Azouz Begag, le Gun du Chaâba

par LM
vendredi 4 mai 2007

Dans le numéro « 10 raisons de ne pas voter Sarkozy » de l’hebdomadaire bobo « Les Inrockuptibles », Azouz Begag déverse sur une page concentrée sa haine sans mesure envers le leader UMP. Une révolte, sans doute, pas un énervement.

Jusqu’à il n’y a pas si longtemps, on disait d’Azouz Begag, alors ministre de De Villepin, qu’il était charmant, drôle, incisif et sympathique. Pas un simple ministre alibi, pas un gadget électoral utile au chef candidat de l’UMP, alors ministre de l’Intérieur, non, un vrai bon gars, utile et clairvoyant. Une sorte de Borloo du sud. Il était ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé de la « promotion et de l’égalité des chances ». Il espérait, il souhaitait de toute son âme que le favori de son cœur, De Villepin, se présente et soit investi candidat de l’UMP. Seulement voilà, en face il y avait Sarkozy (qui surnommait Begag « vidéo Begag »), chef de l’UMP, et rien ni personne ne pouvait barrer la route de cet homme-là. Entre Begag et Sarko, très vite, le ton monta, jusqu’à la menace de cassage de gueule, venu du premier flic de France et rapporté depuis dans « Le Mouton dans la baignoire », livre règlement de comptes, à la Eric Besson, de ce cher Azouz.

« Le Mouton » est un succès de librairie. Moins vendu que le Besson, il se maintient néanmoins sans souci sur le podium des meilleures ventes. Sarkozy aurait bien voulu voir sa publication retardée. Begag n’était d’ailleurs pas contre cette idée-là (pour ne pas interférer avec les élections ? Par peur des représailles ?) mais l’éditeur n’a rien voulu savoir et le livre est sorti en temps et en heure. Après sa mise en rayon, surprise : ledit Begag se volatilise soudain pour ne reparaître que quelques jours plus tard. Pourquoi ? Mystère. L’envie peut-être de s’éloigner de l’œil du cyclone, si cyclone il y eut. Mais il n’y eut pas. « Le Mouton » ne fut pas suivi de dommages collatéraux, n’émut pas grand monde, ni éditorialiste, ni socialiste, ni aletermondialiste. Beaucoup estimaient que Begag avait mis du temps à se réveiller, d’autres pensaient que ce style de règlement de comptes sentait un peu le réchauffé.

L’auteur du « Gone du Chaâba » (énorme succès en librairie porté à l’écran) n’en a cure, et a décidé d’enfoncer le clou, d’interview en interview, en répétant à qui voulait l’entendre que Sarkozy était un homme dangereux, méchant, calculateur et cynique. Mais rarement comme cette semaine dans les Inrocks. En une page serrée, il évoque le candidat UMP et « la terreur qu’il fait régner en politique depuis dix ans. Il terrorise tout le monde, y compris les plus puissants, les journalistes, les chefs d’entreprise, tous ceux qu’il approche. Il a une capacité à éradiquer toute forme de contestation autour de lui parce qu’il est habité à 100% par la certitude de tout, et notamment celle qu’il sera président de la République française. Il n’a pas une once de doute en lui. A droite, les gens biens ne se sont pas rendu compte de la puissance dévastatrice du vice et de la méchanceté, de la folie d’un type comme lui. » On se croirait avec le capitaine Kurz à la fin d’Au cœur des ténèbres, l’horreur, l’horreur. Il existerait donc, selon Begag, une droite « innocente », d’agneaux, sans doute, qui n’ont pas conscience du danger. Pourvu qu’ils lisent cet article, ou l’interview d’Azouz, il n’est pas trop tard, avant dimanche...

« Il a tué tout le monde autour de lui. J’espère qu’un jour- il est tellement génial ! - il finira par se tuer lui-même. » C’est plus le Gone du Chaâba, c’est le Gun du Chaâba ! Azouz Begag « espère » la mort de Sarkozy. Il expliquera sans doute que ce n’est qu’une façon de parler, comme quand son « ennemi » menaçait de lui « casser la gueule », sans doute, mais quand même ! On s’est éloigné de la promotion et de l’égalité des chances, là.

« Il s’est débarrassé de toute idéologie. C’est un tiroir-caisse électoral. Quand il a le sentiment qu’une idée jaillissante, spontanée, meurtrière crée de l’émotion dans les médias, et donc dans le peuple, il s’arc-boute sur elle, surfe dessus comme sur une vague. Mais le sentiment qu’inspire la vague ou le tsunami qui l’a déclenchée lui importe peu. Il s’agit juste de faire parler de lui, à tout prix. C’est un homme engagé dans l’élan de sa propre certitude. » Résumons : Sarkozy est un opportuniste qui prend les voix là où elles se trouvent. Rien de surprenant, ni de condamnable. Quant à savoir ce que peut bien être une idée « meurtrière »...

Pourtant, Sarkozy n’est « pas raciste » selon Begag. « Ce type n’est pas raciste. Je pense qu’il a un problème avec les Africains » dit-il avant de préciser qu’il ne « saurait pas l’expliquer ». Ah bon... alors le Gun du Chaâba devient un peu le Gone du Charabia, pour le coup. Peu importe, l’ex-ministre, que les Inrocks qualifient même de « sociologue », insiste : « Ce type n’est pas raciste. Il n’est ni haineux ni gentil, ni à gauche ni à droite, il n’est rien, juste candidat à la présidence de la République, et avant d’être candidat il est déjà président de la République dans sa tête. » Charabia, quand tu nous tiens. « C’est une machine invraisemblable. Son arme, c’est le charme. Si tu refuses, il te tue. » Je ne sais pas s’il ira jusque là, mais le candidat de Neuilly, qui a passé tout le débat de mercredi à tenter de ne pas mordre Ségolène, aura peut-être un peu de mal, s’il entend parler de cette interview, à garder son sang-froid. Ce « vidéo Begag » là c’est un snuff movie !

Sarkozy serait donc, on le répète une fois de plus, une dernière fois avant dimanche au cas où les jeunes brebis (centristes ?) qui ne savent pas ce qu’ils votent auraient tendance à s’égarer, un « type » arriviste, sûr de lui, qui tuerait père et mère pour arriver à ses fins. C’est l’opinion d’Azouz Begag, et des journalistes qu’il a croisés, et qui se font traiter « d’enculés » par Sarko chaque fois qu’il les rencontre. « Et ils ont peur de le dire. C’est dingue, non ? » ajoute Begag. Ce qui est dingue, c’est peut-être davantage qu’un ancien ministre se laisse aller à de telles attaques extrêmement violentes et déplacées. Royal n’aurait jamais cautionné de telles paroles, Bayrou encore moins. Un journal dit sérieux ne devrait pas non plus se laisser aller à publier une telle interview en reprenant en plus sur sa couverture le « J’espère qu’un jour il finira par se tuer lui-même ». Diaboliser ainsi le candidat UMP, de manière aussi stupide et démesurée, n’a fait que le servir, jusqu’ici, comme le rappelait hier dans Le Monde Patrick Devedjian.

Mais Azouz Begag a une excuse, une raison, un « c’est pas moi qui ai commencé » imparable : Sarkozy avait osé dire de lui qu’il avait « des antécédents psychiatriques ». « J’ai lu ça dans la presse » se justifie Begag. Forcément, ça valait bien cette tuerie dans les Inrocks.


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