BNP Paribas : le gouvernement doit durcir le ton

par Laurent Herblay
jeudi 5 juin 2014

Suite à l’annonce que la justice étasunienne pourrait infliger une amende de 10 milliards de dollars à BNP Paribas pour des transactions réalisées en dollars avec l’Iran et le Soudan, le gouvernement a fini par monter au créneau. Mais il doit être beaucoup plus ferme.

Une saisie qu’on appelle amende
 
Bien sûr, on peut s’abriter derrière le fait qu’il s’agit d’une amende infligée par la justice et non par le pouvoir politique. Néanmoins, elle est du même acabit que les saisies arbitraires faites par certains Etats sur des avoirs étrangers. Les Etats-Unis se croient tellement tout permis qu’ils ne se rendent même pas compte de l’énormité de la sanction envisagée, pour des faits qui, il faut le rappeler, ne contreviennent pas au droit international, mais seulement au droit étasunien, dont l’autorité ne dépasse logiquement pas le territoire étasunien. Il faut rappeler ici que BNP Paribas réalise environ 3 milliards d’euros de PNB outre-Atlantique et que cette amende dépasse largement les précédents récents.
 
S’il est légitime de sanctionner la filiale étasunienne de BNP Paribas si elle n’a pas respecté les lois du pays, cette sanction doit être proportionnelle aux précédents et il serait arbitraire que la justice US la sanctionne pour des faits commis par des filiales non étasuniennes sur lesquelles elle ne doit pas avoir de prise pour des faits qui ne sont pas commis sur son territoire. Forbes reconnaît que les régulateurs n’enquêtent pas sur les banques US « avec autant de zèle que sur les banques européennes » mais soutient que les Etats-Unis rendraient « service à tout le monde » en cherchant à « mettre de l’ordre » dans les banques européennes. Le cowboy impérialiste n’est jamais très loin…
 
Un gouvernement trop timide

On peut se satisfaire à première vue de la mobilisation générale de l’équipe au pouvoir sur ce sujet : François Hollande a envoyé une lettre à Barack Obama, Laurent Fabius a dénoncé une amende « pas raisonnable  » et Michel Sapin a averti que la France « était prête à réagir fermement pour protéger ses intérêts fondamentaux  ». Cependant, Karine Berger, membre socialiste de la commission des Finances a estimé qu’il « faut absolument que l’Etat français ne s’en mêle pas. (…) si les faits étaient avérés, la position américaine est parfaitement compréhensible  ». Washington devrait lui envoyer une carte verte, si ce n’est un passeport étasunien tant elle semble davantage défendre leurs intérêts.

Même la presse US, critique contre les réactions françaises, ne peut pas justifier une telle amende (la presse anglaise penchant de notre côté). Et la somme colossale demandée pourrait avoir de graves conséquences sur la banque. Il faut donc que le gouvernement réagisse de manière bien plus ferme et ne se contente pas de mots. Il faut menacer les Etats-Unis de sanctions au moins aussi importantes, par exemple l’interdiction pour tous les établissements financiers US d’avoir la moindre activité en France, la volonté de réduire drastiquement l’utilisation du dollar dans nos échanges, ou de lancer un boycott contre tous les produits US. Washington ne comprend que la force. Il faut leur faire sentir la nôtre.
 
Et c’est bien là le problème. Si on peut se satisfaire de l’activisme verbal du gouvernement, le précédent du dérisoire pacte de croissance européen de juin 2012, qui n’a pas empêché une nouvelle récession, impose une attention sur les actes, qui suivent rarement l’emphase des mots.

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