Bayrou contre Bayrou

par Brady
lundi 19 mars 2007

Peut-on critiquer François Bayrou ? Devenu phénomène de mode, manière de contester l’hégémonie des deux partis principaux, le Bayrou candidat se heurte à un léger handicap : le Bayrou président.

François Bayrou représente donc le nouveau vote tendance pour le printemps 2007. Le problème, c’est que ce passionné de course hippique sait que par moment, il vaut mieux ne pas faire trop longtemps course en tête, plutôt patienter pour coiffer ses adversaires sur la ligne. Or François Bayrou se retrouve désormais régulièrement à plus de 20%. Un phénomène que ses adversaires, selon les déclarations soit de Claude Guéant, soit de Jean-Pierre Chevénement, n’attendaient pas du tout. Et François Bayrou, s’y attendait-il ???

Certes, il s’y attendait en son for intérieur, mais sûrement pas si tôt et si vite. Car les faits sont là : François Bayrou est devenu un candidat crédible, un présidentiable en puissance éligible à coup sûr face à Sarkozy ou Ségolène. Et du coup, les médias sentent un sujet porteur. Voilà la situation paradoxal : l’homme qui hurlait à l’encontre des médias et des sondages devient tout d’un coup leur chouchou. "François Bayrou troisième homme", voilà qui permet de vendre autant de journaux que le bikini de Ségolène ou le retour de Cécilia a la casa. En fait, les médias sont surtout connivents avec l’audience, le peuple veut du Bayrou, on lui vend du Bayrou. Naturellement, ce désir de Bayrou exige des attentes. Bon, Bayrou sera notre futur président de la République, soit, mais pour quoi faire ??? Et là, la machine Bayrou patine un petit peu.

Car François Bayrou sera-t-il aussi différent que les hommes politiques que nous avons connu jusque là ? Rien ne le prouve.

Son statut de troisième, voire de deuxième homme, lui vaut les honneurs du "Canard Enchaîné", et c’est le genre de cadeaux de la notoriété dont le Béarnais se passerait volontiers. Le Canard révèle par exemple que l’homme est peut-être honnête, mais qu’il est surtout diablement pingre. Des nègres non rétribués pour sa biographie d’Henri IV, une propriété de Bordères surnommée "La Maison Blanche" (ça ne s’invente pas !) qui n’est pas soumis dans l’évaluation d’une ISF que François Bayrou ne paye pas (il est le seul des 4 ’grands’ candidats à en être dispensé). Et pour une raison toute simple, Bayrou est officiellement... "exploitant agricole", et sa propriété est un bien déclaré comme professionnel. Et les courses hippiques permettent à Bayrou de se dégager un petit pécule net d’impôts. François Bayrou n’est pas forcément malhonnête, mais il est très roublard.

Concernant les idées ? François Bayrou se voit reprocher de n’en avoir aucune. Après tout, pourquoi pas, on a fait le même procès à Ségolène Royal et à Nicolas Sarkozy, alors pourquoi le troisième homme n’y aurait-il pas droit... En fait, ce procès est un peu injuste car François Bayrou a percé grâce à deux idées très populaires : la réduction de la dette et l’union nationale. Tellement populaires que François Bayrou se voit opposer les questions : comment fait-on pour les appliquer ? Et là, François Bayrou ne dégage pas d’assurance concernant la réponse. Il ne se montre pas forcément moins compétent que Ségolène Royal ou Nicolas Sarkozy, mais vu l’espoir suscité, il n’est pas forcément plus brillant. Face à des adversaires qui, prévenu à temps du danger, ont eu le temps de préparer leurs réponses.

Certes le programme de Bayrou est moins coûteux que celui de Ségolène Royal ou Nicolas Sarkozy. Mais la question n’est pas le prix d’un programme électoral mais son financement et sa rentabilité. On peut investir par exemple massivement dans la recherche ou la création d’entreprises en espérant récupérer le produit de son investissement. Or le programme de Bayrou paraît surtout souffrir du handicap de la frilosité : n’investissons pas pour ne pas gaspiller. Si le vote Bayrou témoigne du souhait d’un président bon gestionnaire, le futur président de la République doit-il être un Harpagon ???

Idem pour l’Union Nationale. L’idée d’une collaboration PS-Verts-UDF semble faire son chemin, mais François Bayrou est-il l’homme idéal pour la diriger ? Ne risque-t-il pas d’être piégé par les institutions ??? Il convient d’être un peu réaliste : en un mois, Bayrou ne pourra pas créer le grand parti démocrate qu’il appelle de ses voeux, et il est peu probable que l’UDF dégage une majorité aux législatives. Il faudra au moins dans un premier temps collaborer, soit avec la gauche, soit avec la droite. Le cas ’avec les deux’ semble peu probable, ce serait laisser l’opposition aux plus extrêmistes des deux bords, ce qui ne serait pas souhaitable a priori.

Le François Bayrou candidat fait rêver. Le problème c’est que ce rêve se heurte actuellement à la perspective du François Bayrou président. Et pour passer les deux grosses écuries sur la ligne, il faudrait un dernier coup de rein à une monture qui dispose d’une cote bien plus élevée que prévue...


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