Bayrou fait-il le jeu de Le Pen ?

par Yann Riché
vendredi 17 novembre 2006

François Bayrou, invité avec J.-M. Le Pen sur France 2 dans « A vous de juger » fait-il le jeu du FN ?

Balayons cet argument, je l’entends et l’entendrai encore, ma réponse est pour moi évidente, le jeu du PS et de l’UMP est de maintenir le clivage gauche-droite et d’utiliser le vote FN pour mobiliser sur le vote utile.

Pourtant, vous insistez, alors voyons, ayons un peu de mémoire, l’UMP, ultra majoritaire avec 30% de voix alors que le FN est à l’ultra zéro à l’Assemblée avec 15 à 17% des voix, a décidé de chasser sur les terres du FN sans s’allier, a décidé de faire une politique seule alors que la faute majeure fut de croire que la France, son blanc-seing à l’UMP via Chirac avait donné.

Bayrou l’a tout de suite compris ; en refusant de rejoindre l’UMP, il s’est engagé dans la voix de la résistance au système, il s’est engagé dans la rupture, rupture institutionnelle avec la Ve qui nous a bien servi mais qui est profondément modifiée avec le quinquennat.

Rupture en étant face à Le Pen ce soir sur France 2, et il entame durement, François, en faisant la morale à Le Pen, en l’arrêtant net et en mettant Le Pen et Dieudonné sur le même pied de l’antisémitisme.
Le Pen contre-attaque sur le nombre de votants émigrés qui voteront pour lui et en comparant Bayrou au Chevènement de 2002.
Bayrou repasse à l’offensive sur les harkis en rendant Le Pen responsable de la confusion entre harkis et immigrés.
Attaque à nouveau de Bayrou, qui a visualisé les vidéos des blogs sur Le Pen et remet ce dernier face à la contradiction de ses paroles qui mélangent le religieux et la nationalité en disant que le voile permet d’identifier le nombre d’étrangers en France.
Plus forts que nos traditions, les droits de l’homme, rappel du 1er article, les hommes naissent égaux en droits, dont celui de la pratique religieuse. Le Pen tente une sortie sur les sectes mais Bayrou élève bien le débat et empêche Le Pen de dériver.

Immigration. Le thème principal des présidentielles pour Le Pen qui ressort l’équation "4 millions d’immigrés = 4 millions d’emplois".
Bayrou à ce sujet répond que les immigrés dont parle Le Pen sont des actifs français et, surtout, qu’ils ne repartiront pas ! Bayrou précise que 25% des Français ont un parent étranger.

Attaque frontale de Le Pen sur le soutien de Bayrou au Pays basque et donc sur le soutien supposé et indirect de Bayrou aux terroristes. Bayrou réplique que quand ces mouvements et les gouvernements qui s’opposent s’aperçoivent qu’ils sont dans l’impasse, il faut entretenir le dialogue plutôt que maintenir le feu de la haine (ce qui fut fait en France avec l’OAS et le FLN).

Chassent-ils sur les mêmes terres ?
Bayrou répond que certains se sentent exclus de l’échiquier politique, cela nécessite de changer les institutions et d’empêcher la décomposition morale du pays dont Le Pen est un acteur (en servant l’UMP et le PS).
François Bayrou montre sa probité, ce qui empêche Le Pen de mettre l’UDF dans les affaires.

La grosse différence repose sur l’Europe, à laquelle il manque la capacité politique. Bayrou martèle qu’aucun des problèmes ne peut être résolu en dehors de l’Europe.

Bayrou faiblit un peu, mais Le Pen n’a rien à dire. Pour François Bayrou et il a raison ( nulle proportionnelle en vue dans le programme de l’UMP ni dans celui du PS - ndlr) c’est l’objectif n°1 et l’histoire politique récente lui donne raison.



Interlude sur Ségo et Sarko évidemment ça fait vendre...

Réaction d’Arnaud Montebourg sur la présence éventuelle de Le Pen, et sommes-nous capables de nous parler (point d’accord avec Bayrou) ; il fait la promo de la révolution douce de Ségo, Le Pen étant hors de la démocratie.

Devedjian partage aussi quelque chose avec Bayrou, l’analyse de la dérive monarchique (pas mal pour unfidèle de Chirac). Question à Bayrou : est-ce à cause de la puissance des partis et du rôle du président ?
Bayrou répond que ce n’est pas parce que les présidents sont élus au suffrage universel qu’il faut bidouiller des postes pour les copains. Au contraire, il faut être exemplaire.

