Après les élections européennes, partie 2 : l’opposition façon puzzle
par Laurent Herblay
samedi 8 juin 2019
Les élections européennes ont largement consacré le duel RN / LREM lourdement promu par Macron et sa majorité. Mais dans un tel contexte de course à la première place, leur score montre que ce duel se fait par défaut, et sans grand enthousiasme des électeurs. En revanche, s’il est un résultat clair, c’est l’échec patent de très nombreux partis d’opposition, qui ont fait un score très décevant.
Macron réduit son opposition au RN
Le mécanisme peut paraître habile, même s’il est clairement affiché : simplifier aux extrêmes le débat politique en un duel LREM / RN de manière à forcément jouer gagnant par défaut en 2022, le RN étant probablement le seul parti qui suscitera plus de rejet que LREM. Après avoir fait s’effondrer le PS, qui en est à se réjouir de stabiliser son score de 2017, le plus bas depuis 1969, Macron a réussi la même chose avec LR, tombé de 20% et 7,2 millions de voix en 2017 avec un mauvais candidat, à seulement 8,5% et à peine 1,9 millions de voix aux européennes. En outre, les centristes sont tombés à 2,5%, contre 10% en 2014, alors que l’UMP avait fait 20,8%, une perte globale de deux tiers !
La recomposition politique semble achevée : LREM a réussi à aspirer la majeure partie du PS, de l’UMP et des centristes, créant un quasi-vide autour de Macron. Ces trois partis, qui faisaient 44% des voix en 2014, n’en ont fait 17% en 2019. Il n’est pas inintéressant de noter qu’il y a de la déperdition en ligne, LREM ne récupérant pas toutes les voix perdues, démontrant une nouvelle fois que sa position n’est pas si solide. En revanche, cette élection pourrait être le chant du cygne pour les Républicains. Y-a-t-il encore un espace politique significatif entre LREM et un RN qui a adouci ses positions sur l’UE ? Macron tient des promesses que Sarkozy n’avait pas osé tenir. La différence est très ténue.
Macron a de manière prévisible asphyxié LR, et il est difficile de voir une issue à la nasse actuelle. La voie Wauquiez / Bellamy a échoué, poussant les modérés vers Macron et accentuant probablement la porosité avec un RN en opposition plus frontale, d’autant plus que l’aile modérée du parti semble bien Macron-compatible. L’issue la plus logique pourrait finalement être une prise de pouvoir des modérés et une alliance avec LREM… La France Insoumise s’est littéralement effondrée, passant des 19,6% et 7,06 millions de voix de 2017 à un maigre 6,3% et 1,4 million de voix, une sanction claire et lourde pour toutes les erreurs et les choix de Mélenchon, pourtant premier opposant il y a un an !
EELV pavoise avec 13%, mais cela est probablement à courte vue. Il ne faut pas oublier que les Français utilisent souvent les élections européennes pour manifester leur intérêt pour les questions écologiques, sans pour autant se mobiliser de la sorte pour les autres élections. Après tout, en 2014, ils avaient fait 9%, et restent sous les 16% réalisé en 2009, sans jamais émerger aux présidentielles. Debout la France connaît son premier coup d’arrêt, avec 3,5%, en recule par rapport à 2014 et 2017, échouant nettement à avoir des élus. L’espace politique entre LR et le RN est d’autant plus petit que l’alliance avec Marine Le Pen ouvre au risque de « vote utile ». La stratégie de 2017 est un échec.
Non seulement Macron a logiquement vampirisé et rendu moribonds les deux partis qui se partageaient le pouvoir avant, mais à part EELV, de manière probablement exceptionnelle, et le RN, à dessein, personne ne surnage. PS et LR sont en grave crise, pesant moins de 15% à deux. La France Insoumise a perdu deux tiers de son influence, et les souverainistes, allégés ou pleins, n’ont pas émergé.
Suite dans les prochain papiers…