Après les élections européennes, partie 3 : les motifs d’espoir
par Laurent Herblay
mardi 11 juin 2019
La répétition du malheureux second tour de l’élection présidentielle, Macron / Le Pen, n’a rien de réjouissant. En outre, même s’il espérait probablement arriver en tête, le scénario de ces élections convient au président, avec l’effondrement de deux de ces principaux rivaux, le laissant dans un duel commode avec le RN. Mais leNouvel Obs est probablement un peu trop optimiste pour Macron.
L’aboutissement de la recomposition : un point positif ?
Les chiffres sont assez frappants. Aux élections européennes de 2014, PS, centristes et UMP recevaient 44% des suffrages. Lors des élections présidentielles de 2017, les mêmes partis et Macron en accaparaient 50%, soit seulement 26% pour les partis historiques de gouvernement. Deux ans après, les anciens partis de gouvernement ne pèsent plus que 17%, une perte de 60% de leur influence en seulement cinq ans ! Mais ce qui est très intéressant avec ces élections européennes, c’est le fait que LREM n’a réuni que 22,4% des suffrages, ce qui signifie que les partis qui nous gouvernent depuis trop longtemps sont tombés sous les 40% des suffrages, même en incluant la liste Macron…
Cette élection marque donc un nouveau point bas pour les tenants les plus orthodoxes de la pensée unique dont les Français se détournent de plus en plus. Bien sûr, cela laisse encore de la marge pour Emmanuel Macron, mais il n’est pas certain qu’il puisse récupérer l’ensemble de ce potentiel électoral, qui a toujours pu se matérialiser sous différentes incarnations, pas exactement similaires, même si leurs orientations étaient finalement très proches. Bien sûr, on pourra argumenter qu’EELV ou le mouvement de Benoît Hamon font partie du premier cercle, mais ils restent en partie périphériques, et le décompte des 44% de 2014 ne prend pas en compte des mouvements idéologiquement proches.
Bien sûr, nous sommes pour l’instant coincés dans un duel entre l’incarnation chimiquement pure de la pensée unique et le parti de la famille Le Pen, dans un hoquet peu réjouissant de 2017. Mais beaucoup de faits montrent que ce duel est probablement par défaut. En effet, le RN recule par rapport à 2014 et LREM par rapport à 2017, malgré la dramatisation de la course à la première place, qui a probablement fait gagner quelques points à chacune des deux listes. Sans cela, les deux listes auraient probablement été proches de 20%. Les Français n’ont aucun désir d’un duel RN / LREM. Ce n’est pour l’instant qu’une alternative par défaut, qui ne suscite véritablement aucun enthousiasme.
Si les Français étaient heureux de trancher entre Macron et Le Pen, les deux listes auraient fait le vide et réalisé des scores proches de 30%. La configuration actuelle, profondément insatisfaisante, n’en est pas moins pleine de promesses commen choix par défaut. Le retranchement de Macron sur l’électorat le plus riche, extraordinairement visible à Paris, et la superficialité du RN en font des colosses aux pieds d’argile. Leur chance, c’est qu’aucune véritable alternance rassembleuse n’ait émergé. En un sens, l’effondrement de deux membres du quatuor de la présidentielle pourrait être une chance car le terrain est particulièrement vide, laissant plus de place à une nouvelle voie.
Bien sûr, la recomposition politique en cours depuis quelques années se fait au service du pire de la pensée unique. Mais elle a deux conséquences utiles : d’abord, une clarification du paysage politique, les faux clivages disparaissant, ensuite, en faisant le vide tout en produisant beaucoup d’insatisfaction, elle laisse un terrain largement ouvert, le jour où la bonne force apparaîtra.