Bell Helicopter contrainte à violer la Charte des droits et libertés

par Lawrence Griffin
mercredi 14 février 2007

On apprenait il y a quelques semaines que la compagnie Bell Helicopter avait été contrainte par le gouvernement américain de réassigner certains de ses employés à d’autres tâches, pour la simple raison qu’il existe une règle empêchant certains travailleurs qui sont ressortissants d’un pays que Washington considère comme un État voyou de travailler sur des plans militaires américains, et ceci même s’ils ont également la nationalité canadienne.

Est-ce que la décision de Bell Helicopter constitue une violation à la Charte canadienne des droits et libertés ? Selon le professeur de droit civil à l’Université d’Ottawa Sébastien Grammond, qui accordait une entrevue à la SRC, « une telle mesure entretient des stéréotypes sur la nationalité des individus, et c’est exactement ce que la loi canadienne veut empêcher ».

Est-ce qu’on peut considérer cette situation comme un événement isolé, ou est-ce seulement un avant-goût de ce qui pourrait arriver dans le monde du travail au Canada et au Québec ?

Nous sommes en droit de nous le demander, surtout lorsqu’on sait que les parlementaires américains ont adopté, au lendemain des attentats terroristes de septembre 2001, le fameux « Patriot Act » qui permet à une foule d’organisations liées au ministère de la Justice américain d’obtenir des informations personnelles sur les employés travaillant dans des compagnies américaines ou dans les filiales qui sont installées au Canada ou encore au Québec.

Les autorités américaines peuvent même demander aux banques canadiennes des informations sur leurs clients lorsqu’elles ont des succursales sur le sol américain.

Certains employés inquiets de la portée du « Patriot Act », comme les employés travaillant à la compagnie d’explosifs Expro, ont déjà demandé à leur syndicat d’insérer une clause dans leur convention collective qui vise à interdire à leur employeur de donner ces informations aux autorités américaines si elles les demandent.

Certains syndicats, conscients des risques de dérapages, se sont déjà attardés à faire des revendications au gouvernement fédéral. Parmi ces syndicats, il y a le Conseil du travail du Canada (CTC) qui représente trois millions de travailleurs, et qui a présenté lors de son congrès statutaire de juin 2005 son Rapport du comité des résolutions générales dans lequel on parle des dangers du « Patriot Act ». Le CTC « pressera le gouvernement du Canada d’inciter le gouvernement des États-Unis de voir à ce que le Patriot Act ne s’applique à aucune entreprise faisant affaire au Canada ».

Pour le moment, on ne peut que constater que rien ne semble avoir été fait dans ce dossier, alors qu’on apprenait dans le journal La Presse du 30 mai dernier que le gouvernement Harper reconnaissait que le « Patriot Act » avait des « effets pervers », et que des fonctionnaires avaient eu des discussions avec la commissaire à la protection de la vie privée, Jennifer Stoddart, pour avoir des conseils.

Alors, Harper était-il vraiment sérieux quand il disait vouloir régler le problème ?


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