Après l’émission politique avec Mélenchon

par Laurent Herblay
mercredi 10 janvier 2018

La participation du leader de la France Insoumise à l’Emission Politique du 30 novembre a, comme souvent, fait des étincelles. Mais derrière les vifs échanges de l’émission, que penser de sa prestation, en prenant un mois de recul, sachant que, paradoxalement, il pourrait représenter, même pour des gaullistes, la meilleure figure d’opposition à la politique oligo-libérale de Macron ?

 

Trop de colères et pas assez de dialogue
 
Début 2017, bien que gaulliste, et totalement opposé à la proposition d’une Sixième République, je m’étais sérieusement demandé s’il ne fallait pas voter Mélenchon. Après avoir lu son programme et l’avoir écouté lors de l’Emission Politique d’alors, je n’avais pas été convaincu. Il y a un mois, le script de l’émission, défendant la globalisation oligo-libérale, et le biais bien plus marqué que celui des récentes émissions auxquelles ont participé Edouard Philippe et Emmanuel Macron, lui créaient un contexte favorable. Je devrais pencher sans hésiter du côté du leader de la France Insoumise après le visionnage de l’émission du 30 novembre, et la lecture de sa note de suite sur son blog
 
Bien sûr, le Premier ministre s’était vu « opposé » un Thierry Breton pas si opposé et Laurent Delahousse a battu des records de complaisance en interviewant Macron à l’Elysée. Mais, pour toutes les figures de l’opposition, le principe d’une telle émission est d’apporter la contradiction et en général, les participants se voient opposés de véritables contradicteurs. Le traitement réservé à Jean-Luc Mélenchon, s’il n’était pas le plus indulgent, n’était pas radicalement différent des autres opposants. Invoquer comme il le fait sur son blog le manque de temps pour répondre est effarant sachant que l’émission a duré plus de deux heures et qu’il n’a souvent pas hésité à prendre du temps pour répondre.
 
Mélenchon a su être bon à certains moments : face à la chef d’entreprise, il a été assez pédagogue, calme et posé, et face à un Castaner ultra-caricatural il s’est mis en valeur par sa calme densité intellectuelle. Mais l’impression globale reste très mitigée pour moi. Pourquoi tant de patience et de pédagogie pour les uns, et tant de fureur et de refus du dialogue pour les autres ? On en vient à se demander s’il accepte véritablement la contradiction, tant il peut se montrer fermé et agressif dans certaines circonstances. Les questions de Lenglet sur les hausses d’impôt ou sur le financement de la dette publique étaient légitimes et Mélenchon n’y répondait guère, son manque de choix sur l’euro ne l’aidant pas.
 
L’échange avec Philippe Val ne lui a pas réussi. L’ancien patron de Charlie Hebdo lui a posé des questions légitimes, de manière posée et particulièrement humble. Il s’est attiré des saillies effarantes. Quand Mélenchon a évoqué une « laïcité instrumentalisée pour faire la guerre aux musulmans  », Val a eu raison de lui demander quels sont les faits qui permettent de dire cela. Renvoyer à Valls, malgré ses excès, est tout de même abusif. Même s’il n’est pas illégitime de s’interroger sur la place accordée aux polémiques sur Danièle Obono, il est aussi légitime de l’interroger sur certaines de ses prises de position et malheureusement, il entretient le procès de complaisance avec l’islamisme.
 
Sur le Vénézuela, s’il y a de la mauvaise foi de la part de ses opposants, son refus de toute critique peut faire penser à un aveuglement inquiétant à l’égard des limites économiques et démocratiques du régime au pouvoir. Sa connaissance du dossier devrait lui permettre un discours plus équilibré. En fait, il semble s’enfermer dans le piège de ses détracteurs en tenant une position sans nuance. Et son agressivité verbale à l’égard de la fille de Régis Debray empirait encore les choses, alors que s’il avait calmement accepté certaines limites du chavisme, alors le reste de son discours, sur ses aspects positifs, et le rôle délétère des Etats-Unis, auraient alors été beaucoup plus audible.
 
 
Au global, outre des désaccords de forme et de fond, notamment sur la République, et cet incompréhensible priorité exprimée aux dangers de la laïcité plutôt que ceux de l’islamisme, Mélenchon n’a même pas su être convaincant sur les sujets économiques, voir européens. Encore une fois, il a terriblement manqué de pédagogie, et s’est montré trop fermé à tout dialogue.

Lire l'article complet, et les commentaires