Avis de verrouillage de l’élection présidentielle !

par Laurent Herblay
samedi 19 décembre 2015

Déjà, le moment choisi pour les modifications des règles de la campagne des élections présidentielles est très suspect. Mais quand on regarde dans le fond, comment ne pas être effaré par ce qui est un véritable verrouillage des élections qui auront lieu en 2017.

 
Les gros partis verrouillent l’élection
 
Presque tous les choix de cette loi vont dans le sens d’avantager les plus gros partis. Déjà, en 2012, la règle dite d’équité avait permis aux grands partis de faire quasiment taire les petits dans une première phase de la campagne. Malheureusement, la majorité souhaite nettement accroître l’inégalité entre les candidats. Tout d’abord, alors que seulement 500 parrainages étaient révélés après coup, ils seront tous publiés, en temps réel et ce sont les signataires qui les enverront au Conseil Constitutionnel au lieu des candidats. Ce faisant, les petits candidats sans un grand réseau d’élus risquent de se voir barrer la route de l’élection. Et après, ils n’auront qu’un temps de parole limité car l’égalité stricte ne s’appliquera que pour deux semaines au lieu de 5, remplacée par la pseudo équité, basée sur les sondages…
 
Et ce n’est pas fini, la loi ramène d’un an à six mois la période de la campagne, ce qui permettra aux partis les plus riches d’augmenter leurs dépenses, s’ils le peuvent puisque le plafond s’appliquera pour deux fois moins de temps… Toujours aussi effarant, la loi rouvre la voie à la communication publicitaire par affichage ou presse, un moyen qui ne sera naturellement pas accessible aux petits partis. Comme le dit Christian Hutin, MRC, « nous ne sortirons pas de cette crise de l’offre politique par la surenchère publicitaire des gros partis  ». L’addition de toutes ces mesures devrait malheureusement renforcer les trois grands partis qui dominent notre vie politique, qui gagneront du temps d’antenne alors que les autres y perdront temps de parole et même, potentiellement, l’accès même à l’élection.
 
Ni socialiste, ni vraiment démocrate
 
Quel contraste avec les règles mises au point par le Général de Gaulle en 1965, qui mettaient les candidats sur un pied d’égalité. En 2007, pendant la campagne officielle, tous les candidats avaient le même temps de parole, que ce soit Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal, Frédéric Nihous ou Gérard Schivardi. N’est-il pas plus démocratique d’accorder le même temps de parole à tous les candidats, même s’ils sont un peu obscurs, à partir du moment où ils ont obtenu les parrainages nécessaires à leurs candidatures ? Et si la possibilité de connaître certains parrainages paraît légitime, l’absolue transparence est-elle vraiment un plus ? Et pire, la publication en temps réel a un côté désepéremment gadget, qui ramène aux pratiques de la télé réalité. L’élection présidentielle se transforme en Politique Académie…
 
Ce faisant, le Parti Socialiste, qui n’a déjà plus de socialiste que le nom, en allant plus loin que Sarkozy sur bien des sujets (travail du dimanche, baisse des cotisations sociales patronales), se révèle pas vraiment démocrate. Cette loi a un parfum d’oligarchie, certes pas aussi poussée que ne peuvent le faire des pays comme la Russie, mais tout de même, la tendance est à une fermeture d’un débat, qui était finalement bien plus ouvert il y a quelques décennies. Le Général de Gaulle était décidemment bien plus démocrate que ne le sont nos partis dominants… Le MRC, l’ancien parti de Chevènement, s’en est ému, tout comme Debout la France, de Dupont-Aignan. Malheureusement, il faut bien noter que tant les Républicains que le FN, qui sont favorisés par cette loi, ne s’en sont aucunement émus…
 

 

Ce que révèle ce projet, c’est le caractère profondément oligarchique et finalement pas si démocratique des trois principaux partis, dont l’existence même consiste d’abord à préserver et étendre leur pré carré plutôt que de réfléchir à la France, quite à museler les alternatives émergentes.

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