées, même sans prévoir de demander l’avis « participatif » des employés, mais ou on ne pouvait voter pour un programme de réforme d’une administration avec l’espoir qu’il soit vraiment mis en œuvre, même et surtout en demandant l’avis de ses salariés.



 D’un point de vue strictement marxiste, le fait que Todd, et beaucoup d’autres qui, comme lui disent leur peur que le politique leur demande des comptes, soient justement, majoritairement, des employés du secteur public, se comprend parfaitement.

 On parle de leurs revenus, de leurs intérêts. Cela ne signifie pas que la démocratie soit menacée. Mais on comprend bien leur intérêt objectif à prétendre le contraire.



Ce n’est pas nouveau, ils nous ont déjà fait le coup.

Quand de Gaulle est revenu au pouvoir avec le dessein de remettre l’état au service du pays au lieu de le laisser s’hypertrophier en roue libre, certains ont parlé de coup d’état permanent.

En définitive, en caricaturant au maximum, on pourrait résumer les choses de la façon suivante.


Emmanuel Todd, comme beaucoup d’autres moins brillants, est employé et salarié par l’état dans un institut qui a vocation à produire des statistiques démographiques, notamment pour aider celui-ci à mettre en oeuvre les politiques publiques.



Résultat ? Il écrit beaucoup de livres souvent passionnant mais qui de plus en plus expliquent que le peuple et les élus ne sont pas au niveau. On n’a pas connaissance du fait qu’il reverserait ses droits d’auteur aux contribuables.



 Dans le même temps, l’Ined produit des évaluations statistiques dans lesquelles il a pu compter l’ensemble des pieds noirs et arméniens comme musulmans. Le critère choisi à l’époque pour évaluer leur nombre en France était en effet d’avoir au moins un parent né dans un pays ou l’islam est considéré comme dominant…..


Plus modestement sans doute, Villach a passé 34 ans au service d’un système scolaire qui a de plus en plus exclu les enfants d’ouvriers au profit des enfants d’enseignants (50% des X) avec un doublement des moyens en monnaie constante par enfant, mais il a, lui aussi, trouvé le temps d’écrire quelques livres et de présider quelques associations et de protester contre la montée des inégalités.



 On comprend que les idées de mettre en œuvre des politiques d’évaluation de la fonction publique, de la rémunérer au mérite et de la réformer paraissent extrêmement agressives à des Todd et Villach.


Mais qu’ils se rassurent ! Elles sont parfaitement démocratiques.


Les services publics sont le patrimoine des moins favorisés. Ils coûtent de plus en plus cher avec des personnels de plus en plus nombreux. Et quant aux services qu’ils rendent, la gauche elle-même confirme leur dégradation continue « faute de moyens et personnels ».


L’électorat populaire a donc voté pour une réforme qualitative de l’Etat d’une part et contre ceux de ses agents qui pensent que la détention d’un diplôme est une condition d’exercice de la démocratie d’autre part.


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