Après les Kanaks et les noirs, Dieudonné défend le Breton de Saint-Cloud
par LM
mercredi 15 novembre 2006
Nouvelle provocation people de l’ancien partenaire d’Elie Semoun. Dieudonné était chez Jean-Marie, le week-end dernier au Bourget, pour « dédiaboliser » le borgne frontiste. Et ce n’est qu’un début.
« Je n’ai pas les moyens d’obtenir les cinq cents signatures. Je vais me déplacer pour aller voir tous les mouvements politiques, les grands rassemblements. Nous ne sommes pas des moutons, on n’a pas à nous dire ce qui est bien et ce qui est mal. » Dieudonné ne fait pas dans la demi-mesure. Pas son genre. Depuis qu’il a laissé tomber le one man show qui se vend chez Ruquier, en DVD et en DVD collector, il a pris l’habitude de dire ce qu’il pense, quoi qu’il pense. Ca lui a rapporté « gros », comme dans « gros ennuis », avec même quelques représentations annulées. Mais peu lui chaut. Dieudo a continué depuis à pousser le bouchon un peu plus loin chaque fois, pour emmerder Guy Bedos, peut-être, ou pousser Elie Semoun à la chansonnette. Naguère, il fut un des pourfendeurs du FN à Dreux, où il se présenta contre Marie-France Stirbois. Puis, pour résumer, il se passionna pour les Kanaks (à l’époque où, pour Pasqua, Ouvéa était une grotte) puis pour la « cause noire » en développant une rhétorique façon « black panthers du pauvre » selon laquelle les noirs n’avaient que trop souffert sans que personne reconnaisse, justement, cette souffrance. Pourquoi ? La faute aux juifs, ou pas loin. C’est ainsi que Dieudo devint, selon la formule express du très chevelu Finkielkraut, « le patron de l’antisémitisme en France ».
« La dernière fois j’ai voté Jacques Chirac, je pense que, avec le recul, nous avons un peu voté dans la hâte, nous nous sommes un peu laissé emporter, on n’a pas eu le droit à un débat au second tour, cette année je voudrais au moins que l’on puisse poser des questions aux différents candidats. » Depuis sa période « noir c’est noir », Dieudo s’était un peu fait oublier. Un peu. Histoire d’écrire un nouveau spectacle. Et ce nouveau spectacle a été inauguré le week-end dernier par une visite « surprise » au Front national, rassemblé au Bourget. La fête Bleu Blanc Rouge, avec un noir dedans, et quel noir ! « Il y a de grandes chances que Jean-Marie Le Pen soit présent au second tour de ces élections présidentielles, je suis pour un grand rassemblement, et pour que nous arrêtions aujourd’hui avec toutes ces tensions communautaires, et que nous fassions la paix. On est obligé de faire la paix avec les gens qui a priori sont à l’opposé de ce qu’on représente. » Bonne nouvelle donc : Dieudonné est « a priori » à l’opposé de ce que représente Le Pen. « Ce n’était pas un appel à voter Jean-Marie Le Pen, mais une première étape, je veux prendre contact avec ces différents mouvements politiques, pour voir exactement ce que chacun nous propose. » Deuxième bonne nouvelle : Dieudo n’invite pas à voter Le Pen. Il observe, il écoute, il regarde. Il essaie de voir si la « légende » Le Pen est à la hauteur de ce qu’on prétend, de ce que « les médias » véhiculent. « J’ai été très bien reçu. On nous avait dit que les gens allaient nous taper dessus, casser du noir, eh bien non. J’ai trouvé ça très chaleureux, j’ai été surpris car on ne nous avait pas dit ça, on nous avait dit qu’ils voulaient tous tuer les noirs et les Arabes. Je n’ai pas vu de sang, j’ai vu des gens tout à fait courtois... » Troisième bonne nouvelle (décidément, on dirait le Nouveau Testament !) : Le Pen et son parti ne sont pas une bande de coupeurs de têtes prêts à faire cuire tout cru le premier noir qui à l’horizon oserait se pointer. Le FN est un rassemblement de gens « chaleureux » et « courtois ». Qu’attendons-nous pour y aller, tous ensemble ? « On verra si nous sommes reçus de la même façon au Parti socialiste, à l’UMP, chez M. Bayrou ou chez M. Chevènement... » Dieudo chez Ségolène, bientôt investie ? On attend de voir ! Dieudo chez Bayrou ? On espère la confrontation, peut-être une claque, sait-on jamais !...