Attention. Le Pen réagit et dit  : comment voulez vous croire les partis qui ne vous écoutent pas et qui adoptent des postures, car ce ne sont pas des ruptures ?

Le Pen propose la méthode de la république référendaire (il déplore que l’Assemblée ne représente rien, puisqu’il n’a aucun élu malgré cinq millions de voix).

Montebourg contre-attaque, Le Pen propose la retraite à soixante-dix ans (et boum) la suppression de l’impôt sur le revenu (merci pour les pauvres) et prend les étrangers comme boucs émissaires.

Reconstruire le rapport de confiance qui est rompu par les politiques, car les processus ne sont pas démocratiques, et parce que l’économie a pris le dessus (c’est Montebourg aïe ! il y a mélange). Et Le Pen, qu’a-t-il fait ? Rien...
Le Pen a dit quelque chose ?

Devedjian et le parti "populaire" : la révolution pour désigner le candidat ; au sein d’un parti on vote (c’est révolutionnaire et nous sommes en 2006 !).
Mettons-nous d’accord, propose Devedjian, pour une réforme. Les UDF sont-ils les mêmes que ceux de l’UMP ? Bayrou déclare qu’il y aura un candidat UDF dans chaque circonscription, et dit qu’enfermer la politique dans un unique rapport gauche-droite alors que Le Pen a amputé les voix de la droite et que le même phénomène d’érosion s’est produit à l’extrême gauche, cela ne permettra pas de réformer la France.

Montebourg dit que Bayrou n’est pas clair, les problèmes selon lui sont des problèmes de positionnement (politique/économique) et Bayrou réplique, ce qu’il veut, c’est que le PS et l’UMP ne se partagent plus les pouvoirs.

Maintenant une auditrice âgéd de quarante-quatre ans, du Val d’Oise, licenciée depuis cinq ans. Pas de travail pendant cinq ans, sentiment de ne plus avoir de droit à rien parce que femme et de plus de quarante ans, création d’une société sans trésorerie. Quid des problèmes des Français ? (ça fait mal). Les problèmes (manger, éduquer les enfants, l’école qui mène au chômage, etc., bon, là évidemment, ras-le-bol de cette femme : que savez-vous du quotidien des Français ?

Montebourg répond aux problèmes (le pouvoir d’achat, et attaque contre le grand capitalisme financier).

La dame répond : problème de l’intérêt du travail, insécurité de la hausse des charges.

Eh oui, et là c’est dur, le décalage, parce que, allez expliquer que les solutions passent par la macro-économie et non plus par la micro-économie...
Et Le Pen attaque la Chine, qui nous fait perdre les emplois (je croyais que c’étaient les Arabes) mais il faut l’homme du peuple fort bien.

Bayrou très très fort dans la séduction et le charisme, quand il dit : vous devez avoir des gens qui vous représentent vraiment, "vous avez l’obligation d’être représenté par celui que vous choississez".

Ah ! Un nouvel intervenant : "Comment voulez-vous que je vous croie (PS, UMP) avant vous faisiez des conneries et maintenant vous auriez des solutions" !

Montebourg réplique sur le système social, et revient sur l’évolution du financement de la Sécu (entente avec Bayrou, de mémoire).
La solution pour toutes les PME et le travail.
Et Bayrou encore fort (bonne compétition avec Montebourg), qui questionne avant de répondre.

Un nouvel ouvrier explique son désarroi, pas de négociations face aux délocalisations.

Bayrou répond qu’il ne peut répondre en trente secondes ni en trente minutes. Il explique aussi qu’il existe des secteurs industriels qui sont dynamiques et qui ne fonctionnent que parce qu’ils exportent...

Tous les hommes présents le disent, ils parlent de leur misère, et ne voient qu’une solution : l’emploi. Ils voient que c’est le capitalisme (financier) qui pose problème.

Bayrou fait-il le jeu de Le Pen ? Définitivement non, la situation structurelle de l’économie et de la politique française fertilisent le vote Le Pen.
Bayrou doit étoffer son discours sur l’économie pour faire la différence, quelle politique industrielle, quelle vision du capitalisme demain, comment réguler le commerce international, et s’il apporte des réponses à ces questions en illustrant les effets concrets qu’il en attend, alors il peut être élu.


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