Bayrou vu par le New York Times

par PierreMF
mardi 20 mars 2007

Dans un article paru dans le New York Times du 8 mars, « Un candidat ni/ni pour la présidentielle en France », le quotidien dresse le portrait d’un candidat plein de contradictions.

Une copie de l’article en anglais est disponible ici pour les non abonnés.

Aux États-Unis, les campagnes électorales sont de grands événements et la communication des candidats est extrêmement encadrée. Peut-être jusqu’à l’excès. En tout cas, les différents profils de candidats sont là-bas bien connus. Il y a bien sûr ceux des deux principaux partis démocrates et républicains. Pour les autres, il est très difficile de se faire une place. Les candidats en dehors des partis démocrates et républicains ont mis au point une stratégie que les Américains appellent "neither/nor option", ou "ni/ni". Il s’agit tout simplement de mettre dos à dos les deux principaux partis, de se déclarer comme un homme neuf, de remettre en cause le système établi,et de promettre que tout changera avec des idées différentes, neuves, et... démagogiques. Étant donné que les deux principaux partis ont des moyens que personne d’autre ne peut se permettre d’avoir, la seule chance de percer est la manipulation.

En France, nous avons bien sûr Jean-Marie Le Pen dans ce rôle, depuis plus de 20 ans. Également des candidats d’extrême gauche.

Le New York Times voit exactement le même comportement avec François Bayrou : "Un candidat qui rejette dos à dos les deux partis principaux et demande la fin des fausses promesses est une stratégie de campagne très américaine". Pour contrer la droite, le candidat de l’UDF déclare "qu’il s’assoit avec les paysans, alors que la droite s’assied avec les milliardaires". Contre le Parti socialiste, il affirme que "le modèle socialiste ne fonctionne pas".

Le journal relève que "François Bayrou veut apparaître comme une nouvelle tête", mais que "la chose la plus bizarre dans son ascension rapide est qu’il est présent sur la scène politique depuis très longtemps". En effet, nous connaissons notre Béarnais depuis bientôt 30 ans : "ministre de l’Agriculture en 1979, député en 1986, ministre de l’Education dans les années 90. Il a eu Valéry Giscard d’Estaing comme mentor dans les années 70. Contrairement à Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal, il s’est déjà présenté à l’élection présidentielle, en 2002, où il a eu 6,8% des suffrages". Notre soi-disant homme neuf connaît bien le système...

La correspondante du New York Times s’est rendue dans les Vosges à Epinal, le 2 mars, pour suivre une rencontre de François Bayrou avec les acteurs de la filière bois à l’École nationale supérieure des technologies et industries du bois (ENSTIB). Mais les débouchés de cette énergie renouvelable n’ont visiblement pas intéressé le candidat UDF. Le New York Times fait remarquer "qu’il n’a pas pu cacher son ennui lors de la rencontre avec les étudiants et professeurs de cette école, qui expliquaient les mystérieuses utilisations industrielles du bois. Il se grattait l’oreille avec son stylo, s’enfonçait sur sa chaise, baillait et utilisait son téléphone mobile. Quand le directeur de l’établissement s’est adressé à lui par son nom, il a demandé à ce qu’on l’appelle Baille-rou, comme on dit dans sa région, et non bai-rou, comme on dit à Paris". Le journal en conclut que notre "paysan" a encore beaucoup à apprendre en politique : écouter les gens est la base de la politique.

Dans l’avion qui ramenait le candidat et les journalistes à Paris, François Bayrou a été interviewé par la correspondante du New York Times. Il a dressé - en anglais dans le texte - une caricature grotesque des États-Unis, et a laissé la journaliste médusée. Ainsi, "les États-Unis ont un modèle de société qui ne permet qu’aux plus adaptés de survivre ; la motivation des Américains est de gagner le plus d’argent possible ; les écoles sont horriblement chères ; les classes moyennes ont du mal à joindre les deux bouts ; il ne pourrait vivre que dans les grandes étendues vertes et sauvages du Montana ; la guerre en Irak dirigée par les États-Unis est la cause du chaos au Moyen-Orient".

Selon le New York Times, l’arrogance de François Bayrou ne s’arrête pas là : "En tant que catholique pratiquant et père de six enfants, il veut être reconnu comme un intellectuel. Il est particulièrement fier de sa biographie de Henri IV, qui a été un best-seller, un best-seller ! répete-t-il". A ce point de ma lecture de l’article du New York Times, je me surprends à imaginer la marionnette des Guignols de l’Info parler ainsi... Mais non, il a vraiment dit cela.

La femme de François Bayrou s’occupe de l’écurie de chevaux de courses dans le Béarn. Elle n’aime pas la politique, cela ne correspond pas à sa personnalité. Son mari aime cultiver son image de paysan et d’éleveur de chevaux, près des vraies valeurs. Cette stratégie est efficace auprès des électeurs du Front national, dont certains votent maintenant Bayrou : c’est "un gars du terroir, comme moi" dit-on à Epinal. D’autres le trouvent prétentieux, beau parleur, mais se demandent s’il est de droit ou de gauche.

Pour conclure, le New York Times indique que "le clivage gauche-droite" n’est en fait remis en cause que par les instituts de sondage. Les Français rencontrés par le quotidien ont un discours bien habituel.

Dans son discours d’aujourd’hui samedi 17 mars, Lionel Jospin a affirmé que "ce que propose M. Bayrou provoquerait une vraie crise politique dans notre pays. Il est incohérent de se prévaloir du ni-droite ni-gauche et de proposer d’avoir ensemble et la droite et la gauche", ajoutant que François Bayrou serait dans l’impossibilité de gouverner la France sans majorité à l’Assemblée nationale.

François Bayrou veut réunir la droite et la gauche. Personne ne sait comment, ni même si c’est possible de réussir ce qu’il souhaite. Ce qui est sûr, c’est qu’il réunit aujourd’hui l’ensemble de la classe politique pour dénoncer sa manipulation.


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