Blague à part, et même si Dieudonné reste avant tout pour le commun des téléspectateurs de « On a tout essayé » un comique, quel point commun entre cet ancien et très drôle amuseur, qui pratiquait l’humour noir avant de sombrer dans le noir pas drôle, quel point commun donc entre lui et Le Pen ? « Le lien qui peut exister avec Le Pen effectivement, outre le fait que nos deux mères soient bretonnes, il y a un côté têtu chez les Bretons, j’aime bien aussi cette résistance et cette opiniâtreté. Je reconnais ce point commun. » Dieudonné, donc, comme le menhir de Saint-Cloud est breton, résistant et opiniâtre. C’est pas un programme politique, mais c’est au moins un début d’explication. « Après, sur les idées politiques, il faut analyser », ajoute Dieudo. Qui donc n’exclut pas quelque convergence sur certains points avec le parti extrême qu’il avait combattu « civiquement » à Dreux. A l’époque Dieudo était apparu comme un héros aux yeux de toute une frange de ce show-biz soupeux, donneurs de leçon et bienpensants qui accrochaient des petites mains jaunes à leur revers de veste à l’arrivée de Tonton, en 1981. « C’est vrai que j’ai été longtemps manipulé par les mouvements antiracistes comme SOS Racisme, les mouvements à la Julien Dray, qui selon moi n’ont fait qu’entretenir le racisme dans ce pays. J’ai grandi dans cet univers-là, et j’y ai cru, je viens de la gauche, de l’extrême gauche, et naturellement nous avions toujours cet argument, l’épouvantail du racisme a toujours très bien fonctionné sur la population dont j’étais issu, que je représente, aujourd’hui je pense que si on veut faire évoluer les choses, il faut se débarrasser de ces vieux réflexes et qu’on puisse enfin trouver par nous-mêmes, en écoutant les projets politiques, des perspectives politiques. » (Toujours se méfier de ceux qui viennent de l’ « extrême gauche ». Une fois le « grand soir », et ses lampions éteints, ils se montrent plus redoutables dans leur déception que bien des extrémistes de droite.) Quand il luttait contre le FN à Dreux, Dieudonné n’était pas un héros, mais une victime. Aujourd’hui, son cerveau guéri, il pense enfin par lui-même et réalise combien la vérité est autre que celle qu’on lui présentait. Ses ennemis prétendent qu’il a « pété un plomb », lui répond qu’il vient au contraire de recouvrer ses esprits.
« Le Pen a de grandes chances d’être l’homme de la révolution politique, mais attendons. Il y en aura peut-être d’autres, Chevènement, Bayrou... » Bon, recouvrer ses esprits ne suffit pas à être lucide, notons-le. Parce qu’attendre le grand soir avec comme porte-drapeau l’ancien mort Chevènement ou le chauffeur de bus au colza Bayrou, c’est espérer la lune sur le porte bagage de Besancenot ! Dieudonné commet là un dérapage majeur. Passe encore qu’il entretienne la flamme, mais de là à miser quelques billes sur un centriste, c’est faire preuve d’une souplesse coupable. C’est dire n’importe quoi.
« Le Pen a de grandes chances d’être au second tour, donc c’est maintenant qu’il faut lui poser des questions. » Ca c’est moins idiot. Si en effet, comme nous le disent les mêmes sondages qui « élisent » Ségolène Royal, Le Pen a « de grandes chances » d’être au second tour, alors pourquoi ne pas l’inviter à la télévision et discuter avec lui ? Ne serait-ce pas la meilleure façon de dégonfler la baudruche ? Dieudonné voit dans Le Pen un « frère de diabolisation ». Tous les deux s’estiment victimes d’un système qui n’aurait pour seule ambition que de les « caricaturer » pour les empêcher d’exister. Alors même que s’il y a effectivement un « système » quelque part à l’œuvre, il ne les caricature que pour leur permettre d’exister. Sous la lumière des projecteurs, longtemps que le FN se serait éteint. Dans l’ombre, dans l’humidité de l’ombre, il profite, il pousse, il moisit. Pareil pour Dieudonné. Invitons-le, écoutons-le, interrogeons-le, et très vite on s’apercevra que son discours ne tient pas. Que son idéologie n’en est pas une. Qu’il s’est simplement trouvé un créneau, pour exister, et qu’il l’utilise de manière ma foi assez efficace.
Pour « défendre » la cause des noirs il se faisait noir, pour embrasser Jeanne d’Arc il s’affirme Breton. Peut-être chez Bayrou se dévoilerait-il Palois, chez Ségolène Poitevin, et chez Chevènement ressuscité ? N’aurait-il pas, comme Sarkozy, quelque origine hongroise ?
« Il faut arrêter de penser que la population que je peux représenter est une population de moutons et de débiles mentaux. » Mais au fait, Dieudo, quelle est cette « population » que tu « représentes » ? La population des anciens comiques reconvertis radicaux tristes ? La population des stand up comedian qui sont interdits chez Djamel ? La population de ceux qui changent de coiffure comme de chemise ? La population de ceux qui, sous prétexte de se balader en campagne, tentent d’y mettre le feu ?
Dieudonné n’est ni diable ni stupide. Ni brillant ni nul. Sans doute un gars capable d’écrire un spectacle, d’inviter monsieur et madame Le Pen à la première, et de faire rire la salle. Capable de rire de tout, avec n’importe (quoi) qui.