Bernadette verse son obole

par LM
vendredi 6 avril 2007

Refoulé à la Croix Rousse, Nicolas Sarkozy s’est requinqué dans la soirée à Lyon, adoubé par une Bernadette Chirac très appliquée (impliquée ?) dans son soutien. La course à l’Elysée vaut bien quelques pièces jaunes.

Nicolas Sarkozy n’aime pas le vin mais avoue un faible pour le chocolat. Hier, il serait bien venu en goûter dans le quartier de la Croix Rousse à Lyon, mais voilà, certains habitants décidèrent qu’il n’était pas le bienvenu, justement. Dès lors, prévenu par son staff de quelques huées pas très agressives pourtant, le candidat « serein et équilibré », a préféré annuler son périple, prétextant un retard de son avion. Gros mensonge : son aéronef s’était posé à l’heure dite, et même quatre minutes en avance, selon l’aéroport. Pas grave : on n’en est pas à une approximation prêt. Toujours zen, le candidat dégustera quand même quelques tablettes de chocolat, devant les caméras, mais loin des éventuels « fauteurs de trouble » (en réalité, si l’on en juge par les images des journaux télévisés, une poignée de jeunes gens, peut-être de gauche, en tout cas pas bien menaçants, brandissant quelques maigres pancartes. Pas de quoi karcheriser une visite).

Détendu par le chocolat, le bondissant mais tranquille et calme candidat de Bernard Tapie (mais pas de Yannick Noah) s’est vu récompenser de sa longue patience le soir-même, à Lyon, par une salle bien faite et un soutien bien coiffé : Bernadette elle-même. Madame Chirac, bien plus impliquée et convaincante que son mari, souriante, la mine manifestement un peu agacée quand Sarkozy lui tenait la main en l’air, en la secouant en tout sens, mais Madame bien disposée, en verve et très disponible pour appuyer sans sourciller le « meilleur d’entre nous. » "Si je suis là, c’est évidemment parce que je le soutiens" a-t-elle dit. "Je pense que Nicolas Sarkozy est le meilleur pour relever les défis de la France de demain, pour porter les espérances de la France de demain. Et donc je fais tout ce que je peux pour l’aider à gagner".

C’est quand même mieux qu’un « tout naturellement » de coin de table, fût-elle élyséenne. « Ensemble, on peut gagner », a pronostiqué la, encore pour quelques semaines, la première dame de France. Ensemble, oui, clin d’œil à la dernière homélie sarkozienne, à couverture bleu blanc rouge (illégale couverture selon Royal, un candidat ne devant pas arborer sur ses documents de campagne le drapeau tricolore), parue il y a quelques jours et dans laquelle le candidat se présente comme un homme désormais mûr, réfléchi et aussi à l’aise dans ses baskets que Johnny dans sa Suisse. Ou sa Belgique.

"Je voudrais dire à Bernadette Chirac que, pour nous deux, c’est une forme d’aboutissement" a proclamé le petit Nicolas, avant d’ajouter : "Jamais je n’ai perdu votre confiance, toujours nous nous sommes parlé et si aujourd’hui la famille est réunie, c’est parce que Madame, au moment où ça a été moins cinq, vous avez su être un trait d’union. Cette unité de la famille, je veux vous la dédier." On en pleurerait.

A Lyon, hier soir, c’était un peu comme à South Fork, dans le temps : une fois tous les six mois, une réunion de tous les Ewing, les frères, le père, la mère, les filles illégitimes, tous unis autour de « la famille », tous soudés soudain dans le but de faire prospérer la « Compagnie ». Dallas chez les Gones. C’est que quand on veut dire qu’on aime, en politique on n’y va pas par quatre chemins, il faut les extirper, les larmichettes, qu’elles soient « chevillées au corps » ou au pied du Béarn. Il faut aller la chercher l’émotion, à tout prix. Le meeting est cet instant où l’homme politique doit abandonner son chauffeur pour monter sur son tracteur. Au nom de l’intérêt supérieur. Des partis, bien sûr. C’est ainsi que douze ans après la trahison balladurienne, Bernadette a replié son opinel pour faire la bise à Judas : "Chaque époque a sa propre vision, le monde change, chaque époque envisage son programme", a-t-elle dit. "Il est normal qu’un futur président de la République ait son programme. Mais je n’ai jamais observé que Nicolas Sarkozy soit en contradiction ou en opposition avec les initiatives ou les programmes que mon mari a initiés pendant ses douze ans de présidence." Une élection, ça ne se joue pas, ça se gagne. Et une couleuvre, ça s’avale.

L’invitée préférée de Michel Drucker a tout de même précisé que « sans l’accord du chef de l’Etat » elle ne « serait pas venue ». Que Jacques l’a « encouragée » à venir supporter le petit (Jacques aurait-il été pris soudain de remords suite à son soutien en crabe ?). Ensuite, elle s’est dit très émue : « Il y a une forte émotion chez moi ce soir. J’essaye d’être pudique, de ne pas la montrer »(...) « Je suis très heureuse d’être là ce soir auprès de Nicolas Sarkozy, c’est très important pour la France. » C’est Cécilia qui va être jalouse.

Bernadette aura en tout cas été le soutien le plus spectaculaire de Sarkozy, ces derniers jours, avec celui de Bernard Tapie, finalement rallié au tandem Borloo-Sarkozy, plus par amitié avec Borloo que par conviction, apparemment. L’ancien homme fort de l’OM, ministre de la Ville sous Mitterrand, ruiné, embastillé puis acteur sous Lelouch, n’a pas hésité à provoquer l’ire de Baylet, son ancien radical de pote, qui demande son exclusion des radicaux de gauche. Pas sûr que Bernadette se précipite pour faire la bise à cet énième supporter-là. Ni à Steevy. L’indulgence a ses limites.


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