Avocats vs notaires
par ThatJazz
mercredi 9 janvier 2008
Comme vous l’avez certainement entendu avant Noël, un autre projet de notre ministre de la Justice est de transférer la responsabilité de traiter les divorces par consentement mutuel des avocats aux notaires, soi-disant pour simplifier ces mêmes procédures, idée qui a fait après la réforme de la carte judiciaire, un gros tollé chez les avocats.
Tout d’abord je tiens à vous avertir d’une chose, ne
vous laissez pas abuser par les discours gouvernementaux qui consistent
à dire en gros, que si les avocats sont mécontents, c’est parce que ce
sont des nantis et que par conséquent cela ne vous concerne pas, au
contraire !
Malgré tout, cela consisterait quand même en un
manque à gagner important pour les avocats, surtout ceux des petites villes. Déjà, la réforme de la carte judiciaire va
certainement provoquer la fermeture de cabinets situés dans des villes
où le tribunal d’instance a été fermé. Mais figurez-vous que dans ces
mêmes villes, les affaires les plus courantes qui concernent les
avocats sont les divorces, puisqu’il s’y passe rarement de quoi
faire un film de gangsters ! Pour vous donner une idée du manque à gagner
global, sur les 155 000 divorces prononcés en 2005, 92 000 étaient des
consentements mutuels, soit 60% des procédures qui seraient données aux
notaires. Il est quand même nécessaire de comprendre cet aspect du
problème.
Par contre pour vous, pour nous, qu’est-ce que ça change ?
Déjà
contrairement à l’idée reçue que tente de faire passer le gouvernement,
les divorces par consentement mutuel ne sont pas des procédures
compliquées qui prennent beaucoup de temps. Au contraire, la durée en
moyenne est de deux mois et demi, et rien ne prouve que les notaires
puissent le faire plus rapidement. Alors quelle est la véritable raison ?
Ces
dossiers sont confiés aux juges aux affaires familiales (JAF) et
représentent environ 100 000 procédures par an. En décharger la justice
revient à supprimer des emplois de JAF et donc à faire faire des
économies au ministère. Autre chose, plus de la moitié de ces dossiers
sont pris en charge par l’aide juridictionnelle. Pour ceux qui ne
connaissent pas, cette aide permet aux personnes les plus démunies
d’avoir leurs frais d’avocat payés en totalité ou en partie par
l’Etat. Il suffit d’aller chercher un dossier au bureau d’aide juridictionnelle de votre tribunal, de le remplir et de le ramener avec
les pièces justificatives. C’est une disposition qui aide vraiment à
l’accès à la justice. Seulement rien de tel n’existe pour les frais
notariaux. Résultat, une économie de 40 millions d’euros pour l’Etat
sur le dos des plus pauvres !
Et autre chose, le passage devant le
JAF permet à celui-ci, et c’est la loi qui le demande, de vérifier la
réalité du consentement, l’équité du partage des biens, les problèmes
de garde d’enfants, de pensions alimentaires, etc. Le notaire n’étant
pas un magistrat n’a pas l’obligation d’être indépendant a priori. Son
intérêt est même plutôt de servir le mieux celui qui paye le plus.
Chiffres : Le Canard enchaîné