Bové, fast-food du populisme

par Hayek
lundi 24 juillet 2006

Il y a quelques jours, on nous annonçait que José Bové était candidat à l’élection présidentielle.

Faut-il s’en inquiéter ? Ou s’en réjouir ?

A priori, c’est plutôt une mauvaise nouvelle. Bové est un populiste démagogue et réactionnaire qui ne peut que tirer le niveau de la campagne vers le bas et peut être séduire une partie de l’électorat avec sa belle moustache qui lui a valu le surnom flatteur d’Astérix.

Au passage, on est surpris qu’il puisse se présenter tout court. Quand on connaît le personnage et sa conception insurrectionnelle et vandale du militantisme politique qui lui a valu de passer plusieurs fois devant les tribunaux, on ne peut être qu’étonné qu’il n’ait fait l’objet d’aucune condamnation de nature à l’empêcher de se présenter. Mais il est vrai que Chirac avait jugé bon de le gracier...

Cependant, il faut, je pense, relativiser le danger qu’il représente. D’une part, il n’est pas le seul, loin s’en faut, à tirer le niveau du débat vers le bas. Entre les populistes et souverainistes de droite qui se sentent pousser des ailes et les incontournables enragés de l’extrême gauche, en passant par le revirement populiste et marxisant du PS et de Fabius, on voit mal comment Bové pourrait encore à lui seul aggraver les choses.

De plus, les petits partis et mouvements qui se trouvent à la gauche de la gauche constituent sans doute le pire panier de crabes de tout le paysage politique français. Ils ont beau ne représenter qu’une frange limitée de l’électorat et partager la plupart des idées en commun, ils sont terriblement mauvais, morveux et intrigants entre eux. Si bien qu’il est difficile d’imaginer que Bové puisse réussir à fédérer l’extrême gauche. Le PCF est trop préoccupé par l’obsession de son déclin pour renoncer à sauver les apparences et présenter un candidat. Laguiller est tout simplement accroc. Besancenot croit en son étoile et en sa bouille d’angelot. Etc...

Mais surtout, je pense qu’il est éminemment souhaitable que Bové franchisse le pas et entre franchement dans le débat en venant prendre un strapontin sur la scène politique. Car par ce geste, les masques vont tomber. Et son marketing électoral et idéologique, fort habilement élaboré, ne pourra résister bien longtemps.

Car je crois qu’il est bon de souligner que la plus belle manœuvre de marketing politique de notre époque, c’est l’alter mondialisme.

L’alter mondialisme est un concept creux, ramasse tout, sexy et nouveau, qui a eu le mérite d’exploiter les réflexes les plus basiques, les plus nauséabonds et les plus irrationnels de la mythologie politique : théorie du complot mondial-financier-(-"juif"-)-banquier-OMCiste-ultra-libéral-spéculateur qui nous replonge dans l’époque de la propagande anti "cent familles". Il frappe les esprits en désignant cet adversaire impalpable, insaisissable, caché, qui peut pourtant être n’importe qui, votre voisin, votre banquier, (l’ennemi de l’intérieur). Il se développe sur l’ignorance et sur ces concepts non définis (libéralisme, capitalisme, mondialisation, globalisation, fonds de pension, etc...) sur lesquels les militants n’ont que des phantasmes. Le tout emballé dans un joli papier cadeau environnementaliste, gastronomie et nature...

Mais qui sont leurs leaders ? Leurs associations ? Ils ne sont pas nés avec le concept d’alter mondialisme pourtant.

Ils existaient tous avant. C’étaient les anciens leaders trotskistes-maoïstes d’organisations ou de partis démodés, oubliés, poussiéreux qui ne récoltaient plus du tout les jeunes rebelles romantiques. Et du jour au lendemain, ils ont changé les plaquettes, la devanture, le look et le reste, et depuis, ils engrangent sur au fond exactement la même idéologie, le concours d’une proportion énorme de la population. Nombreux sont ainsi ceux qui aiment Bové, sans savoir qui il est, d’où il vient.

Et lui-même est d’ailleurs très prudent à ne pas l’expliquer. J’avais entendu un reportage à la radio où à l’issue d’un meeting de province de Bové, une femme venait lui demander un autographe sur son livre, en lui disant qu’il avait tout à fait raison et que d’ailleurs elle allait voter Mégret. Et lui, il a certes gentiment expliqué que Bové et Mégret c’est pas pareil et qu’il faut pas voter pour Mégret, mais sans lui donner les clefs de compréhension, sans dire que lui c’est extrême gauche et pas extrême droite, sans critiquer le programme frontiste, avec lequel, il est vrai, les divergences ne sont souvent que symboliques (on retrouve, à l’extrême droite, comme à l’extrême gauche, cette même obsession réactionnaire du repli sur soi, donc promotion des solutions protectionnistes et rejet de la mondialisation, ces mêmes haines et méfiances envers les anglo-saxons (souvenons-nous de la presse collaborationniste et de ses discours anti-anglais qui ressemblent tellement à la rhétorique du PCF) et les juifs (l’extrême gauche française a un lourd passé antisémite aussi, le juif incarnant le petit bourgeois près de ses sous, spéculateur et profiteur, ce qui explique que Jean Jaurès commencera par être anti-dreyfusard, comme la CGT, en traitant le fameux capitaine de petit bourgeois qui ne méritait que la mort), même haine du libéralisme et du capitalisme, même propension à verser dans la théorie du complot, en général mondial, souvent fomenté par de nombreux juifs d’ailleurs, triste héritage du protocole des sages de Sion, on a simplement remplacé banque de France par Davos ou banque mondiale et cent familles par FMI ou OMC...). Il joue et gagne sur cette ambivalence. Il drague à tous les râteliers, et s’il peut profiter, grâce à une sorte de hold-up politique, de la démagogie frontiste, il ne s’embarrassera pas de la prétendue moralité humaniste et internationaliste de l’extrême gauche.

En tous cas, le coup de l’alter mondialisme, ce magnifique coup de pub de communiquant, le meilleur depuis des lustres, ne peut que souffrir de la candidature de son leader, qui va devoir se positionner politiquement de façon beaucoup moins floue dans son discours, qui devra débattre avec les autres candidats, contribuant ainsi à faire tomber les masques et à casser cette illusion et ce flou artistique grâce auquel des personnes aux sensibilités souvent incompatibles pouvaient s’imaginer qu’il les représentait.

Pour résumer, Non à Bové ! Non à la mal-politique !


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