Après les régionales de 2015, une présidentielle de 2017 annonçant la pire crise politique depuis 1958
par Bernard Dugué
lundi 7 décembre 2015
Près de 60 ans séparent la prochaine élection présidentielle de la naissance de la cinquième république en 1958. Le scrutin des régionales, même s’il dénote par la montée du FN, s’inscrit dans une séquence de crise politique qui remonte au moins à 2002. Mais en 2017, cette crise parviendra à une sorte de paroxysme car elle altère tout le sens que l’on peut accorder à la démocratie. On va le voir en trois points développés brièvement.
(1) L’inversion des tours de scrutins. Dans la logique de l’élection présidentielle, le premier tour permet de sélectionner les deux candidats qui vont s’affronter au second tour. Ce qui place les Français face à une alternative déclinée sous forme de deux adhésions. Ce n’a pas été le cas en 2002 mais en 2007, un phénomène de ce type s’est produit lorsque Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy se dont affrontés. On ne peut parler de franche adhésion mais d’un engouement accompagné d’une effervescence. Surtout avec l’énigmatique François Bayrou qui a laissé planer une incertitude sur le second tour. Comme du reste en 1995 avec le choix entre Edouard Balladur et Jacques Chirac. En 2007, Le FN était hors du coup, comme en 2012 qui propulsa à l’Elysée un président par défaut. Mais en 2017, la donne est inédite puisque l’arrivée de Marine le Pen au second tour est quasiment acquise. Mais au vu du rejet suscité par le FN, le second tour verra triompher le candidat faussement qualifié de républicain qui devrait être Sarkozy ou Hollande au vu des projections. Ainsi, le choix du président risque d’être fait lors du premier tour. Je ne porte aucun jugement sur la candidate du FN. Je pointe juste le fait qu’elle sera rejetée par une majorité de Français, cette majorité signifiant tout simplement un score de rejet supérieur à 50 % et je dirais même, entre 55 et 60 avec nombre d’électeurs résolument déterminés contre le FN. Ce qui amène l’élimination de Mme Le Pen au second tour. Il ne faut pas se leurrer, la transposition du scrutin régional à la présidentielle n’a aucun sens. Il ne peut y avoir que deux candidats au second tour.
(2) Une élection se joue à la majorité, avec une adhésion entre cette majorité issue du scrutin et le candidat élu. Or, en 2017, un candidat pesant bien moins de 10 % peut décider du sort de l’élection. C’était déjà un peu le cas en 2002 lorsque Christine Taubira grignota les un à deux points qui auraient pu placer Lionel Jospin au second tour. Mais honnêtement, le sort du PS était joué d’avance et l’impopularité de Jospin n’aurait pas pu lui permettre d’accéder à l’Elysée. En 2017, c’est différent. Un petit candidat peut décider du président élu avec cette triangulation du diable engendrée par le FN. Admettons que Bayrou se présente, il pourrait signer l’élimination de Sarkozy en cas d’une union sacrée de la gauche en face. A l’inverse, si la droite est unie, une candidature des Verts ou de Mélenchon peut signer la perte de Hollande. La conclusion est inévitable. Un candidat pesant moins de 10 % peut décider du président élu. C’est fort étonnant aurait noté l’encyclopède Pierre Desproges.
(3) La présidentielle, c’est la rencontre entre un homme et un peuple. Tel était l’état d’esprit du général de Gaulle qui introduisit en 1962 le scrutin présidentiel. En 2017, ce vœu pieu ne sera pas exaucé car de rencontre, il n’y aura pas vraiment d’adhésion. Et ce, quel que soit le président élu dans l’hypothèse probable d’un trio de candidature réunissant Sarkozy, Le Pen, Hollande. Chose impensable mais plausible, l’élection de 2017 peut amener au pouvoir un président détesté ou défié par près de 60 % des Français, voire même plus. Nous pouvez discuter avec les gens, vous constaterez que les trois membres de ce trio diabolique suscitent une défiance oscillant entre la méfiance, l’aversion et même la détestation.
(4) Conclusion. Ces trois points permettent de montrer l’ampleur de la crise démocratique et surtout politique que nous vivons. Avec le divorce consommé entre le peuple et ses dirigeants. La démocratie représentative repose sur le principe de la volonté générale. Mais en 2017, il n’y aura pas de volonté générale et majoritaire mais une défiance générale à l’égard du président élu. Maintenant se pose une question. Combien de temps ce jeu malsain peut-il durer dans un pays démocratique comme la France ? Une autre question serait de comprendre la crise pour essayer de conjurer ce funeste destin qui nous attend si nous sommes fatalistes.